Tom Moerenhout – The Electronic Intifada – 28 novembre 2019
Je fais partie d’un groupe de sept personnes qui ont intenté un procès à l’exécutif de l’Union européenne pour son commerce avec des colonies de peuplement dans des territoires sous occupation militaire.
Il peut sembler étrange que nous ayons agi ainsi au même moment où le plus haut tribunal de l’UE statuait que tous les produits en provenance des colonies d’Israël en Cisjordanie et sur le plateau du Golan devaient être étiquetés avec précision.
Toutefois, il faut souligner qu’en dépit de ce verdict, l’UE continue d’autoriser le commerce avec les colonies de peuplement. Et ce faisant, l’UE et ses gouvernements violent leurs obligations en vertu du droit international.
Commercer avec les colonies de peuplement – qui sont toutes une violation de la Quatrième Convention de Genève – équivaut à leur conférer une reconnaissance. Cela aide aussi les puissances occupantes à maintenir et à étendre leurs colonies illégales.
Depuis que le verdict de la Cour de Justice européenne a été rendu au début de ce mois, les États-Unis ont, en effet, accordé leur approbation aux activités de colonisation d’Israël. La déclaration de Mike Pompeo, secrétaire d’État, selon laquelle les États-Unis ne considèrent pas les colonies de peuplement comme illégales constitue en elle-même une grave atteinte au droit international.
Il est donc d’autant plus urgent que l’UE prenne finalement une position ferme à l’encontre des activités de colonisation.
Ces activités contribuent à toute une série de violations du droit international.
Elles font obstacle aux droits des Palestiniens à l’autodétermination. Elles impliquent l’acquisition de terres par la force et le transfert de la population civile d’Israël vers les territoires sous son occupation militaire – ce qui, par définition, constitue un crime de guerre.
Et – en garantissant la domination d’un groupe ethnique sur un autre – elles renforcent un système d’apartheid.
Obligation
Lorsqu’un État viole systématiquement le droit international – comme le fait Israël -, les autres États ont l’obligation de ne pas reconnaître ni faciliter ces violations.
Les obligations de non-reconnaissance et non-assistance sont automatiques. Aucune résolution des Nations-Unies ne devrait être exigée pour dire aux États qu’ils doivent s’en abstenir.
Le commerce avec les colonies de peuplement israéliennes est exactement le type de mesure que l’Union européenne devrait éviter pour respecter ces obligations.
Tant la bureaucratie bruxelloise que chaque gouvernement dans l’UE doivent assumer leurs responsabilités.
L’autorité en matière de politique commerciale est assurée par l’exécutif de l’UE, la Commission européenne.
Mais tout gouvernement de l’UE a le pouvoir d’arrêter l’importation de produits en provenance des colonies israéliennes. À ce jour, aucun des 28 gouvernements de l’UE n’a exercé ce pouvoir.
En plus de refuser d’assumer ses responsabilités, l’UE a tenté de se protéger d’avoir des comptes à rendre pour ses actes.
Les sept personnes qui intentent un procès à la Commission européenne le font parce qu’elle a refusé d’agir quand nous l’avons antérieurement interpellée.
Nous avons utilisé un mécanisme connu sous le nom d’initiative citoyenne européenne (ICE) pour essayer d’amener l’UE au respect du droit international dans sa politique commerciale vis-à-vis des puissances occupantes.
L’initiative citoyenne a été présentée par les responsables de Bruxelles comme une forme de « démocratie participative ». En vertu de cela, les citoyens ordinaires peuvent recommander des changements dans tous les domaines où la Commission européenne a le pouvoir de légiférer.
Contradictoire
Notre initiative a été soumise à la Commission européenne en juin.
Nous avons exhorté la Commission européenne à reconsidérer sa politique commerciale. Nous avons avancé l’argument que la Commission européenne devait veiller à ce que sa politique soit conforme au droit international.
Sans mentionner les activités de colonisation de peuplement d’Israël, l’initiative défend des principes qui s’appliquent à tout territoire sous une occupation militaire dans le monde. Ces principes s’appliqueraient, par exemple, au Sahara occidental, qui est occupé par le Maroc.
Nous voulions simplement que l’UE respecte le droit international. Interdire les produits en provenance d’un territoire sous occupation militaire ne constituerait pas une sanction formelle.
En septembre, la Commission européenne a décidé qu’elle n’enregistrerait même pas notre initiative.
Dans la lettre du refus d’enregistrement, la Commission européenne a prétendu que les questions que nous soulevions ne relevaient pas de sa compétence.
Non seulement cette affirmation est inexacte, mais elle est aussi très bizarre.
La Commission européenne va à l’encontre d’une position que la Commission a prise elle-même dans un récent passé.
Lorsque le parlement de l’Irlande, l’Oireachtas, a débattu d’une législation visant à interdire de tels produits, la Commission européenne a insisté l’année dernière sur le fait qu’elle était l’unique responsable de la politique commerciale de l’UE.
Et la Commission européenne, comme les gouvernements de l’UE portent la responsabilité collective de garantir que la politique commerciale respecte le droit international.
À tout le moins, dès lors, la Commission européenne peut émettre un avis juridique sur le commerce des produits des colonies de peuplement et demander aux gouvernements de l’UE de suivre ses recommandations.
Indubitablement, la Commission européenne possède dans son personnel de nombreuses personnes intelligentes, tout à fait conscientes des devoirs de l’institution vis-à-vis du droit international. Et pourtant, pour des raisons politiques – comprenant probablement l’influence de lobbyistes professionnels -, elles sont prêtes à satisfaire les activités illégales d’Israël.
La Commission européenne sait qu’une interdiction des produits des colonies de peuplement est nécessaire. C’est ce qui a été affirmé par des juristes et par Michael Lynk, le rapporteur spécial des Nations-Unies sur les droits de l’homme en Cisjordanie et dans la bande de Gaza.
Malgré tous les conseils dont elle dispose, la Commission européenne a tenté d’empêcher l’Irlande d’interdire les produits provenant des implantations.
La Commission européenne n’autorise aucun véritable contrôle. En 2005, elle est parvenue à un « accord technique » avec Israël sur la façon de traiter le commerce des produits des colonies.
L’équipe à l’origine de notre action juridique a demandé une copie de cet accord sur la base des règles de l’UE concernant l’accès à l’information. La Commission européenne a refusé de nous la communiquer, déclarant qu’Israël avait exigé que l’accord soit tenu secret.
Il est difficile d’imaginer à quel point cette situation est scandaleuse. La Commission européenne – qui gère la politique commerciale de l’un des plus importants blocs commerciaux au monde – a été contrainte, par Israël, de protéger un accord qui n’est ni public, ni légal.
La Commission européenne a demandé à plusieurs reprises à Israël de cesser ses activités de colonisation de peuplement. En ne joignant pas l’acte à sa parole, l’exécutif de l’UE garantit que les colonies de peuplement d’Israël prospèrent et s’étendent.
La situation est dangereuse, et elle doit être remise en cause. C’est pour cela que nous allons devant un tribunal.
Tom Moerenhout est professeur en Affaires internationales et publiques à l’Université Columbia de New York.
Traduction : BP pour l’Agence Média Palestine
Source: Electronic Intifada
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