Le gouvernement d’Élisabeth Borne fait sa rentrée cette semaine. Avant le premier conseil des ministres post-période estivale mercredi, puis le lancement du Conseil national de la refondation le 8 septembre, nous faisons le point sur l’offensive antisociale qui se prépare pour les semaines et mois à venir.
Promulguée le 16 août 2022, la « loi portant mesures d’urgence pour la protection du pouvoir d’achat » était déjà insuffisante pour garantir le niveau de revenu des Français. Et les prévisions de l’INSEE d’une inflation sur 12 mois grimpant à 7 % au mois de septembre pourraient bien la rendre totalement caduque.
En effet, l’augmentation des pensions de retraite et des minimas sociaux de 4 % en septembre reste en deçà des 6,1 % d’inflation enregistrés en juillet. Quant aux salaires, la prime Macron, soumise au seul bon vouloir des entreprises sans cotisations sociales ni impôts, ne peut être considérée comme une mesure apportant des garanties à l’ensemble des salariés. Sans compter qu’elle affaiblira une fois de plus le financement de protection sociale.
Par conséquent, le gouvernement restera sous pression sur ce thème, d’autant que des grèves sectorielles sont déjà prévues pour des augmentations de salaire — dans l’énergie le 13 septembre par exemple — ou sont en discussion dans les transports, avant une journée de grève interprofessionnelle le 29 septembre (voir notre article récapitulatif). Et ce ne sont pas les miettes en faveur de l’intéressement salarial contenues dans la loi qui modifieront cette réalité.
Des miettes pour les salariés, des claques pour les chômeurs
Si les salariés ne sont pas à la fête avec les dernières mesures gouvernementales, les demandeurs d’emploi, seront eux, clairement montrés du doigt dans les mois à venir – comme au début du premier quinquennat d’Emmanuel Macron d’ailleurs. Dans un texte qui devrait arriver devant l’Assemblée nationale en octobre, l’exécutif a déjà annoncé qu’il souhaitait moduler la durée et les montants des indemnités chômage en fonction de l’état de la croissance et du nombre d’offres d’emplois disponibles. Cette réforme du travail, dont le contenu exhaustif n’est pas encore connu, devrait également comporter des mesures affectant les lycées professionnels et l’apprentissage, ainsi que d’autres concernant l’emploi des seniors ou la transformation de Pôle emploi en « France travail ».
En attendant que les modalités précises du changement des règles de l’indemnisation chômage soient dévoilées, des éléments de langage visant à culpabiliser les chômeurs et à justifier la réforme ont déjà été répétés pendant l’été. Emmanuel Macron en personne s’y est attelé dans son allocution du 14 juillet : « s’ils [ndlr : les chômeurs] peuvent trouver et aller vers un autre métier, je le comprends très bien. Mais si derrière, la réponse c’est je vais bénéficier de la solidarité nationale pour réfléchir à ma vie, j’ai du mal à l’entendre parce que cette solidarité c’est ceux qui bossent qui la paie », a-t-il sermonné, à propos de la désaffection pour certains métiers.
Face à cette attaque, une mobilisation des chômeurs reste hypothétique dans la mesure où les demandeurs d’emploi sont la plupart du temps isolés. Celle des salariés est également peu probable, car rarissime sur ces questions, même si les syndicats se réunissent la semaine prochaine dans les locaux de la CFDT pour élaborer une position commune. Malgré tout, la lutte contre cette réforme fera partie des sujets mis en avant lors de la mobilisation interprofessionnelle du 29 septembre. Une mobilisation à laquelle la CGT et Solidaires ont appelé avant les départs en vacances d’été, en attendant que d’autres syndicats se prononcent.
Les bénéficiaires du RSA au travail forcé ?
Mettre les gens au boulot quoi qu’il en coûte ! C’est en quelque sorte la philosophie sous-jacente à l’action du gouvernement. En plus de vouloir raboter les indemnités chômage pour faire des économies et pousser les demandeurs d’emploi à accepter au plus vite n’importe quel travail, quelles qu’en soient les conditions, le gouvernement veut mettre la pression sur les bénéficiaires du RSA, plus éloignés du monde du travail. Mais les changements ne seront pas immédiats.
Ici, le gouvernement semble faire le choix d’une expérimentation dans quelques départements, avant une généralisation début 2024. Son idée à ce stade est de s’inspirer du Contrat d’engagement jeune (CEJ). Celui-ci comprend effectivement une activité de 15 à 20 heures par semaine en échange d’une allocation maximale de 500 € par mois, comme évoqué par Emmanuel Macron en mars dernier pour le nouveau RSA. Mais qui se souvient du CEJ ? Avec cette méthode, la mesure consistant à faire travailler 20 heures par semaine des bénéficiaires du RSA pour 500 € par mois, soit à peine plus de 6 € de l’heure, pourrait être en partie invisibilisée.
Retraites : la grande inconnue
Emmanuel Macron n’a cessé de l’affirmer : il faut travailler plus. Son objectif reste de porter l’âge de départ à la retraite à 65 ans d’ici 2030. « Nous maintenons l’été 2023 comme horizon pour l’entrée en vigueur des premiers effets de la réforme », a affirmé de son côté Olivier Dussopt fin juillet. Les discussions avec les organisations syndicales et patronales devraient commencer après l’ouverture du Conseil de la refondation, expliquait alors le ministre du Travail. Soit après le 8 septembre.
Mais le calendrier semble serré et pour l’heure nul ne connaît le détail de cette réforme. Ni la stratégie du gouvernement pour la mettre en œuvre, alors que l’ensemble des organisations syndicales de salariés sont opposées à un report de l’âge légal. Ce, d’autant que l’automne et l’hiver à venir seront marqués par l’inflation et de possibles coupures d’énergie. De quoi faire grimper le thermomètre social.
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