Ils sont environ 2000 hauts fonctionnaires en France dont la moitié (des énarques, des inspecteurs des finances, des polytechniciens) se partagent les plus hauts postes, les plus hauts revenus, le plus de jetons de présence dans les conseils d’administration, le plus grand nombre d’aller-retour entre public et privé, le plus de golden parachute et le plus de stocks options… Leurs revenus annuels oscillent entre 200 000 et 500 000 euros (salaire de l’ex-patron de science po) sans compter les actions et dividendes.
Vincent Jauvert, journaliste à l’Obs, publie en cette fin d’année le troisième tome de ses aventures de Tintin reporter au pays des commis d’Etat. Après « Les intouchables » et « Les voraces », voici la « La Mafia d’Etat » (Le Seuil, novembre 2021).
« En France, un petit groupe de hauts fonctionnaires truste la plupart des postes clés et lucratifs – dans les grandes entreprises privées comme au cœur de l’État. Depuis l’élection d’Emmanuel Macron, jamais cette caste n’a été aussi puissante et aussi riche. » prévient l’auteur.
Comment cette caste, unique dans le monde occidental, s’est-elle constituée pour atteindre son apogée aujourd’hui ? Comment a-t-elle réussi à contrer toutes les tentatives pour réduire son pouvoir ? Pourquoi Édouard Philippe est-il un de ses leaders masqués ?
85 minutes de conversation dense et éclairante entre Denis Robert et Vincent Jauvert pour ce Zoom arrière décapant, déprimant, suffocant qui marque surtout une rupture quasi définitive, en tout cas abyssale, entre la France du haut et celle du bas.
Plus que les chiffres étourdissants, les tours de passepasse pour se faire oublier ou les inventions de jurisprudence, les secrets de cette tribu de costume-cravates et de tailleurs chics plus préoccupés par l’argent et le pouvoir que par l’intérêt général, rendent ici nerveux et poussent à la colère.
On y apprend comment ces hauts fonctionnaires se cooptent dans les conseils d’administration de groupes privés, aux limites de la loi ; comment ils font fortune grâce au démantèlement de l’État qu’ils ont eux-mêmes orchestré ; comment certains ont continué à manœuvrer habilement et à prospérer pendant la crise sanitaire, comment, pour services rendus aux politiques (ici à Alexis Kolher), on les autorise à toucher des jetons de présence au-delà de la retraite. Pire, on se rend compte, à suivre Jauvert dans son enquête, que cette mafia d’Etat tient toutes les rênes du pays. Et semble indéboulonnable.
Sauf à réduire les salaires et les retraites dorées de 90%. Après tout, pourquoi pas ?
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