Par les travaux des historiens nous savions qu’entre le décret du 12 novembre 1938, qui permit d’interner les « indésirables étrangers » dans des centres spécialisés, et la libération du dernier interné en 1946, six cent mille hommes, femmes et enfants furent enfermés dans des camps en sol français. Et que de ces enfermés, près d’un demi million furent des Espagnols qui franchirent la frontière pyrénéenne à partir de février 1939 fuyant les troupes franquistes. Nous savions aussi que la plupart de ces Espagnols antifascistes furent parqués dans des camps et des centres d’hébergement improvisés dans le sud de la France. Que cet exode massif que l’on appelle la Retirada fut placé et entassé derrière les barbelés de la plage à Argelès-sur-Mer ou dans des camps comme celui de Gurs, Le Vernet, Saint-Cyprien, Rivesaltes… ou le camp disciplinaire « spécial » de Collioure.
Sur l’exode de l’antifascisme espagnol et le long chemin parcouru par les combattants antifascistes depuis leur arrivée sur le sol français jusqu’à la mort de Franco en 1975 et leur installation parfois définitive sur cette terre d’accueil, l’éditorial Albin Michel publia en 1999 le livre Exil des Républicains Espagnols – De la Guerre civile à la mort de Franco, de l’historienne Geneviève Dreyfus-Armand.
Vingt après, cette historienne spécialiste de cet exil présente, contextualise et met en perspective – dans un ouvrage publié par les Editions LOUBATIERE en coédition avec le Mémorial du camp de Rivesaltes, collection « Récits et témoignages », sous la direction scientifique de Denis Peschanski – les témoignages de cinq femmes et de sept hommes qui évoquent l’univers d’enfermement et arbitraire du camp de Rivesaltes où leurs familles arrivèrent à partir de janvier 1941 après, pour certaines, avoir déjà connu de multiples camps.
Avec ce livre, Les Républicains Espagnols à Rivesaltes -D’un Camp à l’autre, Leurs enfants témoignent – Janvier 1941-Novembre 1942, Geneviève fait resurgir l’enfermement de ces familles d’antifascistes espagnols longtemps passé sous silence dans l’histoire. Un enferment injustifié; car si les hommes sont incorporés dans les groupements de travailleurs étrangers mis en place par le régime de Vichy, les femmes et les enfants restent confinés dans ce lieu inhospitalier, glacial en hiver et torride en été, où règnent la promiscuité, l’insalubrité et la faim. Où la mort rôde, notamment autour des enfants les plus jeunes, malgré l’aide apportée par des oeuvres d’assistance dépassées par l’ampleur de la tâche.
Ce livre est aussi l’histoire du camp de Rivesaltes – un camp de plus sur leur long parcours d’indésirables – dans lequel les Espagnols représentent toujours plus de la moitié des effectifs des internés et auquel furent transférés les femmes et les enfants lors de l’évacuation du camp d’Argelès suite aux inondations de l’automne 1940. Or, même si le camp de Rivesaltes n’est pas le premier pour les réfugiés espagnols, il n’est pas non plus le dernier, puisqu’ils seront pour beaucoup transférés à Gurs, en novembre 1942, et certains connaîtront de multiples camps entre 1939 et 1944, transférés sans cesse de l’un à l’autre.
Octavio Alberola
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