Sept à huit mois séparent l’annonce de la probable fermeture de l’usine de pneumatique Bridgestone de Béthune à la sortie de l’été dernier, avec la fin effective de la production. Le 3 mai prochain, 863 emplois auront disparu sans que cela fasse la une des journaux oumette le gouvernement en difficulté.
Une fermeture en un temps record, peu de vagues et un gouvernement qui peut respirer. Vendredi 12 février, la totalité des organisations syndicales du site Bridgestone de Béthune a validé l’ensemble des mesures sociales d’accompagnement et signé la version définitive du plan de sauvegarde de l’emploi (PSE) présentée par direction. Il aura fallu 32 réunions de négociation pour y parvenir. Cette signature entérine la suppression de 863 emplois annoncée par le fabricant de pneumatiques cinq mois plus tôt. Et son effet est presque immédiat : la production prendra fin le 2 mai 2021. La question du remboursement de près de 4,5 millions d’euros d’argent public, CICE inclus, n’est pas dans le paysage.
La bataille pour l’emploi n’a pas eu lieu
Pourtant, l’annonce le 16 septembre de l’intention de Bridgestone de fermer son site de Béthune avait fait l’effet d’une bombe. Une sorte de remake de Whirlpool en pleine crise sanitaire. Cinq jours plus tard, le gouvernement dépêchait deux ministres en opération déminage dans le nord de la France. Communiqué commun avec Xavier Bertrand – en précampagne électorale des régionales – pour appeler Bridgestone à ses responsabilités, mots très sévères à l’encontre du manufacturier nippon, et promesse la main sur cœur de se battre pied à pied pour sauver les emplois.
Bercy mandatait même le cabinet privé Accenture pour mener une contre-expertise. Celle-ci débouchait au mois d’octobre sur une proposition alternative d’investissement de 100 millions d’euros pour sauver 460 à 560 emplois. Mais une proposition rejetée par Bridgestone qui confirme la fermeture de son usine le 12 novembre. Fin des projets de reprise de l’intégralité du site. Seules persistent encore à ce jour des discussions sur la possibilité d’un parc industriel multiactivité. Une option non encore écartée par la direction France du fabricant de pneus.
Passé le choc, direction de l’entreprise et syndicats signent un accord de méthode le 20 septembre. Il prévoit cinq mois de discussions pendant lesquels des scénarios alternatifs pourront être envisagés. Une façon de temporiser pour Bridgestone. Du côté des salariés et des syndicats, en lieu et place d’une grève ou d’une occupation d’usine : les négociations sur le contenu du PSE, l’espoir d’une intervention de l’État ou d’un repreneur, et une marche de soutien aux salariés de Béthune le 4 octobre. Puis, après la porte fermée par Bridgestone aux propositions alternatives du gouvernement : une journée de grève le 24 novembre pour obtenir de meilleures contreparties.
La question du maintien des emplois n’est définitivement plus à l’ordre du jour. Parallèlement, un petit groupe d’une quarantaine de salariés, les Affranchis Bridgestone, confie son sort aux mains de la justice pour contester la fermeture de l’usine.
Bridgestone a sorti le carnet de chèques
Mais en cinq mois, Bridgestone a trouvé le « bon montant » de l’enveloppe financière permettant d’obtenir un accord sans trop de remous : 190 millions d’euros. Cent salariés sur 863 partiront en retraite anticipée avec une prime supra-légale comprise entre 15 000 € et 20 000 € brut, auxquels s’ajoutent un petit bonus par année les séparant de la fin de carrière. Pour les 753 restants, des frais de formation seront pris en charge à hauteur de 12 000 € de coûts pédagogiques sur une durée pouvant aller jusqu’à 24 mois. Des conditions plutôt hautes, mais classiques dans les PSE, comme pour les aides à la création d’entreprise, à la mobilité ou aux employeurs prêts à embaucher des ex-Bridgestone.
Classiquement également, un des points d’achoppement a porté sur le montant des primes supra-légales de fins de contrats. Le fabricant de pneus a clairement sorti son carnet de chèques pour conclure son PSE. Il accorde une indemnité supra-légale de 40 000 € brut auxquels s’ajoutent 1500 € brut par année d’ancienneté et une indemnité préjudicielle de 6500 € brut, plus 1000 € brut par année de présence dans l’entreprise. Des montants non négligeables et approchant ceux obtenus par les salariés de Continental ou de Goodyear dix ans plus tôt. Mais eux avaient dû lutter, et même de nombreuses années pour les Goodyear, sans réussir non plus à éviter les licenciements.
« 250 personnes en CDI sur 1120 » salariés licenciés, trois ans après la fermeture de Continental, annonçait en 2013 Xavier Mathieu, le responsable syndical CGT de l’entreprise. Pour les autres, ceux vivants de petits boulots ou inscrits à Pôle emploi, les primes filèrent rapidement. Des difficultés à venir pour les salariés licenciés qui embarrassent peu Bridgestone. Pressé d’en finir, le fabricant de pneus offre même une prime de départ anticipée de 15 000 €. À seulement deux mois de la fermeture de son usine.
En savoir plus : PSE, c’est quoi, comment ça marche ?
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