Multinationales
Entre 2000 et 2020, les groupes du CAC40 ont vu leur chiffre d’affaires et leurs profits augmenter. Les dividendes, eux, ont littéralement explosé. Seul indicateur à la baisse : les effectifs salariés en France. Voici de nouvelles données inédites extraites du Véritable bilan annuel du CAC40 publié par notre Observatoire des multinationales en partenariat avec Attac France.
En vingt ans, les dividendes distribués aux actionnaires des entreprises françaises du CAC40 ont littéralement explosé : ils ont augmenté de 269 % ! Le chiffre d’affaires global de ces entreprises a aussi largement augmenté (+74 %), tout comme leur profit (+77 %) et leurs effectifs dans le monde (+26 %). Le nombre de leurs salariés en France, en revanche, a baissé (-12 %).
Ces chiffres confirment certaines des critiques régulièrement adressées aux groupes du CAC40, notamment l’explosion des dividendes, et l’érosion de leurs effectifs en France alors que leurs effectifs augmentent au niveau mondial, et que le chiffre d’affaires réalisé en France augmente lui aussi, de 28 %, entre 2000 et 2020.
L’évolution du CAC entre 2000 et 2020
26 groupes au total qui figuraient dans l’indice du CAC40 au 1er janvier 2020 étaient déjà dans le CAC vingt années auparavant : Accor, Air Liquide, Airbus (alors EADS), Axa, BNP Paribas, Bouygues, Capgemini, Carrefour, Danone, Kering (alors PPR), L’Oréal, Legrand, LVMH, Michelin, Orange (alors France Télécom), PSA, Renault, Saint-Gobain, Sanofi, Schneider Electric, Société générale, Sodexo, STMicro, Thales, Total et Vivendi.
Entre le 1er janvier 2000 et aujourd’hui, trois firmes ont quitté le CAC40, Accor, Sodexo et TechnipFMC, laissant leur place dans l’indice à Alstom, Teleperformance et Wordline. Les entreprises ayant quitté le CAC40 depuis 2000 sont Valeo, Lafarge (fusionné avec Holcim), Alcatel (racheté par Nokia), Dexia (absorbé par BNP Paribas), Lagardère, Thomson-Technicolor, AGF (acheté par Allianz), Equant (acquis par Orange), Crédit Lyonnais (repris par le Crédit agricole), Aventis (racheté par Sanofi), Casino, TF1 (intégré à Bouygues) et Suez. Celles qui l’ont intégré sont Veolia (scission de Vivendi), Vinci, Crédit agricole, Dassault Systèmes, Pernod Ricard, ArcelorMittal, Publicis, EssilorLuxottica, Engie, Unibail, Safran, Atos et Hermès.
Nous avons été en mesure de comparer les données financières et sociales pour 25 des 26 firmes concernées (n’ayant pas été en mesure de retrouver le document de référence de Legrand pour l’année 2000). Parmi ces groupes, deux au moins ont changé en profondeur. Le premier est Kering, appelé à l’époque Pinault-Printemps-Redoute. Il s’est entre-temps délesté des parties « Printemps » et « Redoute » pour se recentrer sur le luxe à grand coup d’acquisitions extérieures. C’est donc l’un des seuls groupes qui a vu son chiffre d’affaires baisser entre 2000 et 2019 (mais pas ses profits, ni sa capitalisation boursière, ni ses dividendes), de même que son effectif qui a chuté de 61% sur la même période. Le deuxième est Vivendi, qui regroupait en 2000 deux groupes du CAC qui ont eux-mêmes changé de périmètre entre-temps : le Vivendi actuel centré sur les médias, et Veolia, sur la gestion de l’eau ou des déchets. De fait le « Vivendi » de 2000 et le « Vivendi » de 2019 n’ont plus vraiment grand-chose en commun. Nous les avons donc exclu tous deux du comparatif.
Entre 2000 et 2020, Sanofi a vu son chiffre d’affaires multiplié par six
Les changements les plus spectaculaires sont ceux qui ont affecté en vingt ans Sanofi et LVMH. Entre 2000 et 2020, le laboratoire pharmaceutique a vu son chiffre d’affaires multiplié par six et ses effectifs par 3,5. Quant aux dividendes versés aux actionnaires, ils ont été multipliés par 11,5 alors même que les profits n’étaient multipliés « que » par trois. Cette évolution spectaculaire reflète la financiarisation croissante de Sanofi, mais aussi l’absorption de laboratoires concurrents, à commencer par Aventis. Il a donc aussi vu ses effectifs français multipliés par deux sur la période.
Du côté du groupe de luxe LVMH, le chiffre d’affaires a été multiplié par 4,5 et les profits par dix entre 2000 et 2019, les dividendes étant multipliés par neuf. L’effectif mondial a été multiplié par trois sur la même période, et l’effectif français par un peu moins de deux (+83%).
Outre les deux cas précédemment évoqués de Vivendi et Pinault-Printemps Redoute, on remarque deux chutes notables des effectifs en France entre 2000 et 2020 : chez Orange (-42 %) – ancienne entreprise publique entièrement privatisée au début des années 2000 – et chez Total (-35 %). Il n’y a qu’une entreprise, STMicro, dans notre échantillon dont la part de la France dans l’effectif augmente, de 0,25 %. Chez tous les autres, la proportion des effectifs basés en France décroît.
Un autre chiffre serait intéressant à comparer : celui des rémunérations patronales. Malheureusement, en 2000, les groupes cotés au CAC40 n’étaient pas tenus, comme aujourd’hui, de rendre public des chiffres individualisés incluant les paiement en actions. On ne dispose généralement que des chiffres globaux pour tout le comité exécutif, n’incluant que les parts fixes et variables de la rémunération. Cela fournit tout de même des éléments de comparaison, puisque le PDG de Carrefour gagne davantage aujourd’hui que ne gagnaient les 11 membres du comité exécutif en 2000 (hors rémunérations en actions).
Des valorisations boursières fluctuantes
Au début de l’année 2000, la plus grosse capitalisation du CAC40 était France Télécom (Orange), devant Total, Carrefour, L’Oréal et Vivendi. Le groupe de grande distribution Casino, alors en sixième position, a depuis disparu de l’indice. Total a dépassé France Télécom dans le courant de l’année 2000 suite à l’éclatement de la première bulle internet. Car 2000, c’est aussi l’année du record historique du CAC40, le 4 septembre, à 6944,77 points.
Le 1er janvier, c’est LVMH qui était la première capitalisation boursière du CAC40, devant L’Oréal et Total. Sanofi, devenu entre-temps un poids lourd de l’indice, est juste derrière, suivi par Airbus, Kering et Hermès. Entre 2000 et 2020, le luxe a remplacé la grande distribution.
À noter que vers la fin des années 2000, les deux entreprises issues de la libéralisation du service public de l’énergie, EDF et Gaz de France (aujourd’hui Engie) ont été les principales valorisations boursières du CAC, EDF occupant même un bref instant la première place devant Total. Il a depuis lui aussi disparu de l’indice, tandis qu’Engie a également vu sa valorisation chuter.
Olivier Petitjean
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