Par Anna Mutelet — 30 août 2019 à 15:31 Lors d’une manifestation de soutien à Théo Luhaka, le 9 février 2017 à Rennes. Photo Martin Bertrand. AFP
Une expertise médicale remise au juge d’instruction le 21 août, et révélée par «le Parisien», dévoile que Théo Luhaka souffre de séquelles à vie depuis son interpellation musclée à Aulnay-sous-Bois en février 2017.
Un contrôle d’identité qui vire au suivi médical à vie. Deux ans et demi après l’interpellation musclée, contestée et médiatisée de Théo Luhaka par quatre policiers à Aulnay-sous-Bois (Seine-Saint-Denis) avec une matraque télescopique, l’affaire pourrait prendre un nouveau tournant quant à la qualification pénale. La dernière expertise médicale, réalisée par une docteure en gastro-entérologie et remise à la juge d’instruction le 21 août, conclut au «besoin d’un suivi médical à vie» pour le jeune homme de 25 ans. Il s’agit de la conséquence de la déchirure anale de 10 centimètres qui lui avait valu à l’époque une hospitalisation en urgence. Ces «lésions sphinctériennes» sont en «relation certaine et directe avec l’interpellation», poursuit le rapport, selon le Parisien qui en a révélé les conclusions.
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Pour l’experte inscrite à la cour d’appel de Paris, le taux d’atteinte permanente à l’intégrité physique et psychique (AIPP) est de «20 %». Devenu incontinent depuis ce contrôle de police, son avenir dans le monde du travail est lui aussi compromis. Sportif passionné, il a dû tirer un trait de façon définitive sur tout espoir d’une pratique professionnelle du foot. Moralement, Théo «va très mal», commente son avocat, Me Antoine Vey, auprès de Libération, énumérant l’impact des violences et des traitements qui en découlent, ainsi que le sentiment d’humiliation entretenu par une médiatisation souvent maladroite et tendant parfois à le discréditer.
«Les faits sont gravissimes»
Mais si cette expertise médicale est importante, c’est aussi parce qu’elle peut avoir des conséquences sur le parcours judiciaire du dossier, et notamment sa qualification pénale. A ce stade – cas de figure assez rare –, le flou plane toujours sur celle qui va être retenue par la justice. Depuis son interpellation, Théo Luhaka accuse les policiers de viol. Ces derniers réfutent cette thèse et plaident pour un geste involontaire. Contacté par Libération, l’avocat de l’homme porteur du coup n’a pas donné suite.
A la lumière de ce nouveau rapport, les policiers présents lors du contrôle dans le quartier de la Rose-des-Vents pourraient, quoi qu’il en soit, se retrouver devant les assises pour «violences volontaires ayant entraîné une infirmité permanente». L’avocat de Théo insiste pour que cette qualification soit retenue en plus de celle de viol, estimant que «les faits sont gravissimes. Il s’agit d’un acte en réunion, avec arme, par des personnes dépositaires de l’autorité publique».
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Cette dernière expertise médicale survient après deux rapports, largement commentés par la presse, en février 2018. Une première expertise médicale contestait alors toute pénétration de l’anus par la matraque, attribuant la déchirure de 10 centimètres à la force du coup administré. Dans la foulée, un deuxième rapport, rédigé par un expert du ministère de l’Intérieur, concluait que le coup de matraque n’était pas contraire au règlement. Par ailleurs, cette expertise médicale vient dans un même mouvement réhabiliter la parole de Théo Luhaka alors que l’extrême droite, dont Robert Ménard et Marine Le Pen, criait à la fake news, avec en parallèle «une très forte communication des syndicats de police sur le sujet, qui ont instrumentalisé l’affaire», estime son avocat. «Nous, on n’en a jamais fait un procès de la police mais un procès des violences policières.»
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