Vous en avez marre de votre oncle qui vocifère sur les chômeurs à chaque repas de famille. Votre voisin de bureau vous exaspère à déblatérer ânerie sur ânerie sur les demandeurs d’emplois. Vos amis vous ressortent les clichés les plus affligeants sur les personnes inscrites à Pôle emploi. Rapport de force vient à votre secours. Nous vous proposons un petit guide pour dézinguer les idées toutes faites et changer le regard sur le chômage et les chômeurs.
« Assistés », « profiteurs », « fraudeurs », « pas assez incités à travailler ». Les stéréotypes sur les chômeurs sont toujours les mêmes. Et semblent bien ancrés dans l’opinion publique. À chaque fois que le sujet fait l’actualité, aujourd’hui les concertations sur l’avenir de la réforme d’assurance chômage qui ont démarré fin septembre, les discours à l’emporte-pièce alimentent les idées reçues les plus crasses sur les chômeurs.
La crise du Covid et ses conséquences économiques auraient pu susciter davantage de bienveillance. C’est tout le contraire ! Le regard des Français sur le chômage s’est durci, si l’on en croit le dernier baromètre sur la perception du chômage. Il a été réalisé après le confinement par l’Unédic, le gestionnaire de l’assurance chômage. 38 % des personnes interrogées entre juin et juillet 2020 considèrent que les demandeurs d’emploi sont des personnes assistées (+5 points par rapport au dernier baromètre), qui perçoivent des allocations chômage trop élevées (36 %, + 4 points) et qu’une partie d’entre eux fraude (35 %, +4 points).
Face aux clichés, opposons donc des faits, rien de que des faits !
Idée reçue n° 1 : « les demandeurs d’emploi ne font rien de leurs journées »
Grosse erreur ! En réalité, un tiers des inscrits à Pôle emploi travaille. On appelle cela « l’activité réduite ». Petits boulots, missions d’intérim, vacations, contrats d’usage… En août 2020, sur 6,4 millions d’inscrits, près de 2,2 millions de personnes ont ainsi travaillé, selon les derniers chiffres de la Dares (l’institut statistique du ministère du Travail).
Dans les publications de la Dares, ces demandeurs d’emploi en activité réduite apparaissent dans les catégories B et C. Quand ils ont travaillé moins de 78 heures dans le mois, ils sont en catégorie B. Au-delà de 78 heures, ils sont en C. C’est d’ailleurs cette dernière catégorie qui est la plus fournie des deux (1,4 million d’inscrits). Preuve, s’il en fallait encore une, que les demandeurs d’emploi préfèrent travailler que rester oisifs !
Idée reçue n° 2 : « les demandeurs d’emploi perçoivent des allocations très confortables ».
C’est une idée reçue très tenace. Les allocations chômage suscitent souvent les fantasmes les plus délirants. On se souvient de Damien Adam, député LREM, qui avait associé chômeurs et vacances aux Bahamas. Et pourtant ! Le montant moyen mensuel de l’allocation chômage plafonne actuellement à 910 € net par mois, selon l’Unédic. À propos des montants plus élevés : 5 % seulement des allocataires perçoivent plus de 1750 € par mois et ils ne sont que quelques centaines en France à toucher le montant maximum de 7000 € !
Enfin, tous les demandeurs d’emploi ne sont pas indemnisés. Seuls 40 % des inscrits à Pôle emploi ont ainsi perçu une allocation chômage en juin 2019 soit 2,4 millions de personnes sur 6,4 millions.
Idée reçue n° 3 « les chômeurs profitent de leurs allocations pendant deux ans »
Faux ! En moyenne, les demandeurs d’emploi ont des droits ouverts pendant 16 mois et près de la moitié (45 %) des allocataires reprend une activité trois mois après le début de l’indemnisation.
Cette part est encore plus importante chez les allocataires qui une courte durée de droits (5 mois). 63 % d’entre eux reprennent un emploi au bout de trois mois. De quoi contredire l’ancien patron de Medef. En 2017, Pierre Gattaz, avait dénoncé ces chômeurs qui « font de l’optimisation ». Sous-entendu : travailler pour ouvrir des droits, consommer tranquillement tous les droits puis retravailler. Les faits démontrent bien, au contraire, une volonté de reprendre une activité au plus vite.
Idée reçue n° 4 : « les chômeurs sont des fraudeurs »
D’abord, clarifions la notion de fraude. Selon Pôle emploi « un demandeur d’emploi bénéficiant d’une allocation alors même qu’il sait qu’il ne remplit pas les conditions pour les percevoir est un fraudeur ». Il faut donc bien distinguer la fraude aux allocations des autres manquements, comme l’insuffisance de la recherche d’emploi. L’ex ministre du Travail, Muriel Pénicaud, a souvent fait la confusion (volontaire ?) associant le mot « fraude » au contrôle de la recherche d’emploi. Cela n’a absolument rien à voir.
Quant à la fraude (la vraie), elle a représenté 212 millions d’euros en 2019 soit 0,5 % du montant total des allocations versées par Pôle emploi. Et surtout, 18 368 demandeurs d’emploi ont été impliqués… sur plus de 6 millions d’inscrits.
Idée reçue n° 5 : « les chômeurs sont des assistés »
Il faut avoir travaillé pour ouvrir des droits au chômage. L’assurance chômage n’est pas une aide sociale. C’est une protection qui fonctionne comme une assurance. C’est d’ailleurs, comme le rappelle l’Unédic, « une assurance obligatoire à laquelle cotisent tous les employeurs du privé ainsi que certains du public, pour protéger leurs salariés lorsqu’ils perdent leur emploi. » En revanche, les cotisations salariales, elles, ont disparu depuis fin 2018. Désormais, c’est l’État qui participe au financement de l’assurance chômage via la CSG. Ce dernier point casse la logique assurantielle, côté salariés. Et ouvre la porte à un changement profond de modèle, comme l’ont souvent rappelé (dès 2017 !) nos confrères de Mediapart.
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