de : Philippe Poutou / NPA
mercredi 25 août 2021
Au fil des manifestations, depuis 5 semaines, le mouvement anti-pass continue de se renforcer. Nous sommes nombreuses et nombreux à gauche y compris chez les anticapitalistes et plus largement dans les milieux militants du mouvement social à être partagé-es et sceptiques.
Y participer ou pas, soutenir ou s’en démarquer ? Résultat, partout, au sein des organisations comme dans les familles, entre collègues, entre voisins et entre amis, on a des différences d’appréciation qui débouchent parfois sur des disputes et des choix différents. Et parfois même fusent des accusations ou insultent, les plus sévères étant du genre « collabo » ou « complotistes », etc…
Ces manifestations sont clairement la traduction d’un profond mécontentement populaire, légitime, contre un gouvernement archi-discrédité et contesté. Entre refus de l’autoritarisme et des lois liberticides, entre ras le bol des mensonges et fouttages de gueule du pouvoir et colères contre les reculs sociaux.
Alors ça bouge, ça proteste, ça se mobilise, et c’est tant mieux. Mais tout n’est pas si simple. Car le climat actuel est bien marqué par une confusion des esprits et des idées, marqué par une droitisation de la société, même une extrême-droitisation, par un affaiblissement de la conscience collective, par une sorte d’individualisme.
Dans les manifs d’ailleurs, l’anti-macronisme et l’opposition au pass sanitaire se mélangent avec l’opposition au vaccin, contestant parfois la dangerosité du virus et les moyens d’y faire face, dénonçant ce qui est considéré comme une “dictature sanitaire”, revendiquant une « liberté » dont on peut avoir du mal à comprendre le contenu.
Le gouvernement a tellement menti, sa politique a été si incohérente et si stigmatisante et méprisante envers la population que tout devient contestable, confus, y compris l’épidémie et la nécessité d’une politique sanitaire.
Alors comment faire quand nous sommes opposé-es au pass sanitaire mais pas au vaccin qui malgré ses limites nous semblent être un moyen important de protection collective, comment faire quand nous dénonçons la politique de surveillance et de répression mais que nous sommes pour une campagne de vaccination et pour la reconstruction d’un service public de santé qui sensibilise, informe, soigne l’ensemble de population, notamment les plus démunies et fragiles ?
Et puis comment faire quand des groupes d’extrême-droite, des milieux fascisants appellent ou participent aux cortèges, donnant parfois le ton avec des slogans complotistes, entretenant et renforçant le flou et le n’importe quoi ? Nous n’avons aucun point commun, aucun intérêt à manifester avec les courants politiques réactionnaires.
Alors quoi faire quand on sait que ces manifs sont de fait un lieu de contestation sociales et politique, contre le pouvoir, contre une société de contrôle, autoritaire et répressive ?
La faiblesse de la gauche et des organisations syndicales ou associatives complique la situation. Il devient très difficile d’influencer dans le sens de la contestation anticapitaliste, de contrecarrer les aspects rétrogrades, de favoriser au contraire une politisation large et une conscience collective, solidaire, pour redonner de la force au mouvement social et pour changer le rapport de force.
Le problème nous est posé clairement depuis la mi-juillet.
La rentrée de septembre devrait être cruciale. Après le mouvement des gilets jaunes, avec ce nouveau mouvement de colère populaire, avec les nombreuses résistances et mobilisations qui ont lieu au fil des mois, avec le niveau de colère ou de mécontentement qui existe, une riposte profonde doit être possible. Il faut la construire, l’organiser.
La crise sanitaire amplifie la crise sociale et démocratique, la crise du monde capitaliste. Elle donne des raisons supplémentaires pour discuter de l’urgence d’agir. Et malgré toutes les difficultés actuelles, malgré un rapport de force défavorable, malgré la confusion ambiante, notre problème c’est de trouver collectivement les moyens d’intervenir dans cette mobilisation tout en se demandant comment elle va évoluer.
Des camarades du Npa notamment mais pas seulement, ont tenté et tentent encore, dans certaines villes, de regrouper les forces militantes quand elles existent, de la gauche politique, syndicales ou associatives, de faire des réunions pour construire un pôle unitaire sur des bases clairement anticapitalistes ou au moins de gauche radicale, de regrouper notre camp social. On a besoin ensemble de reprendre confiance en nous et reprendre des forces pour agir et retrouver une dynamique militante à l’opposé trop souvent d’une sorte de résignation ou d’anesthésie inquiétante.
Quoiqu’il en soit, de ces manifs ou de ce qu’il y aura ensuite, il faudra trouver des solutions pour changer la donne, pour coordonner et faire converger, pour aider à préparer une riposte d’envergure si nécessaire.
Philippe Poutou
16 août 2021
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