Au rapport Par Coralie Schaub
17 décembre 2019 à 20:26 La centrale franco-chinoise de Taishan, au sud-ouest de Hongkong. Photo Peter PARKS. AFP
Trop cher, trop lent… l’atome ne fait plus le poids face aux énergies renouvelables pour lutter contre l’urgence climatique, selon le rapport Mycle Schneider 2019.
- Le nucléaire, une option de plus en plus fumeuse contre le réchauffement
Jean-Bernard Lévy, le PDG d’EDF, a beau répéter à tout va que le nucléaire est une «énergie neutre en carbone», qui joue «pleinement son rôle dans la lutte contre le changement climatique». Le président Macron a beau faire le VRP de l’atome à Bruxelles, en le présentant comme une énergie «verte» et en faisant en sorte qu’elle soit reconnue par l’UE comme un moyen d’atteindre la neutralité carbone d’ici 2050. Rien n’y fait : non, l’énergie nucléaire n’est pas la panacée pour lutter contre le changement climatique. C’est l’une des principales conclusions de l’édition 2019 du World Nuclear Industry Status Report, présenté mardi à Paris par son coordinateur, le consultant indépendant Mycle Schneider, dont la réputation de sérieux n’est plus à faire dans les milieux «pro» comme «anti».
«Urgente»
En plus de son traditionnel état des lieux de l’industrie nucléaire dans le monde, ce document de 323 pages, établi par huit experts interdisciplinaires de six pays en coopération avec la fondation Heinrich-Böll, un organisme proche des Verts allemands, consacre pour la première fois un chapitre à l’évaluation de l’option nucléaire comme moyen de combattre l’urgence climatique. Et sa conclusion est sans appel : «Les options non nucléaires permettent d’économiser plus de carbone par dollar […] et par an» que l’atome. En effet, «dans de nombreux pays nucléaires, les nouvelles [énergies] renouvelables peuvent désormais concurrencer le nucléaire existant», indique le rapport. Entre 2009 et 2018, les coûts du solaire commercial ont baissé de 88 % et ceux de l’éolien de 69 %, alors que dans le même temps, ceux du nucléaire augmentaient de 23 %, calcule celui-ci.
Par ailleurs, la construction de nouveaux réacteurs «prend cinq à dix-sept ans de plus que pour le solaire ou l’éolien terrestre commerciaux ; ainsi, en attendant leur remplacement par l’option nucléaire, les centrales thermiques fossiles continuent à générer des émissions pendant de longues périodes. La stabilisation du climat est urgente, le nucléaire est lent». Pour Mycle Schneider, «on ne peut dépenser un euro, un dollar ou un yuan qu’une fois : l’urgence climatique exige que les décisions d’investissement favorisent impérativement les stratégies de réponse les moins onéreuses et les plus rapides. L’option nucléaire s’est constamment révélée comme la plus chère et la plus lente». Voilà qui est on ne peut plus clair.
D’autant que le nucléaire est à la peine partout dans le monde. L’an dernier, en présentant son rapport, Mycle Schneider avait lancé : «L’atome n’est plus compétitif et ne le sera plus jamais.» Sa prédiction ne s’est pas démentie depuis. Certes, le nombre de réacteurs en fonctionnement sur la planète a augmenté de quatre unités au cours du premier semestre 2019, pour atteindre 417 «tranches» dans 31 pays. Merci la Chine, qui a mis en service deux réacteurs EPR à Taishan, réussissant là où EDF a jusque-là échoué à Flamanville. Mais ce chiffre «reste bien en dessous de la pointe historique de 438 tranches en 2002», note le rapport. Et la construction de nouvelles installations nucléaires est «en déclin pour la sixième année consécutive», avec 46 chantiers en cours au 1er juillet, contre 68 tranches en 2013 et 234 en 1979. Au total, au moins 27 réacteurs, soit 59 % de ce parc en construction, sont concernés par des retards. En France, la mise en service de l’EPR de Flamanville a été repoussée à la fin 2022, au mieux.
«Déclin»
Le nombre de mises en construction est passé de 15 en 2010, juste avant la catastrophe de Fukushima, au Japon, à 5 en 2018 et seulement 2 en 2019. La pointe historique remonte à… 1976 : cette année-là, pas moins de 44 chantiers démarraient, soit plus que le total des sept années passées. «Il n’y a aucun doute, le taux de renouvellement est trop bas pour garantir la survie de la technologie. Nous sommes face à une sorte de sortie du nucléaire « organique » non déclarée», tacle Mycle Schneider. Résultat, la moyenne d’âge du parc nucléaire mondial dépasse désormais les 30 ans, pour la première fois.
Les énergies renouvelables «continuent à devancer le nucléaire dans quasiment toutes les catégories», assure le rapport. Une capacité record de 165 gigawatts de renouvelables a été raccordée aux réseaux dans le monde en 2018, alors que la capacité nucléaire en exploitation n’augmentait que de 9 gigawatts. La production d’électricité éolienne a augmenté de 29 % en 2018 et celle du solaire de 13 %, contre 2,4 % pour celle du nucléaire, imputable pour les trois quarts à un seul pays, la Chine. Mais aucun réacteur commercial chinois n’a été mis en construction depuis décembre 2016. Et la part de l’atome dans la production d’électricité dans le monde «poursuit son lent déclin», passant d’un record historique de 17,5 % en 1996 à 10,15 % en 2018.
très bon article dans Libération qui rend compte du fameux rapport annuel World Nuclear Industry Status Report dont les conclusions sont implacables et en parfaite cohérence avec le diagnostic de l’Observatoire du nucléaire (rappel tribune dans Le Monde : http://www.observatoire-du-nucleaire.org/spip.php?article365 )
SL
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