Posted on juin 20, 2019 Author Nicolas Bérard
Pierre-Marie Théveniaud, biologiste et président de l’association Robin des toits, nous explique que la cinquième génération de réseau sans fil, destinée à relier tous les objets connectés de demain, s’apprête à être déployée sans qu’aucune étude d’impact sanitaire n’ait été réalisée.
L’âge de faire : Nous sommes passés de la 2G à la 3G puis à la 4G sans qu’il n’y ait énormément de réactions. L’arrivée de la 5G, au contraire, semble créer beaucoup plus de remous, voire de résistance. Comment expliquez-vous cette différence ?
Pierre-Marie Théveniaud : D’abord, la 5G implique des problèmes de société qui sont extrêmement lourds et graves. C’est l’outil qui doit mettre en place la société du tout-connecté, celle où tous les objets du quotidien seront connectés, avec les voitures autonomes, etc. En toile de fond, on trouve le transhumanisme, ou l’« homme augmenté », ainsi que la perte des libertés individuelles à travers une surveillance généralisée. Les gens commencent à se rendre compte de ce danger. Le cas de la Chine, par exemple, a quand même été médiatisé. Là- bas, les citoyens se voient attribuer une « note sociale » en fonction du moindre de leurs agissements.
Par ailleurs, la 5G pose des problèmes sanitaires importants, car la couverture va être globale, les niveaux d’exposition élevés, et plus personne ne pourra y échapper. Il est prévu d’installer des antennes tous les 100 mètres, lesquelles doivent communiquer avec des « antennes hauteur », du même genre que celles que nous connaissons aujourd’hui, mais qui communiqueront avec des satellites. Ils ont prévu d’envoyer environ 20 000 satellites dans l’espace pour que le réseau couvre l’ensemble du globe!
Certains aspects écologiques sont sans doute également l’un des facteurs de sensibilisation. Les insectes, par exemple, sont de petits organismes, et sont donc les premiers affectés par les ondes. Or, il y en a deux fois moins qu’avant. Je ne dis pas que les ondes électromagnétiques sont responsables de la disparition de la moitié des insectes. Bien-sûr, il y a tout un ensemble de facteurs qui l’explique, comme les pesticides, etc. Mais il est certain que les ondes y participent.
Actuellement, on compte environ 60 000 antennes hauteur en France. La 5G nécessitera de doubler ce nombre. Et vous nous dites qu’il faudra, en plus, installer de petites antennes 5G tous les 100 mètres, en ville ?!
P.-M.T. : L’objectif de la 5G, c’est de permettre le transfert d’un très grand nombre de données : ce réseau doit faire fonctionner tous les objets connectés, les voitures autonomes, les robots, la médecine à distance, etc. Donc les bandes de fréquences actuellement utilisées ne sont pas assez larges pour faire circuler toutes ces données. L’idée est d’utiliser des fréquences partant de 900 Mhz, jusqu’à 26 Ghz, voire 35 Ghz. Là, on tombe dans les ondes millimétriques, tellement courtes qu’elles traversent difficilement les murs. D’où la nécessité de multiplier les antennes.
A-t-on une idée des conséquences sanitaires que peuvent avoir ces ondes millimétriques ?
P.-M.T. : Les opérateurs répètent que les ondes millimétriques n’ont aucun effet sur la santé puisqu’elles ne pénètrent pas dans la peau. C’est un mensonge : on sait très bien que les ondes millimétriques peuvent provoquer des brûlures, que sous la peau vous avez des nerfs, des glandes sudoripares, que les yeux ne sont pas protégés… Je suis biologiste, j’ai enseigné la physiologie et la physiopathologie. Je sais donc parfaitement que quand vous soumettez à un champ électromagnétique une structure qui produit du courant électrique, il y a des interactions et des modifications dans les transferts de charges.
Or notre organisme ne fonctionne pas que sur de la biochimie, ce n’est pas uniquement des molécules : c’est aussi de l’information qui circule sous forme de courants électriques, et de champs magnétiques. Notre système nerveux, finalement, fonctionne grâce à des déplacements de charges. Et il est perturbé lorsqu’on le soumet à des ondes électromagnétiques.
Que disent les études à ce sujet ?
P.-M.T. : Il n’y a eu aucune étude d’impact sanitaire sur les effets de la 5G. C’est bien tout le problème ! Cela va à l’encontre du code de Nuremberg, qui dit qu’on ne doit pas expérimenter sur l’humain. Or, telles que les choses se présentent, ce sont les citoyens qui serviront de cobayes.
Que disent les opérateurs et le gouvernement quand vous leur faites remarquer ?
P.-M.T. : Nous nous heurtons à des intérêts économiques et politiques. Par exemple, sur Paris, tout doit être prêt pour les JO de 2024. D’ici là, on risque donc d’avancer à marche forcée vers la mise en place de ce réseau.
Quant aux opérateurs, ils sont totalement indifférents à nos remarques. Ils ont de plus en plus de pouvoir direct, que ce soit économique, juridique, médiatique… C’est de plus en plus compliqué pour nous de nous faire entendre. Je vous donne un exemple. Il y a 10 jours, une journaliste me contacte pour passer en direct dans l’émission La Quotidienne, sur la 5. On a une discussion très ouverte, elle fait parfaitement son travail. La veille, alors que je devais passer sur le plateau, je reçois un message pour me dire que son rédacteur en chef « a choisi un autre profil ». Bien évidemment, j’ai regardé l’émission : pour me remplacer, c’était le journaliste chargé des nouvelles technologies à BFM TV ! Ça a été un panégyrique pour la 5G !
Vous estimez qu’il y a une prise de conscience sur ces problématiques que sont les ondes, la surveillance, le tout-connecté, etc ?
P.-M.T. : Oui, et je crois que, en France, le déploiement de Linky, avec Enedis qui se croit tout permis, a fait beaucoup avancer les choses. Les gens sont désormais sensibilisés, des associations se sont créées, etc. Et je pense que la prise de conscience porte aussi sur la toute puissance des industriels, qui font à peu près tout ce qu’ils veulent, sans aucun contrôle. Avec Linky et Enedis, les gens ont compris jusqu’à quel point les industriels pouvaient mentir. L’affaire du « Phonegate » (2) a sans doute aidé également.
Que peut-on faire pour s’opposer à cette technologie ?
P.-M.T. : Il faut d’abord se tenir informé, se rapprocher d’associations comme la nôtre, et relayer les appels, comme celui qui a été adressé à l’Organisation des Nations unies, à l’Union européenne et à l’Organisation mondiale de la santé par 180 scientifiques et médecins issus de 36 pays des cinq continents. Ils demandent un moratoire sur le déploiement et la création d’un groupe de travail, indépendant de l’industrie, pour évaluer les dangers potentiels de la 5G sur la santé humaine. Il est également important de signer les pétitions. La ville de Bruxelles s’est récemment prononcée contre l’arrivée de la 5G sur son territoire, faisant justement remarquer qu’il n’y avait aucune garantie concernant la santé des citoyens. On peut donc, malgré tout, se faire entendre.
Recueilli par Nicolas Bérard
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