Posted on18 octobre 2020
L’an dernier, l’association Ritimo a proposé à La Quadrature du Net de rédiger un dossier de fond sur un sujet de notre choix. Le dossier complet est déjà disponible sur le site de Ritimo. De notre côté, nous allons publier progressivement chacun des articles du dossier dans les semaines à venir. On commence ici avec l’introduction.
Au commencement, Internet était un espace d’expérimentation sans chef, nous étions libres de nous déplacer, de nous exprimer, d’inventer et de créer. Dans les années 2000, la sphère marchande s’est mise à y prendre de plus en plus de place. La publicité s’y est développée et s’est présentée comme un moyen de financer des services en ligne. Grâce aux données sur les utilisateurs de ces services, les méthodes de ciblage publicitaire ont évolué et ont séduit de plus en plus d’annonceurs. Ce nouveau marché de la publicité en ligne était bien trop obnubilé par sa rentabilité pour se préoccuper des droits des personnes vivantes derrière ces données.
Dans le même temps, Internet restait un espace d’expression et prenait de plus en plus de place dans la société. Les États se sont inquiétés de cet espace grandissant sur lequel ils n’exerçaient pas un contrôle assez fort et ont commencé à chercher à mettre en place des mesures pour surveiller et réguler Internet. Lutte contre le partage d’œuvres couvertes par le droit d’auteur, lutte contre le terrorisme, la pédopornographie, les fausses informations, la « haine »… Tout est devenu prétexte à surveiller et à censurer ce qui circule sur Internet. Finalement, les technologies qui semblaient si émancipatrices à leurs débuts se sont trouvées être un parfait allié de la surveillance d’État. L’apprentissage statistique, cette méthode utilisée par l’industrie publicitaire consistant à rassembler de très grandes quantités de données pour établir des corrélations et cibler les personnes susceptibles d’être réceptives à une publicité, devient un outil fabuleux pour repérer des comportement inhabituels dans une foule par exemple.
C’est ainsi que pour des motivations bien différentes, les États et les grosses entreprises du numérique ont trouvé dans les technologies développées ces vingt dernières années les leviers nécessaires pour augmenter leur emprise sur leurs citoyens ou leurs clients.
Le présent dossier proposé par La Quadrature du Net s’intéresse dans un premier temps aux mécanismes qui motivent les États et les entreprises à surveiller, censurer, voire manipuler la population. Les premiers articles détaillent l’impact de ces réductions de libertés, sur la société et sur les personnes, d’un point de vue politique et philosophique. Ils décrivent la mise en silo de la société à différents niveaux : de l’enfermement imposé par les géants du numérique à la stérilisation de nos rues et espaces publics imposée par l’accroissement de la surveillance.
Pour lutter contre cette mise sous surveillance de nos vies, La Quadrature entend remettre en question les réflexes de solutionnisme technologique vers lesquels les décideurs politiques tendent de plus en plus sans réflexions préalables. Pour construire un Internet plus respectueux des libertés, La Quadrature développe des alternatives politiques et présente les initiatives existantes. Construire cet Internet libre et émancipateur demande de remettre en question certains principes qui ont été imposés par les géants du web : des espaces clos, des règles pour limiter et contrôler le partage de la connaissance et de la création, etc.
C’est à ces perspectives optimistes qu’est consacrée la deuxième partie de ce dossier. Elle se veut aussi être un appel à imaginer cet « autre monde »…
https://www.laquadrature.net/2020/10/18/dossier-faire-dinternet-un-monde-meilleur/
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