La Régie autonome des transports parisiens a fait face à une des grèves les plus dures et massives de son histoire. À partir du 5 décembre : quarante-cinq jours en continu avec des piquets de grève devant l’ensemble des dépôts d’Île-de-France. Depuis la mi-janvier, la direction multiplie les convocations préalables à sanction contre des grévistes. Dans le viseur : des militants CGT.
Lundi 3 février, ils sont deux à être convoqués au même moment à un entretien préalable : Ahmed Berrahal du dépôt de Flandres à Pantin et Alexandre El Gamal du dépôt de Vitry-sur-Seine. Tous les deux sont conducteurs de bus. Tous les deux sont militants à la CGT. Tous les deux ont animé la grève dans leur dépôt. La RATP les accuse d’avoir bloqué ou filtré des bus à plusieurs reprises, et pour l’un d’entre eux d’avoir insulté et menacé des agents non grévistes pendant le conflit. La direction envisage à leur égard des mesures disciplinaires pouvant aller jusqu’à la révocation pour faute lourde.
Déjà au dépôt de bus de Vitry-sur-Seine, trois syndicalistes CGT étaient convoqués le 13 janvier par leur direction pour des propos homophobes à l’encontre d’un chauffeur non gréviste. « Pédé », « suceur de bite », « enculé » sont les propos qu’ils leur sont reprochés d’avoir prononcé sur le piquet de grève. Un dépôt où le « taulier » passe pour être particulièrement répressif à l’encontre des grévistes selon les dires de syndicalistes. Mais aussi un dépôt où l’un des trois syndicalistes en attente de sanction a tenté de mettre fin à ses jours le lundi 20 janvier, jour où il a repris le travail. Pour lui, comme pour les autres convoqués, la direction est tenue de signifier sa décision après un délai franc de 24 h et avant qu’un mois s’écoule après la convocation. Yassine, Patrick et François connaîtront leur sanction, s’il y en a une, d’ici le 13 février.
Le dépôt de Pleyel en Seine-saint-Denis connaît aussi son lot de convocation. Pendant la grève, un conducteur ayant effectué plusieurs jours de grève s’est vu « convoqué pour une faute professionnelle mineure qui habituellement ne finit pas en disciplinaire », indique Alexis Louvet, le co-secrétaire de Solidaires RATP qui l’a assisté. Là aussi, le résultat de la convocation est en attente. Toujours à Pleyel, un autre agent était convoqué mardi 4 février, mais cette fois au commissariat. Il lui était reproché un usage de feux d’artifice sur la voie publique et une participation à un rassemblement interdit avec visage masqué. En réalité un cache-nez pour se protéger du froid sur le piquet de grève matinal selon le syndicaliste. Finalement, sa convocation a été annulée lundi en fin de journée, alors que Christophe Castaner était en visite au commissariat de Villepinte ce mardi.
Résister à la répression qui s’annonce
Plusieurs centaines de personnes se sont rassemblées simultanément ce lundi en fin de matinée devant les deux dépôts de Pantin et de Vitry-sur-Seine. Sur place, des conducteurs de bus, mais aussi des cheminots, des enseignants, des étudiants, des électriciens et gaziers, tous engagés dans la lutte contre la réforme des retraites. À leurs côtés, des personnalités politiques ou syndicales parmi lesquelles Philippe Martinez de la CGT, Olivier Besancenot (NPA), Eric Coquerel (LFI), ou Nathalie Arthaud (LO). Déjà le 13 janvier, lors des premières convocations, 500 personnes étaient venues apporter leur soutien aux syndicalistes CGT passant en entretien disciplinaire.
Ces convocations de la direction de la RATP sont-elles le début d’une chasse aux syndicalistes et aux grévistes impliqués dans le mouvement ? C’est en tout cas ce qu’anticipent les syndicats de l’entreprise. Des bruits persistants circulent d’une répression de grande envergure à venir. Pour certains, « 150 convocations seraient déjà parties », pour d’autres : « 120 enquêtes internes seraient en cours ». Un second chiffre repris à son compte par Philippe Martinez lundi dans un discours prononcé devant le dépôt de Vitry-sur-Seine.
À ce jour, nos demandes auprès de la direction de la RATP pour confirmer ou infirmer cette information sont restées sans réponse.
Photo : O Phil des Contrastes
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