Législatives
14 juin 2022 par Pierre Jequier-Zalc
Les neuf candidats issus des luttes sociales, investis par la Nouvelle union populaire écologique et sociale (Nupes), et que Basta! avait suivis, se sont qualifiés pour le second tour du 19 juin. Tour d’horizon de leurs chances de victoire.
Publié dans Alternatives
Basta! avaient présenté il y a peu ces candidats atypiques de la Nupes qui pourraient revivifier la représentation populaire à l’Assemblée nationale. À l’issue du premier tour nous les retrouvons toutes et tous qualifié.es pour le second, mais avec des chances de victoire plus ou moins certaines selon les cas.
Pour eux, c’est presque gagné
François Piquemal, un pied et demi à l’Assemblée nationale
Sur le papier, c’était sans doute la circonscription la plus « facile » à remporter pour ces neuf candidats. Cet enseignant d’histoire-géographie et de français dans un lycée professionnel du Mirail, un quartier populaire de Toulouse, et ancien militant du Droit au logement (DAL) est arrivé largement en tête du premier tour dans la 4e circonscription de la Haute-Garonne avec 46,54 % des suffrages exprimés. Il devance de plus de 20 points Marie-Claire Constans, investie par Ensemble, la coalition de la majorité présidentielle. A priori, le second tour ne devrait donc être qu’une formalité pour que François Piquemal intègre l’hémicycle. Notons qu’une autre candidate issue des mouvements sociaux, l’ancienne coprésidente d’Attac Aurélie Trouvé, a elle aussi un pied et demi à l’Assemblée. Avec plus de 53,5 % des suffrages dans la 9e circonscription de Seine-Sain-Denis, elle devra cependant se plier à un second tour face au candidat d’Ensemble (20 %) à cause du niveau de l’abstention (réunir 25 % des électeurs inscrits sur les listes est aussi une condition nécessaire à l’élection dès le 1er tour).
En Seine-Maritime, le tour de force d’Alma Dufour
Assez étonnamment, Alma Dufour a sans doute fait le plus difficile en se qualifiant au second tour. Dans sa circonscription, la 4e de la Seine-Maritime, cette ancienne militante des Amis de la Terre faisait face à une importante dissidence du Parti socialiste. « Ils ne veulent pas lâcher leur bastion, ils me mènent la vie dure en n’attaquant que moi », confiait la jeune femme avant le premier tour. Et finalement, ce n’est que d’un cheveu qu’elle distance Djoudé Merabet, le candidat dissident : de 167 voix exactement… Celui-ci termine troisième avec 23,47 % des suffrages exprimés – contre 23,9 % pour Alma Dufour – et ne peut donc pas se maintenir au second tour.
Dimanche prochain, celle qui a notamment lutté contre l’implantation d’entrepôts Amazon partout dans l’Hexagone affrontera un candidat du Rassemblement national, arrivé en tête avec 26 % des votes. Maintenant qu’elle n’est plus confrontée au candidat dissident du PS, Alma Dufour peut donc être assez confiante en vue du second tour. Elle devrait a priori pouvoir s’appuyer sur l’effet du « front républicain » pour intégrer l’Assemblée nationale lors des cinq prochaines années. Ailleurs, dans une dizaine de circonscriptions (notamment dans le Pas-de-Calais), des candidatures PS dissidentes ont, en dispersant les voix de gauche, empêchés la Nupes de se qualifier au second tour, permettant aussi au RN de se placer en tête, parfois dans dans des zones où la gauche était pourtant forte.
Celles et ceux en ballotage légèrement favorable
Le joli coup de Marie Pochon
Dans une circonscription qui avait vécu un second tour LREM vs LR en 2017, les 35,5 % de Marie Pochon sont une vraie performance. La candidate de la Nupes, issue du mouvement climatique, arrive très largement en tête devant la sortante LREM, Célia de Lavergne qui n’obtient que 23 % des voix. Sur le papier, la 3e circonscription de la Drôme semblait assez difficile à remporter pour la jeune femme, ex-militante de l’association Notre affaire à tous. Mais après ce premier tour, tout semble ouvert. Au jeu du report des voix, la députée sortante pourrait certes bénéficier des 15,9 % du candidat LR, mais Marie Pochon, devrait aussi recueillir les 4 % des candidats divers gauches. Ce qui les place toutes les deux à environ 40 %. La dynamique de campagne, favorable à la candidate de la Nupes, pourrait faire pencher la balance de son côté dans ce second tour incertain.
Rachel Kéké, un beau score à confirmer
C’était un résultat scruté par de nombreux observateurs politiques. Et pour cause, dans la 7e circonscription du Val-de-Marne, deux personnalités importantes s’affrontent. D’un côté, investie par la Nupes, Rachel Kéké, ancienne femme de chambre puis gouvernante dans un hôtel Ibis de Paris et porte-parole de la plus longue grève de l’histoire de l’hôtellerie. De l’autre, Roxana Maracineanu, représentante de la coalition de la majorité présidentielle. Dans ce duel, c’est bien la première, représentante de la Nupes, qui l’a emporté haut la main avec 37,2 % des suffrages exprimés. Elle devance de plus de 13 points l’ex-ministre des Sports. Un écart qui confirme la popularité de Rachel Kéké dans cette circonscription où elle habite, et la volonté de nombreux citoyens de l’envoyer à l’Assemblée nationale pour cinq ans.
Cependant, cette large avance ne présume pas d’une victoire facile le 19 juin. En effet, le troisième de ce suffrage, un candidat Les Républicains, obtient plus de 18 % des suffrages exprimés, ce qui pourrait constituer une importante réserve de voix pour la candidate d’Ensemble. Dès ce lundi matin, Roxana Maracineanu a joué cette carte en appelant à un « front républicain » pour faire « barrage à l’extrême gauche ». Pas très distingué quand, il y a quelques mois encore, Rachel Kéké, à l’instar de nombreuses autres personnes, femmes de chambre, caissiers, aides-soignants, était qualifiée par ces mêmes personnes de « personne essentielle » à la République durant la crise sanitaire…
À l’inverse, du côté Nupes, peu de report de voix sont à prévoir. La possibilité de l’emporter réside donc, pour Rachel Kéké, dans sa capacité à mobiliser un électorat qui ne s’est que peu déplacé aux urnes dans sa circonscription avec un niveau d’abstention qui dépasse les 53 %.
Nadhéra Beletreche, une première place sans certitude
En 2017, dans la 9e circonscription de l’Essonne, une candidate LREM affrontait une candidate LR au second tour. C’est donc déjà une belle victoire qu’a obtenue Nadhéra Beletreche ce dimanche en arrivant en tête du premier tour avec 32,4 % des votes. Elle devance de trois petits points la députée LREM sortante Marie Guévenoux. La candidate de la Nupes, investie par Europe Écologie les Verts dans une perspective de « candidature d’ouverture » aura donc fort à faire dans la perspective d’un second tour indécis. Dans sa circonscription, ce sont les voix de l’extrême droite qui risquent de faire basculer le scrutin d’un côté ou de l’autre avec plus de 20 % des suffrages exprimés quand on agrège les résultats du Rassemblement national et de Reconquête. Et en tant que militante antiraciste et luttant contre les LGBTphobies, pas sûr qu’elle s’attire les voix de cet électorat…
Ainsi, comme Rachel Kéké, Nadhéra Beletreche devra sans doute miser sur un regain de participation pour espérer l’emporter dimanche prochain. Dans sa circonscription, qui contient plusieurs quartiers populaires qui ont largement voté Jean-Luc Mélenchon au premier tour de la présidentielle, l’abstention frôle les 55 %… Plus que dans les voix de l’extrême droite, c’est très certainement ici que réside sa plus grande réserve pour battre Marie Guévenoux.
Nicolas Cadène, un essai à transformer
En 2017, le premier candidat de gauche au premier tour de la législative dans la 6e circonscription du Gard avait difficilement atteint les 13 %. Arriver en tête avec 25,65 % des suffrages exprimés est donc une vraie première victoire pour Nicolas Cadène. Au second tour, l’ancien rapporteur général de l’Observatoire de la laïcité affrontera Philippe Berta, le candidat Ensemble qui n’a devancé celui du Rassemblement national que de 89 petites voix…
Ainsi, comme dans la circonscription de Nadhéra Beletreche, le comportement des électeurs du RN (24,1 % des exprimés) et la participation (seulement 45 % hier) feront basculer le second tour d’un côté ou de l’autre. Pour espérer l’emporter, celui qui lutte contre les tenants d’une vision de la laïcité « dure », Nicolas Cadène pourra aussi s’appuyer sur une dynamique de campagne positive. Cette première place est plutôt une surprise, et il faudra transformer l’essai, dimanche prochain.
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Ceux pour qui le second tour est très incertain
Pour Youenn Le Flao, une qualification en demi-teinte
Parmi cette liste, c’est peut-être une des petites déceptions. Sur le papier, Youenn Le Flao est qualifié pour le second tour des législatives dans la 8e circonscription du Finistère. Mais celui-ci arrive plus de 3 points derrière le candidat Ensemble qui recueille près de 35 % des voix et fait mieux que lors de l’élection législative de 2017 qu’il avait ensuite remporté. Une forme de mini-défaite pour ce postier, syndiqué à Sud PTT et militant d’Attac, qui lorsqu’on avait discuté avec lui avant le premier tour, espérait vivement « y arriver ».
Malgré tout, rien n’est perdu pour Youenn Le Flao. Dans cette circonscription bretonne, le second tour reste très incertain. Si, avec son bon score et le report des voix du candidat LR, le député sortant Erwan Balanant part avec une petite longueur d’avance, il s’agira pour le candidat Nupes de convaincre les indécis et d’élargir son socle.
Stéphane Ravacley, une première place à nuancer
À l’instar de Youenn Le Flao dans le Finistère, le résultat de Stéphane Ravacley dans la deuxième circonscription du Doubs est un peu ambivalent. Certes, le boulanger investi par la Nupes arrive en tête du premier tour avec 32,5 %. Mais il est suivi de très près par le candidat de la majorité présidentielle, Éric Alauzet, avec 31,3 %. C’est une petite déception dans une circonscription qui avait élu Éric Alauzet à la députation en 2017 avec plus de 60 % des suffrages exprimés au second tour. À l’époque, il était candidat sous bannière écologiste avant de rallier la Macronie.
Le second tour risque donc d’être délicat pour Stéphane Ravacley. Sur le papier, il ne dispose d’aucun report de voix. À l’inverse, dimanche prochain, le candidat Ensemble pourrait bénéficier des 11 % du candidat LR. Tout comme son confrère breton, il s’agira pour le candidat Nupes de convaincre les indécis et d’élargir son socle.
La mission difficile de Noé Gauchard pour battre la Première ministre
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On l’annonçait battu d’avance par la Première ministre Élisabeth Borne. Pourtant, dans la 6e circonscription du Calvados, Noé Gauchard, 22 ans, résiste plutôt bien à l’actuelle cheffe du gouvernement. Celui qui a milité au sein de Youth for Climate est quand même assez largement distancé. Mais son score de 24,5 % , est assez bon et celui d’Elisabeth Borne, 34,3 %, plutôt médiocre. En comparaison, le candidat LREM aux législatives de 2017 faisait près de 3 points de plus. Pas terrible pour celle qui représente nationalement la majorité présidentielle.
Et si on regarde dans le détail, l’élection d’Élisabeth Borne le 19 juin n’est pas certaine. Elle pourra certainement compter sur le report des voix d’une candidate centriste qui a obtenu 7 % des suffrages, mais c’est à peu près tout. Une nouvelle fois, l’extrême droite (environ 27 % si on agrège RN, Reconquête et Debout la France) risque d’arbitrer cette élection. Et si, dans d’autres circonscriptions, les votants qui ont choisi l’extrême droite ont peu de chance d’atterrir du côté de la Nupes, ici, ce n’est pas inimaginable. Dimanche prochain, la 6e circonscription du Calvados se transformera en mini-référendum national pour ou contre le gouvernement actuel. Même si Élisabeth Borne reste favorite, Noé Gauchard pourrait bénéficier de cet effet.
Pierre Jequier-Zalc
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