18 août 2020 par Floréal
Stuart Christie, le compagnon, l’ami. La nouvelle du décès de Stuart Christie m’a été communiquée par téléphone, avant-hier après-midi, par le compagnon René qui m’a demandé si j’étais au courant de cette autre mauvaise nouvelle, ce qui m’a amené à lui répondre brusquement : qui est mort ? Car, au ton de sa voix, j’ai tout de suite senti que ce devait être la mort d’un proche.
Sa réponse m’a laissé stupéfait ; car, malgré le fait que Stuart m’ait confirmé une semaine plus tôt qu’il était toujours aphone à cause du cancer et que les résultats des tests médicaux n’étaient pas très encourageants, à aucun moment je n’ai pensé à une fin aussi rapide pour lui. Autour de moi, il y a plusieurs compagnons – plus ou moins de mon âge – qui ne sont plus en très bonne santé, et la chose « normale », pour quelqu’un de mon âge (bientôt quatre-vingt-treize ans), est de penser que c’est son propre temps qui est compté…
Alors, dans le cas de Stuart, comment penser à cela alors qu’il avait dix-huit ans de moins que moi ? En outre, nous avions tous deux des projets communs et étions déterminés à continuer de participer aux combats contre le monde du pouvoir et de l’exploitation.
Pour moi, sa mort n’est donc pas seulement la perte d’un compagnon, d’un ami, c’est la fin d’une collaboration de plusieurs années dans des actions et des initiatives communes pour dénoncer les injustices du monde dans lequel nous vivons et pour lutter pour un autre monde plus juste et plus libre. Un monde possible et pour tous, que nous n’avons cessé de désirer et d’essayer de construire par la pratique conséquente d’une solidarité révolutionnaire et internationaliste active.
De nombreuses années de relation fraternelle, depuis notre première rencontre, en ce mois d’août 1964, jusqu’à celle de 2020. Plus d’un demi-siècle de nos vies liées, d’une manière ou d’une autre, à une cause commune malgré les frontières… Car, bien que centrée sur les avatars politiques et sociaux du peuple espagnol, d’abord sous la dictature de Franco, puis sous cette fausse démocratie issue de la Transition/Transaction, cette lutte s’est toujours inscrite dans une perspective révolutionnaire internationaliste.
La preuve, en ce qui le concerne, ses expériences de prison en Espagne et en Angleterre, et pour Brenda, sa compagne, en Allemagne, et pour Ariane et moi en Belgique et en France. Expériences qui témoignent de ces luttes sans frontières, conscients que la condition de la liberté est qu’elle soit pour toutes et tous.
Comment, alors, ne pas ressentir le besoin de se souvenir de lui en ces moments où cette fraternisation avec Stuart se termine avec sa mort. Et aussi avec le décès, il y a quelques jours, de la camarade allemande Doris Ensinger, compagne de Luis Andrés Edo, avec qui Stuart a partagé aussi des expériences de prison et de fraternisation dans les luttes ; car il est évident que la disparition de Doris a également signifié pour moi, d’une certaine manière, le point final de ma fraternisation dans les luttes avec Luis. Une fin commencée quelques années auparavant avec sa mort.
Le fait est qu’avec Doris j’ai également été stupéfait, surpris par la nouvelle de sa mort que Manel m’a communiquée ; car cela faisait à peine une semaine qu’elle nous avait envoyé, à Tomás et à moi, un courrier pour nous annoncer qu’elle avait été soudainement appelée à l’hôpital et qu’elle avait subi une transplantation… Qu’elle était déjà revenue chez elle et se sentait bien…
Je me vois donc une fois de plus confronté à la temporalité de notre existence et à la nécessité de préserver la mémoire de ce que nous avons essayé d’être et de faire jusqu’à la mort.
Perpignan, le 17 août 2020.
Octavio Alberola
Traduit de l’espagnol par Floréal Melgar.
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