3 décembre 2019 par Floréal
Deux articles publiés dans le numéro du mois de novembre de la revue Catalunya, organe de la régionale catalane de la Confederación general del trabajo (CGT) d’Espagne, favorables à la participation des anarchistes aux manifestations liées à la question indépendantiste, ont amené l’ami Tomás Ibañez à réagir, à travers un texte* publié ici même. Cette saine réaction m’amène à mon tour à faire deux remarques.
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En
premier lieu, même si cela peut paraître anecdotique, je suis surpris
que des libertaires ou anarcho-syndicalistes intitulent leur publication
du seul nom de la région où ils vivent et militent. Ce n’est certes pas
la première fois que le nom d’une région d’Espagne apparaît dans le
titre d’un journal ou d’une revue de là-bas, mais les camarades qui
donnaient naissance à ces publications ont toujours pris soin d’y
ajouter un qualificatif explicite. Il y eut ainsi Castilla libre, Andalucía libertaria,
etc. Là, le seul nom de « Catalunya » laisse supposer que les
promoteurs du titre sont bien davantage catalans que libertaires, et cet
arrière-goût de patriotisme régional a déjà quelque chose d’amer.
J’aimerais bien sûr me tromper, mais cette impression pénible me paraît
en second lieu confirmée par l’expression lamentable choisie par nos
anarcho-catalanistes pour dénigrer ceux qui exercent leur sens critique
vis-à-vis des manifestations actuelles en Catalogne, à savoir :
« Anarcho-puristes, go home ! » Comme le rappelle Tomás Ibañez, la
seconde partie de cette expression renvoie à celle qui fut employée
abondamment par le passé et qui invitait fermement les Américains à
quitter un pays qui n’était pas le leur, à leur signifier qu’ils
n’étaient pas chez eux au Vietnam.
Rapporté au cas de la Catalogne actuelle, on a peur de comprendre ce que
signifie cette expression. Laissons de côté l’appellation idiote
d’« anarcho-puristes ». Avec l’expression « gardiens du temple », elle
est utilisée depuis longtemps et partout par ces libertaires qui,
pensant qu’il est des moments où toute réflexion est inutile, aiment à
n’agir qu’avec leurs tripes et à servir de petits soldats ou de troupes
sans cervelle à des projets qui les dépassent et n’ont rien à voir avec
l’anarchisme. Ce qui est plus intéressant ici, c’est ce « go home ! »,
qui laisse entendre encore une fois que ceux à qui il s’adresse ne
seraient pas « chez eux » en Catalogne, pour cause de critiques
adressées aux complices, conscients ou non, du nationalisme catalan. Là
encore, cette espèce de slogan qui invite les anarchistes critiques à
quitter un territoire qui ne serait pas le leur a des relents quelque
peu nauséabonds.
Si je vivais en Catalogne, moi qui suis d’accord avec les positions
exprimées par Tomás Ibañez, donc « anarcho-puriste » j’imagine, je ne
participerais pas aux manifestations actuelles de Barcelone. Mais moi
qui suis aussi le fils d’un exilé chassé de son Andalousie natale en
1939 et d’une mère française, donc d’une certaine impureté territoriale,
dites-moi, camarades, où est cet « home » où vous m’inviteriez à foutre
le camp puisque je ne serais pas digne de votre Catalunya ?
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* Voir « Que se passe-t-il en Catalogne ? “Anarcho-puristes, go home!” ». https://florealanar.wordpress.com/
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