Ce samedi 9 novembre 2019 restera dans les mémoires des nombreux gilets jaunes qui manifestaient à Montpellier, comme de badauds visiblement éberlués par la violence méthodique des forces de l’ordre. Au bout d’à peine quelques minutes de manifestation, le cortège comptant entre un et deux milliers de personnes a immédiatement et sans ménagement été nassé par les forces de l’ordre.
Celles-ci auront avant tout représenté une source d’anxiété et de tension pour les manifestants, lorsque ces derniers ont constaté qu’aucune issue ne leur était permise. On ne peut qu’observer comment la peur a pu se mêler à la colère chez tous, qui privés de leur liberté, sont restés sans information des autorités. Ils ont de plus eu à subir trois charges avec usage de gaz lacrymogène, cloîtrés dans un segment restreint de la rue de Maguelone bordée de hauts immeubles haussmanniens, sans voie de sortie pendant près de deux heures.
La stratégie de la nasse adoptée contre les gilets jaunes, qui sont de moins en moins nombreux à porter leur emblème éponyme, est une honte politique. Elle a coincé déraisonnablement et privé de leurs libertés des centaines de manifestants pacifiques pendant de très longues minutes, et provoqué en outre plusieurs interpellations violentes, dont celle de Jules Panetier du media Le Poing, qui est ressorti après 24h de garde à vue poursuivi pour “dissimulation du visage” et “participation à un groupement en vue de commettre des violences ou des dégradations“.
De nombreux media, indépendants comme régionaux, étaient présents dans la nasse, même si certains ont pu la quitter en subissant la confiscation de leur matériel de protection. C’est une honte pour la liberté de la presse et pour la liberté d’expression, et nous nous insurgeons contre ce maintien de l’ordre liberticide qui nous a empêché nous et nos consoeurs et confrères d’effectuer notre travail d’observation et d’information librement.
Cela a aussi semblé fort pénible à de nombreux policiers, avec lesquels des liens parfois respectueux ont toutefois pu se créer au fil de ces longues dizaines de minutes, s’ils n’ont pas été sitôt détruits par l’application aveugle d’ordres iniques et absurdes, encourageant la tension et les risques de violences, et donc de blessures pour les policiers comme pour les manifestants.
Malgré nos cartes de presse, il ne nous a pas été permis de quitter les lieux sans prendre le risque d’une confiscation de notre matériel de protection. Alors qu’un “groupement” de gilets jaunes pacifiques, en sous-nombre par rapport au dispositif policier, subit encore l’ennui et la tension de la nasse, la place de la Comédie est plongée dans une terreur bleue. Pourtant, on ne voit plus vraiment de black blocs, et on ne sait pas qui manifeste encore ou non, la place est juste noire de monde. Arrestations violentes sous les yeux de la population, de nombreuses familles ou de touristes confusément ébahis, chasse au gilet jaune et courses éclair au milieu de la foule. C’est le chaos qui a été semé à Montpellier, pendant que la plupart des media étaient bloqués dans la nasse.
Elle a mis en danger la population venue de tout le territoire, et qui s’était réunie pour revendiquer ses droits, au sein d’une manifestation qui n’était pas interdite. A une semaine du premier anniversaire du mouvement, le message adressé aux gilets jaunes apparaît très clair : “Nous vous empêcherons de manifester.” Celui qui est adressé aux journalistes de terrain, qui sont nombreux à avoir subi des confiscations comme la privation de leur liberté, est également limpidement acté par nos soins : “Vous ne ferez pas votre travail librement.”
Et ce n’est que dans la nuit, que les derniers affrontements se termineront, comme on commence à en avoir l’habitude avec ces actes nationaux dantesques sur le Clapas. Ce samedi 9 novembre, c’est l’aberration qui marquait les visages de ce peuple scindé en deux, que l’on regarde consciencieusement lutter depuis des salons luxueux et lointains. En donnant des ordres incendiaires et irresponsables, la Préfecture a souillé la liberté de manifester en même temps que celle d’informer.
Selon nos informations, la manifestation a donné lieu à une quinzaine d’interpellations. Un street-médic a été roué de coups de matraques après s’être réfugié dans un hall d’immeuble, et a du être évacué de la nasse par ses confrères. Il pourrait avoir subi une ou des fractures à la jambe. Deux personnes âgées ont été violemment arrêtées sur la place de la Comédie, l’une d’entre elles aurait subi une fracture aux côtes. Elle comparait pourtant au tribunal, nous ignorons pour l’heure sur quels motifs.
Nous laisserons nos lecteurs et spectateurs se faire les derniers juges d’un dispositif de maintien de l’ordre censé garantir la sécurité d’à peine un millier et demi de manifestants, et s’interroger sur l’état des libertés en général dans notre pays. Mais il nous apparaissait aujourd’hui fondamental d’affirmer une position forte quant à la gravité des événements et à l’ampleur répressive de la gestion chaotique de cette manifestation.
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