Depuis le 14 octobre, des dizaines de scientifiques multiplient les interventions publiques pour réclamer une politique à la hauteur de la crise écologique. Samedi à Montpellier, ils ont enjoint le gouvernement à agir d’urgence.
Montpellier (Hérault), reportage
Le 15 octobre, vers 11 heures, sous un soleil trop chaud pour ce mois d’automne, une quarantaine de scientifiques et une vingtaine de militants d’Alternatiba se sont rassemblés en plein centre de Montpellier pour réclamer « une action publique radicale », « en urgence » face à « la crise climatique ».
Des mots lancés avec force par Florence Volaire, chercheuse au Centre d’écologie fonctionnelle et évolutive (Cefe). Saisissant le micro du haut-parleur pour interpeller la foule des passants devant l’Opéra Comédie, lors de cette « conférence sauvage », elle a martelé : « Nous sommes en danger. […] Chaque tonne de CO2 émise aggrave ce danger. » Céline Teplitsky, également chercheuse au Cefe, a pris la parole à son tour, alertant sur le déclin rapide de la biodiversité et des écosystèmes. C’est pourquoi « il faut agir vite », a repris Florence Volaire, énonçant les priorités : « sortir des énergies fossiles », « arrêter la déforestation » ou encore « investir dans des bâtiments bas carbone ». Scientifiques mobilisés à Montpellier, le 15 octobre 2022. © David Richard / Reporterre
Enseignants-chercheurs et jeunes doctorants du CNRS, du Cirad, de l’IRD, de SupAgro et de l’université de Montpellier répondaient à l’appel de Scientist Rebellion, un collectif international né dans le sillage de la tribune de 1 000 scientifiques, en février 2020, jugeant « la rébellion nécessaire » face à la crise climatique et l’inaction des gouvernements. Les scientifiques ont exigé des mesures contre le réchauffement climatique, à Montpellier, le 15 octobre 2022. © David Richard / Reporterre
« Il faut sortir de nos bureaux et nous mobiliser »
« Les meilleures données sur le déclin de la biodiversité ne vont pas sauver les lions ou les éléphants. C’est le moment de militer, de vulgariser nos connaissances, de convaincre les gens que c’est une priorité », estime Riccardo Poloni, doctorant en écologie, derrière l’un des grands panneaux résumant les menaces sur le vivant, que tient la première rangée de manifestants. « Si nous disons d’agir en urgence, il faut sortir de nos bureaux et nous mobiliser, sinon ce ne sera pas perçu comme une urgence », abonde Chiara Pistocchi, enseignante-chercheuse à l’Institut Agro de Montpellier, persuadée qu’« il faut des changements radicaux, sans quoi on va vers des événements catastrophiques ». Ils réclament une action politique à la hauteur de la crise écologique. © David Richard / Reporterre
Cette mobilisation inédite de Scientist Rebellion et de ses partenaires s’est déployée dans plusieurs villes de France. Le coup d’envoi a été donné à Toulouse le 14 octobre. Avec le soutien de militants d’ANV-COP21, dix scientifiques ont interrompu un « forum zéro carbone » associant la métropole et le journal La Tribune, auquel participait TotalÉnergies. L’occasion de dénoncer les « bombes climatiques », notamment l’ouverture de nouveaux gisements fossiles, ainsi que des projets locaux d’infrastructure routière. Et de protester contre un événement jugé comme étant du « greenwashing ». Des scientifiques sont intervenus dans plusieurs événements en France. © David Richard / Reporterre
Paris, Nice, Berlin…
Le 15 octobre, c’est à Paris que le collectif de chercheurs en rébellion s’est invité à la Fête de la science pour souligner l’écart abyssal entre le discours sur « le réveil climatique » — thème officiel de la manifestation — et l’inaction climatique de l’État français qui lui a valu une condamnation en justice, a rappelé Kévin Jean, l’un des animateurs du collectif Scientist Rebellion. Le même jour, à Nice, une conférence-occupation était organisée avec ANV-COP21, Extinction Rebellion et Alternatiba06. Dans leur collimateur, l’extension de l’aéroport niçois et « l’urbanisation massive de terres fertiles dans la plaine du Var ». Ces scientifiques devraient intervenir dans d’autres événements ces prochains jours. © David Richard / Reporterre
C’est désormais en Allemagne que Scientist Rebellion amplifie la mobilisation en misant sur des actions de désobéissance civile. Le 16 octobre, à Berlin, une soixantaine de scientifiques venus de toute l’Europe, aidés par une dizaine d’activistes de Letzte Generation (Dernière génération), ont perturbé la tenue du Sommet mondial de la santé en bloquant l’entrée du bâtiment des conférences, d’après un communiqué du collectif. Sous la bannière « Unite Against Climate Failure » (« S’unir contre l’échec climatique »), ils dénonçaient « la fiction politique du +1,5 °C », alertant que « crise climatique = crise sanitaire » et réclamant des mesures immédiates à la hauteur des enjeux. Le début d’une série d’actions qui doit se prolonger quelques jours.
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