Mila, ou le déshonneur d’un certain féminisme

mercredi 5 février 2020 par Pièces et main d’œuvre

Onze jours après ses critiques contre l’islam, la jeune Mila ne peut toujours pas retourner dans son lycée. Elle et sa famille sont placées sous protection policière.

Aujourd’hui bien sûr, vous savez qui est Mila. Ce n’était pas gagné. Depuis onze jours, les médias, les organisations et les personnalités qui se prétendent féministes, qui prétendent parler au nom des femmes et lutter contre les violences sexistes, lui ont infligé la loi du silence. L’« intersectionnalisme », c’est abandonner une jeune fille de 16 ans aux menaces et à la violence des islamistes. C’est abandonner celle que l’on a trahie aux sympathies de l’extrême-droite pour pouvoir mieux s’en détourner.

En onze jours, ni le Planning familial ni les associations LGBT iséroises n’ont trouvé la décence de soutenir Mila, 16 ans, menacée de mort pour avoir critiqué l’islam en réponse aux insultes homophobes dont elle était victime sur Internet. On n’est soudain plus si pressés d’oser le féminisme.
Même silence assourdissant à l’occasion de la célébration des Résistantes lesbiennes organisée par Queer Code et Grenoble Fiertés le samedi 1er février. La journée était pourtant censée inspirer « nos résistances d’aujourd’hui (1) ». Mais pour nos associations officielles, résister aux nazis morts, c’est tout-de-même plus urgent que de combattre les islamistes d’aujourd’hui.

Les vigies de l’homophobie, d’ordinaire si promptes à dénoncer la moindre parole inappropriée – sans parler de la critique de la reproduction artificielle – font preuve en cette occasion d’un admirable esprit d’ouverture. Les « Va mourir sale pute lesbienne », « sale gouine » et autre « chiennasse » adressés à Mila n’ont troublé ni les représentants médiatiques de la cause LGBT, ni les donneurs de leçon du camp du bien, ni les petits soldats de la lutte-contre-toutes-les-dominations.

Pourquoi s’étonner. On se souvient que le Planning familial de l’Isère et Osez le féminisme ont monté l’opération « burkini à la piscine (2) » à Grenoble l’été dernier, avec l’Alliance citoyenne et sa porte-parole Taous Hammouti. Laquelle avait posté sur Facebook un message après le massacre de Charlie Hebdo : « N’oubliez jamais que c’est Charlie qui a dégainé le premier (3). »
Ces usurpateurs des anciennes luttes pour l’émancipation sont des officines de soutien à l’oppression.

L’été dernier, nous avions rencontré Sabrina, féministe et athée revendiquée, harcelée et menacée par un entourage contaminé par l’intégrisme musulman (4). Comme Mila, Sabrina revendique le droit de vivre sa vie de femme sans rendre de comptes à des directeurs de conscience frustrés. La sexualité, c’est comme la religion, le domaine de l’intime et de la liberté. La volonté de cabales de dévots de détruire l’intimité signe l’entrée dans la tyrannie.

Mila est maintenant le nom d’une affaire qui nous échappe aussi bien qu’à la première concernée. On n’a pas fini de voir des Tartuffe de tous bords s’invectiver à son propos et prendre la pose. Quant à nous, nous n’avons commis ces quelques lignes que pour ne pas ajouter au silence et à la lâcheté, sous lesquels les pseudo-féministes ont tenté d’enfouir le lynchage virtuel dont est victime cette jeune fille.

Pièces et main d’œuvre
Grenoble, le 4 février 2020

NOTES :

***

Le photographe Gilles d’Elia (voir son site) nous a envoyé une image et quelques lignes à propos de Mila.


J’ai pris cette photographie, dans un lycée public, il y a cinq ans, au lendemain de l’attentat qui a massacré la rédaction de Charlie Hebdo. Et je ne l’ai jamais montrée — jusqu’à aujourd’hui.

Pourquoi aujourd’hui ? Parce que Mila.

Il y a quelques jours, je lisais ces lignes écrites par Pièces et main d’œuvre : « Aussi inepte que soit le mot d’ordre “Je suis Charlie”, il y a pire encore, c’est de proférer “Je ne suis pas Charlie” et de cracher sur les cadavres des victimes des attentats islamistes. Que les anarchistes, les conseillistes, etc. publient des textes impeccables contre l’islamisme, ses massacres et son emprise croissante en France, nous les publierons avec joie”.

Ces lignes sont extraites d’un texte intitulé “Je me souviens du 11 janvier” (ici). Il m’est arrivé parfois, depuis cinq ans, de penser que si les historiens devaient un jour choisir une date pour marquer la fin de l’Histoire de France, ce serait sans doute le 11 janvier 2015. Et puis je pensais que j’exagérais. Jusqu’à aujourd’hui. Pourquoi ? Parce que Mila.

Parce que ce qui arrive à Mila confirme une chose terrible : nous avons désormais la preuve que ce sont les frères Kouachi qui ont gagné la bataille.

Je n’étais pas Charlie il y a cinq ans, je l’admets — je n’étais pas Charlie parce que je ne voulais pas “être Charlie” comme toutes les Ségolène Royal, parce que je devais avoir l’intuition que tous ces “Charlie” n’auraient aucun courage, aucune dignité le jour où cela serait vraiment nécessaire. Et ce jour est venu, avec Mila.

Désormais, je suis Charlie. Depuis quelques jours seulement. Avec cinq ans de retard, mais peut-être est-ce moi qui suis à l’heure pour une fois ? Je suis devenu Charlie, parce que Mila.

Et je souscris, sans réserve, à ces mots lumineux de Zineb El Rhazoui : “Au-delà de ma sympathie pour elle, pour ce qu’elle subit et son très jeune âge, je l’admire à titre personnel. Pour moi c’est un modèle pour la jeunesse française. C’est une fille qui a tout compris à ce qu’est l’esprit de l’universalisme, des Lumières. Mila a tout compris”.

Gilles d’Elia

http://www.piecesetmaindoeuvre.com/spip.php?page=resume&id_article=1248

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