L’entre-deux-tours a été marqué par des luttes dans certaines universités. Le mouvement étudiant, affaibli par deux années de Covid, a ainsi clamé son refus de choisir entre Emmanuel Macron et Marine Le Pen. Retour sur deux semaines de lutte.
Le mercredi 13 avril, trois jours après les résultats des élections présidentielles, une assemblée générale (AG) rassemblant des étudiants de plusieurs universités parisiennes est organisée dans les locaux de la Sorbonne.
« C’était une AG massive, on était 600. On a senti qu’il y avait une vraie disposition à la lutte dans les universités », commente Victor Mendez, responsable de l’UNEF-Tacle (tendance de l’UNEF proche du NPA) à la fac de Nanterre. L’occupation du lieu dès le lendemain est alors votée.
Pourtant, l’université reste bouclée par la police. Les occupants ne peuvent sortir que de manière définitive et aucune entrée n’est permise. L’occupation prend fin au bout d’un jour et demi, malgré une manifestation de soutien organisée devant le bâtiment. Un appel à multiplier les occupations et les luttes dans les universités et dans la rue est toutefois lancé.
Les grandes écoles mobilisées
L’occupation de la Sorbonne suscite des mouvements dans d’autres établissements. Et ce avant tout dans les grandes écoles. À Paris, toujours lors de cette première semaine d’entre deux tours, les étudiants de l’École Normale Supérieure et de Sciences Po se mobilisent également. Occupation de salle pour l’une, tentative de blocage pour l’autre. Jeudi 14 avril, ce dernier est attaqué par 30 à 40 militants de la Cocarde, syndicat étudiant d’extrême droite, qui débloquent violemment les lieux.
Le 20 avril, c’est le campus de l’EHESS à Aubervilliers qui est occupé à son tour pour servir de base arrière au mouvement étudiant naissant. D’autres campus délocalisés de Sciences Po Paris, à Reims, Nancy et Dijon, se mettront également en mouvement, affichant des banderoles et occupant des salles sans toutefois bloquer les établissements.
À Lyon, les étudiants de ces mêmes grandes écoles s’interrogent également sur leur rôle à jouer pendant cet entre-deux-tours. Dans la capitale des Gaules, un blocage est organisé à Sciences Po, le vendredi 15 avril. « Nous étions une bonne trentaine et ce blocage a permis de lancer un mouvement. Toute la semaine qui a suivi nous avons occupé une salle pour y organiser des débats, des interventions, des assemblées générales », explique Yann Grillet Aubert, militant de Solidaires étudiant·es à Sciences Po Lyon. A l’École Normale Supérieure de Lyon, on se réunit également en AG le jeudi 14 avril, mais les forces en présence ne permettent pas de voter un blocage lors de la première semaine de l’entre deux tours. Ce blocage sera finalement mis en place ce vendredi 22 avril.
Trop peu en AG pour bloquer les facs
Hors de ces petites structures que sont les grandes écoles, le niveau des luttes dans les universités ne semble pas permettre un mouvement massif. « Il faut bien voir que le Covid a tué le mouvement étudiant », explique Raphaël, militant au Poing levé/Révolution Permanente à l’université toulousaine du Mirail.
A Toulouse, les syndicats et organisations politiques étudiantes impulsent une AG le mardi 19 avril « en réponse à l’appel lancé par les étudiants de la Sorbonne ». Une centaine d’étudiants, pour la plupart déjà militants, sont présents. « Trois positions ont émergé, une plutôt proche de celle de la France Insoumise : “aucune voix pour l’extrême droite et le troisième tour se joue dans les urnes”. Une seconde “ni Macron ni Le Pen et on appelle à la mobilisation”. Et une dernière qui invite à faire barrage contre le fascisme mais aussi à se mobiliser dans la rue », résume le militant.
A l’université Lyon 2 une AG inter-fac est également organisée mercredi 20 avril. Là aussi, une centaine d’étudiants sont réunis. « Ce n’est pas une grosse mobilisation mais on a eu très peu de temps pour préparer tout ça, il n’y a pas eu de collages pour appeler à l’AG, pas de tours des TD pour tracter. Et puis nous sommes dans une période d’examen et, forcément, cela joue sur les luttes dans les universités », explique Anaïs Barallon, militante UNEF-Tacle à l’université Lyon 2.
« Il est ressorti de l’AG que ni Le Pen, ni Macron n’offrait un futur enviable. Ce n’est pas un appel à l’abstention. C’est affirmer que, dans les deux cas, on se bat. L’AG a d’ailleurs appelé à un premier mai massif », confie l’étudiante.
Les présidents d’université ferment les facs
Mais le faible niveau de mobilisation ne permet pas à lui seul de comprendre pourquoi la lutte des facs n’a pas réellement essaimé ces deux dernières semaines. La répression, menée notamment par les présidences d’universités parisiennes, a également beaucoup joué.
« Après l’occupation de la Sorbonne, les présidents d’université ont fermé Paris 1, Paris 3, Paris 4 et Paris 8, sans rien demander à personne, en toute impunité. Les étudiants ne viennent donc plus à la fac et ne peuvent plus se mobiliser. On leur dit qu’il y aura des cours à distance, mais c’est un cassage de grève en règle », dénonce Victor Mendez de l’UNEF-Tacle. Les outils mis en place pendant la séquence Covid permettant de faire cours à distance trouve alors une nouvelle utilité : éloigner volontairement les étudiants des campus. La méthode est largement utilisée lors des deux semaines de l’entre deux tours.
Ainsi, alors qu’une AG inter-facultés est prévue mardi midi sur le campus de l’université Paris 8 à Saint-Denis, le collectif « P8 se mobilise » est finalement contraint de la décaler au lendemain. La direction de l’université prétexte qu’elle est « inaccessible toute la journée (…) pour des raisons de sécurité ».
Cette pratique n’a pas manqué d’être dénoncée par certains enseignants. C’est le cas de ceux du département de sciences politiques de Paris 8 qui s’inquiètent des décisions unilatérales, « sans explication » de leur présidence. « Il nous semble important, tout particulièrement dans le contexte de l’élection présidentielle, de rappeler le droit des étudiant⸱es et des personnels à se réunir en assemblée générale dans leur université », ajoutent-ils.
Des luttes dans les lycées parisiens
Enfin, quelques lycées parisiens se sont mobilisés lors de cet entre-deux-tours. Là encore, les lycéens refusent le deuxième tour Macron Le Pen qui leur est imposé. Notamment les prestigieux lycées Henri IV (5e arr), Fénelon (6e arr) ou encore Louis-le-Grand.
« Cette mobilisation des facs et des lycées dans l’entre-deux-tours, c’est pour dire non à deux représentants du patronat, l’un plus dégueulasse que l’autre. On était pas sur le début d’un nouveau mouvement social. Mais ça a posé des bases pour la suite », conclut Victor Mendez.
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