Un arrêté interdisant la distribution de tracts, dans le centre-ville de Saint-Jean-du-Gard, pour une durée d’un an, enflamme une commune gardoise aux portes des Cévennes, à six mois et demi des élections municipales. Une manifestation, la troisième depuis le début du mois, est prévue ce mardi 27 août sur le marché du village et plusieurs recours sont en préparation.
Les gilets jaunes ont découvert cette année qu’une manifestation non déclarée peut justifier à peu près n’importe quel comportement de la part des autorités et des forces de l’ordre. Les habitants de Saint-Jean-du-Gard découvrent eux qu’une expression non préalablement déclarée à la mairie peut exposer à une verbalisation de la part des gendarmes ou de la police municipale.
Le 31 juillet, au cœur de l’été, Michel Ruas, le maire de cette commune d’à peine plus de 2500 habitants à l’année, a signé un arrêté municipal interdisant la distribution de tracts. « À compter de ce jour, la distribution de tracts et de flyers, à l’exception des demandes préalablement réalisées en mairie, est strictement interdite dans le centre-ville de la commune, et ce pour une durée de un an ». Les raisons invoquées : « limiter les nuisances à l’environnement, la circulation et l’ordre public ». L’encre de l’arrêté tout juste sèche, un policier municipal, puis des gendarmes s’invitent à la table d’information du collectif Stop Linky de Saint-Jean-du-Gard sur le marché le mardi 6 août. Ne pouvant constater la moindre distribution de tracts, aucune contravention n’est dressée, mais la pression est bien présente.
Associations, collectifs et habitants se mobilisent
Se sentant dans le viseur de la mairie, les opposants au compteur Linky ont décidé d’appeler à un rassemblement pour braver l’interdit jugé illégitime et abusif, et informer la population le mardi suivant, toujours sur le marché. Rejoints par plusieurs associations et des habitants scandalisés, ils ont accroché des banderoles et distribué différents tracts, dont l’arrêté municipal en question. Une bravade qui a tout de même suscité l’intervention d’une vingtaine de gendarmes qui ont tenté, dans une certaine confusion, de relever les identités des contrevenants au diktat de l’édile local. En réaction, jouant sur le ridicule, des tracts anonymes où il était inscrit « puisque ce tract n’a pas le droit d’être distribué, il sera affiché » ont été collés sur la mairie.
La mobilisation locale ne faiblit pas et un nouveau rassemblement doit se tenir mardi 27 août à 9 h au marché. Parallèlement, des recours gracieux ont été déposés le vendredi 23 août auprès du conseil municipal par des habitants du bourg. Ils considèrent que cet arrêté « constitue une grave atteinte à la liberté d’expression » et réclament son retrait immédiat. Dans le même temps, des associations étudient la possibilité d’un recours contentieux devant le tribunal administratif. Une procédure en référé pourrait annuler la décision du maire pour défaut de qualification du « trouble à l’ordre public » et pour son caractère trop général quant aux lieux concernés.
En tout cas dans cette terre de résistance des camisards, où la mémoire de la lutte des maquis cévenols contre l’occupation nazie est célébrée par l’association Abraham-Mazel qui organise chaque année à Saint-Jean-du-Gard un festival des résistances, le maire n’en a pas fini avec l’opposition à l’arrêté anti-tracts. Ainsi, au marché de Saint-Jean-du-Gard, pour paraphraser Brassens, collectif anti-Linky, associations, autonomes des Cévennes, « tout le monde se réconcilie pour rosser les cognes », ou du moins les autorités locales.
Mise à jour : le maire a retiré son arrêté lundi après-midi, à la vieille de la manifestation prévue mardi à 9 h, qui du coup serait annulée.
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