Durée de lecture : 5 minutes 24 octobre 2020 / Guillaume Dupuis
Si le monde ultraconnecté promis par la 5G suscite un débat intense et si les doutes sur ses dangers sanitaires appellent des études approfondiees, la réalité de son coût énergétique mérite, selon l’auteur de cette tribune, une analyse détaillée.
Guillaume Dupuis est membre de la Maison écologique de Lyon et participe à la coordination lyonnaise Stop 5G et son monde.
En septembre 2019, le think-tank Idate DigiWorld, leader européen de l’économie numérique, publiait le Livre blanc de la 5G. Ce rapport, rédigé par des experts de grandes entreprises (Nokia, IBM, BNP Paribas…), en lien avec un groupe de parlementaires français, indique que la 5G «devrait améliorer grandement la consommation énergétique du réseau», sans plus de précision.
Un mois plus tard, la société Light Reading dévoilait les contraintes énergétiques auxquelles les opérateurs chinois étaient confrontés avec les 80.000 antennes déjà déployées : «Le coût énergétique nécessaire pour alimenter le réseau 5G est l’un des plus gros casse-têtes pour les opérateurs.» La facture électrique du réseau 5G triplant par rapport au réseau 4G, certaines municipalités ou provinces ont subventionné les installations. À Shenzhen, elles se sont engagées à prendre en charge 50% de la consommation des opérateurs pendant trois ans.
Triplement de la consommation électrique
En août 2020, l’opérateur chinois Unicom annonçait mettre en veille certaines des ses bases 5G de 21 heures à 9 heures du matin, en raison du triplement de sa consommation électrique. Peu après, Nicolas Demassieux, senior vice président d’Orange Labs prétendait que ces mises en veille nocturnes étaient liées au fonctionnement normal des antennes 5G.
Les grands acteurs du numérique se sont donc attaqués à l’écueil énergétique. Le groupe Ericsson (l’un des cinq constructeurs mondiaux de technologie 5G) s’est attelé début 2020 à infléchir la courbe énergétique de la 5G tout en concédant que «la consommation d’énergie est vouée à augmenter dramatiquement si la 5G est déployée de la même manière que la 3G et la 4G». À l’heure actuelle, dans une comparaison à usage constant, il est vrai que le transfert d’un octet consomme moins d’énergie avec le réseau 5G qu’avec la 4G. Toutefois, en France, la consommation de données 4G a été multipliée par quatre entre 2016 et 2019, et la consommation électrique d’une antenne est fortement corrélée aux flux de données qui y transitent. Donc, si la tendance se poursuit, le réseau 4G sera bientôt saturé et consommera beaucoup plus. D’où, selon certains, la nécessité d’implémenter la 5G qui autorisera encore plus de trafic grâce à son meilleur débit, peut-être 1.000 fois plus à l’horizon 2025 comme le rapporte Gauthier Roussilhe.
Les émissions de gaz à effet de serre du numérique augmentent de 8% par an
Selon le Shift project, la consommation énergétique de l’industrie numérique affiche une augmentation annuelle de 9%, la plus forte augmentation de tous les secteurs industriels. En poursuivant cette tendance, il suffit de huit ans pour que la consommation double. Les émissions de gaz à effet de serre du numérique suivent cette tendance et augmentent de 8% par an. La fabrication des objets du numérique (des smartphones aux antennes) pèse pour près de la moitié de la consommation globale, le reste se répartissant entre l’alimentation des réseaux, le fonctionnement des DataCenters et l’utilisation des terminaux.
Avec le déploiement de la 5G et la révolution 4.0, toutes ces consommations vont exploser. En effet le Livre blanc de la 5G évoque une densité d’un million d’objets connectés par km² d’aire urbaine en 2025, soit 120 milliards sur le territoire français. Le groupe Ericsson avance l’hypothèse plus réaliste mais néanmoins vertigineuse de 22,3 milliards d’objets connectés sur la planète en 2024, selon Gauthier Roussilhe.
Une compensation très hypothétique
Pourquoi la 5G est-elle présentée comme une solution? Le Livre blanc de la 5G évoquait une application vertueuse de la 5G, le grid-management, dans deux brefs paragraphes : il s’agit de l’optimisation des réseaux énergétiques en fonction de l’offre et de la demande. Mais cette innovation est-elle en mesure de compenser les accroissements de consommation?
«Opposer écologie et numérique est un contre-sens, puisque c’est grâce à la 5G que nous pouvons déployer de nouveaux usages écologiques comme une meilleure collecte des déchets : on peut connecter des containers pour savoir quand ils sont vides et ainsi optimiser la logistique pour pouvoir aller les ramasser. Cette nouvelle technologie réduirait donc logiquement le temps de trajet de certains camions poubelles, ces derniers pouvant aller directement vers les bacs à ordures pleins. On a besoin du numérique pour accélérer la transition environnementale», explique Michaël Trabbia, directeur de l’innovation chez Orange dans une interview à Europe 1.
Ainsi, la 5G aiderait à gérer les déchets qu’elle produira en masse, tout comme elle permettrait de mieux diffuser les données qu’elle générera en masse. Ces quelques gains ne devraient pas compenser les faramineuses projections d’explosion consumériste dues à cette technologie.
https://reporterre.net/La-5G-un-gouffre-energetique-programme
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