Un syndicaliste SUD commerce chez Amazon à Lyon a été enregistré à son insu puis intimidé par sa responsable RH. Dans le même entrepôt où le salarié de l’année 2020 a été licencié en 2021, la répression visant tous ceux qui critiquent leur direction continue de s’abattre. Le salarié et son syndicat ont porté plainte auprès du procureur de la République.
Le DAR1, site Amazon de Saint-Priest, en banlieue lyonnaise, n’est pas n’importe quel entrepôt. Cet été, sa direction a licencié Jérémy Paglia, son salarié le plus ancien (3 ans de boîte), également recordman du scan de colis. Le motif invoqué par l’employeur : des propos jugés « virulents » tenus sur la messagerie interne d’Amazon (voir notre enquête).
En ce mois de décembre 2021, le DAR1 se fait cette fois connaître pour une affaire d’intimidation syndicale. Un syndicaliste SUD commerce et services vient de porter plainte contre son entreprise et sa responsable RH pour « enregistrement sans le consentement de leur auteur de paroles prononcées à titre privé ». L’histoire n’est pas sans lien avec le licenciement de Jérémy Paglia.
Des Cerfas pour dénoncer sans preuve
Pour bien la comprendre, il faut revenir au mois de mai 2021. Steeve NDong, représentant syndical au DAR1, interpelle ses collègues lors d’une pause cigarette.
« Je m’adressais à un groupe pour les informer d’une rumeur selon laquelle des Cerfas signés par des salariés et témoignant contre d’autres circulent dans l’entreprise », explique-t-il. « Je leur ai rappelé leur responsabilité juridique lorsqu’ils signent ces Cerfas sans preuve pour dénoncer leurs collègues auprès de leur direction », continue le syndicaliste.
Aucun fantasme dans les propos de Steeve NDong. La correspondance par texto entre Jérémy Paglia, le salarié recordman licencié, et le directeur du DAR1, Mohammad Tirani, datée de Novembre 2020, le prouve. A l’époque, le responsable de site demande au salarié, alors en état de grâce, de produire des Cerfas contre certains collègues. « Oui mais je n’ai pas de preuve », lui objecte le salarié. « Yes même. Si y a (sic) plusieurs personnes qui disent on peut avancer. Et ça reste confidentielle (sic) », assure Mohammad Tirani.
Un enregistrement pour intimider
Quelques jours après son discours à la pause clope, Steeve NDong est convoqué dans le bureau de la responsable des ressources humaines de son site. « Je me suis assis en face d’elle et elle m’a fait écouter un enregistrement. C’est là que j’ai reconnu ma voix et mon discours à propos des Cerfas », se remémore le syndicaliste.
« La RH, m’a dit que je menaçais les salariés. Mais c’est en fait elle qui était en train de me menacer. Je lui ai donc fait remarquer que de tels enregistrements étaient illégaux et que j’exigeais que des sanctions soient prises à l’encontre de ceux qui les avaient réalisés. Elle s’est rétractée et m’a expliqué qu’ils n’avaient aucune valeur juridique et qu’ils ne seraient pas utilisés contre moi », explique l’agent de tri.
La RH reconnait
L’histoire aurait pu rester tapie dans le silence du DAR1, si la RH en question n’avait pas reconnu dans un échange de mail (que Rapports de Force a pu consulter) avoir en sa possession lesdits enregistrements. Au cours de ces échanges électroniques, celle-ci écrit noir sur blanc « ne pas avoir connaissance du nom de la personne qui a fait cet enregistrement », confirmant ainsi que le fichier existe bel et bien.
La responsable des ressources humaines refuse d’aider Steeve NDong à retrouver les auteurs de l’enregistrement. Il dépose finalement plainte auprès du procureur de la République de Lyon en compagnie de son syndicat pour « enregistrement sans le consentement de leur auteur de paroles prononcées à titre privé ». Les pratiques de répression syndicales sont répandues chez Amazon, particulièrement Outre-Atlantique où elles sont même théorisées. Contacté, Amazon n’a pour l’instant pas répondu à nos questions.
De son côté, Jérémy Paglia compte toujours obtenir sa réintégration au DAR1. Une audience de conciliation prud’homale aura lieu à la mi-janvier 2022.
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