Avant de prendre une pause estivale jusqu’à la mi-août, Rapports de force vous propose une longue interview de Nedjib Sidi Moussa, réalisée fin juin. L’auteur de « La Fabrique du Musulman » et de « Algérie, autre histoire de l’indépendance » nous livre une analyse mêlée de critiques et de bienveillance à l’égard du mouvement et des acteurs de la contestation qui secoue l’Algérie depuis cinq mois. Nous vous souhaitons bonne lecture et un bon été.
Tu es allé en Algérie en mars. D’ici, en lisant la presse internationale ou algérienne, on avait l’impression que toute la société était dans la rue. Est-ce ce que tu as pu observer ?
Effectivement, le vendredi, la majorité de la société algérienne est présente, toutes classes, sexes et générations confondues. C’est inédit dans l’histoire de l’Algérie. Avant les premières manifestations, qui n’ont pas commencé le 22 février, mais quelques jours avant à Kherrata, dans la wilaya de Béjaïa, la démoralisation la plus complète régnait. Le fait qu’il n’y ait pas eu de répression a sans doute donné du courage et de l’enthousiasme aux autres pour sortir à leur tour dans la rue. Toute l’Algérie était dans la rue, mais pas forcément avec les mêmes aspirations, et avec des modalités et des perspectives confuses ou contradictoires. Des milliardaires et des dirigeants de partis politiques qui ont eu des attitudes ambiguës ont rejoint les cortèges, même si certains se sont fait chahuter. Des personnes sont venues avec des mots d’ordre radicaux du point de vue de la démocratie et des libertés individuelles. D’autres qui se sont faits de plus en plus entendre ont mis en avant des aspirations plus conservatrices au niveau de la culture, de la langue et du caractère unitaire de l’État.
Ce mouvement ne pouvait émerger qu’avec tous les paradoxes et les tensions de la société algérienne qui n’ont pas eu l’occasion de se cristalliser librement ces dernières années, voire même depuis l’indépendance en 1962. Sans idéaliser la démocratie formelle, les espaces de compétition et d’expressions publiques étaient très rares. Le moindre rassemblement dans la rue à Alger pouvait être réprimé et dispersé par la police. Les élections étaient systématiquement truquées. Aujourd’hui, il y a un apprentissage de la confrontation d’idée, de projet, de pratique. C’est un point positif du mouvement, même si l’aspiration très radicale de rupture avec le système, le régime ou le pouvoir, symbolisé par le mot d’ordre « qu’ils dégagent tous », ne semble pas encore portée par des pratiques à la hauteur de cette exigence-là. Contrairement à ce qui s’est passé pendant le mouvement d’octobre 1988 ou le « Printemps noir » de Kabylie en 2001, les permanences et les locaux du FLN n’ont pas été vandalisés, expropriés ou squattés par les manifestants, ce qui aurait été une façon de donner un contenu au slogan « FLN dégage ». Des familles nécessiteuses auraient pu y être logées. Quasiment rien n’a été fait sur le plan de l’action directe. Cela suscite des questions sur l’autolimitation du mouvement et la volonté de préserver son caractère pacifique ou d’éviter la confrontation physique. Même si cela peut se comprendre étant donné ce qu’a connu l’Algérie au cours des années 1990. Nous avons donc des aspirations très radicales, mais avec des modalités très modérées pour l’instant.
Il y a la volonté chez certains opposants de ne pas poser les questions qui fâchent, à savoir les questions sociales, sexuelles, culturelles, religieuses, etc. Même des démocrates assez radicaux ont dit : « faisons d’abord l’unité contre le cinquième mandat, ensuite nous aborderons toutes ces questions-là ». On sait ce que cela veut dire… La bourgeoisie libérale, qui veut peut-être s’émanciper de la tutelle de l’armée et de l’État, et a exercé une sorte de leadership non affirmé au début du mouvement, a intérêt à faire avancer des mots d’ordre exclusivement démocratiques, et surtout à ne pas aborder la question sociale. Ses porte-voix essaient même de faire accepter la nécessité d’adopter des mesures de rigueur tout en se réclamant de la volonté populaire.
En dehors des vendredis, la contestation a semblé se structurer autour de corps professionnels : les avocats, les journalistes, les étudiants. Est-ce de cela dont tu parles ?
Ce sont les mouvements mis en avant par les médias et la petite bourgeoisie. Ces corps sont de fait assimilés à l’élite. Il est vrai que les avocats et les magistrats étaient dans la rue au début de la dynamique, dans sa phase la plus euphorique, mais à côté de cela, entre chaque vendredi, il y a aussi eu des mouvements de grève chez les travailleurs. Ils sont restés localisés et n’ont pas été assez relayés par les médias ou les réseaux qui se réclament de la gauche et qui n’ont pas du tout joué leur rôle de relais des luttes sociales. En effet, ils sont obnubilés par des enjeux strictement politiciens.
Pour autant, nous n’avons pas encore assisté à des débordements massifs de la part des exploités et des chômeurs. Il y a toutefois eu des sit-in ici ou là, des manifestations, parfois de brèves occupations de la part de chômeurs qui exigeaient d’être employés. Cela a été le cas dans le sud de l’Algérie ou dans le complexe sidérurgique d’El Hadjar par exemple. Spontanément, en dehors de tout cadre organisé, ces chômeurs ont posé la revendication de l’emploi. Ceux qui disaient, depuis le début du mouvement, qu’il s’agissait simplement d’une protestation démocratique, politique et pacifique, sans aucune préoccupation sociale, ont été démentis par les faits.
Tu es très critique sur l’action politique de la gauche de la gauche algérienne. Peux-tu nous expliquer pourquoi ?
Un des aspects qui a empêché une juste articulation de la question démocratique et de la question sociale, dans une perspective révolutionnaire, c’est notamment le fait que trotskistes et anciens staliniens, qui conservent une certaine influence, ont concentré leurs forces sur un mouvement de réappropriation de l’UGTA, l’ancien syndicat unique intégré à l’État. Effectivement, son dirigeant, Abdelmadjid Sidi Saïd a fait partie de ceux qui ont appelé à un 5e mandat d’Abdelaziz Bouteflika, avant de se mettre du côté du chef de l’état-major de l’armée. Mais ils sont restés dans un cadre strictement organisationnel et n’ont pas cherché à déborder l’appareil. Leur objectif était d’empêcher la tenue du congrès extraordinaire de l’UGTA annoncé en juin. Or, il s’est tenu et c’est une défaite pour eux.
D’ailleurs, le nouveau secrétaire général de l’UGTA, Salim Labatcha, est un ancien dirigeant du Parti des travailleurs (PT). Le PT (parti trotskiste lambertiste) a longtemps eu une relation fusionnelle avec cet appareil hautement bureaucratique qu’est l’UGTA. Les syndicalistes qui sont un peu plus « lutte de classe » dans l’UGTA restent soumis au cadre organisationnel. De l’autre côté, des syndicalistes dits autonomes qui sont en dehors de l’UGTA, sans être forcément plus offensifs, ont décidé de ne pas mettre en avant la question sociale. Leur propos a été de dire : « nous sommes dans le mouvement populaire contre le 5e mandat et le régime, mais nous ne voulons pas apparaître comme étant un facteur de division ». Ainsi, les travailleurs et les exploités ne devraient donc pas agir en leur nom propre et la question de la grève devrait éventuellement être posée plus tard, selon les circonstances du moment.
Ce faisant, ils se sont totalement soumis à un agenda politicien. Eux aussi ont pesé dans un mauvais sens à mon avis. À côté de cela, les mouvements éclatés et localisés, appuyés parfois par des syndicalistes autonomes ou de l’UGTA, ne sont pas encore coordonnés à ce stade. Cela pourrait pourtant être une perspective de lutte intéressante : une coordination des boîtes, des ateliers, des administrations, des travailleurs en grève ou privés d’emploi. Cependant, une chose qui pèse chez les exploités et qui explique le très faible niveau d’auto-organisation, c’est qu’il y subsiste encore certaines illusions sur les organisations (syndicats, associations, partis, etc.), les personnalités nationales, mais aussi sur l’action du chef d’état-major. Ils ont pu s’interroger sur le rôle d’arbitre qu’essaye d’avoir Gaïd Salah qui prétend être avec le peuple tout en disant « n’allez pas trop loin, n’ayez pas d’exigences trop démesurées ». En effet, il met en prison des corrompus, des oligarques, des chefs de partis politiques comme Louisa Hanoune. De plus, il a fait mine d’aller dans le sens des revendications populaires tout en se montrant de plus en plus menaçant ou insultant à l’égard des contestataires les plus déterminés.
Pourtant le mouvement a déjà mis fin au 5e mandat, obtenu le départ de Bouteflika, puis l’annulation du scrutin présidentiel du 4 juillet.
Effectivement, ce mouvement a connu des victoires puisque le 5e mandat n’a pas eu lieu et les élections prévues le 4 juillet non plus. Mais je suis du côté des partisans de la révolution sociale, même s’ils sont pour l’heure minoritaires en Algérie comme ailleurs. Face à l’aspiration massive et radicale de rejet du régime, ce mouvement peut, et aurait déjà pu, aller beaucoup plus loin. Il ne se s’agit pas de minorer les victoires, mais le régime et l’état ne se sont pas évaporés. D’ailleurs, beaucoup de manifestants, malgré le mot d’ordre de « système dégage » souhaitent que l’État, l’armée et la police se maintiennent. La question du rapport aux forces de répression n’a pas toujours été très claire étant donné leur poids dans la société. Mais une décantation est en train de se produire, en raison de l’intensification de la répression. La société algérienne a son histoire propre et tout est en train d’être remis sur la table, à son rythme. La plupart des questions ne vont pas être réglées en quelques semaines ou quelques mois. Mais on sait aussi que le temps peut jouer contre notre camp.
Au début du mouvement, on entendait des slogans comme : « le peuple, l’armée, la police, on est tous des frères ». Les jeunes des classes populaires qui voulaient aller tout de suite vers le palais présidentiel à Alger ont été diabolisés, accusés d’être des agents du régime et de vouloir salir ce si joli mouvement pacifique… Ils ont été tabassés, arrêtés, emprisonnés. La répression était là dès le début, mais on a commencé à en parler quand elle s’est déplacée en touchant d’autres segments de la population peu portés à la confrontation avec la police. Progressivement, il y a eu des slogans de plus en plus hostiles envers la police. Idem pour l’armée. Quand le chef d’état-major a commencé à intervenir avec un ton menaçant et paternaliste, de plus en plus de slogans contre l’armée ou pour qu’elle reste dans ses casernes se sont fait entendre. Avec parfois des demandes de démission de Gaïd Salah ou le souhait d’un Etat civil et non militaire. Cela participe de cet apprentissage qui commence à désigner ces institutions comme n’étant pas des alliées potentielles. J’espère qu’il en sera de même avec la bourgeoisie algérienne, en refusant plus clairement les initiatives interclassistes.
Aujourd’hui, où en est la révolution algérienne ?
Pendant le mois de ramadan, le mouvement ne s’est pas essoufflé contrairement à ce qu’escomptait le régime. Par contre, on m’a rapporté que les jeunes des classes populaires ont reflué. Ils seraient moins présents dans les manifestations parce qu’on leur a fait comprendre que ce mouvement n’est pas le leur. Soit parce qu’ils ont été stigmatisés, en raison du très grand mépris de classe qu’ils subissent de la part de la petite bourgeoisie, soit parce que leurs aspirations ne sont pas prises en considération par les figures les plus en vue du mouvement. Je ne sais pas si ce reflux est définitif ou s’ils vont revenir d’une autre manière, mais j’espère qu’ils s’exprimeront par leurs propres moyens. Ce reflux expliquerait peut-être pourquoi associations et partis politiques relèvent la tête désormais et essayent de se poser comme direction alternative au mouvement. De fait, ils sont déjà en train de négocier. L’armée et la bourgeoisie veulent aller le plus vite possible vers des élections présidentielles pour que l’économie redémarre, selon leur argumentaire et leur agenda, et que finalement tout redevienne comme avant, au bénéfice des possédants.
Des éléments se réclamant de la société civile algérienne, toutes classes et sensibilités confondues, ont lancé le 15 juin une plateforme extrêmement modérée, avec des démocrates, des courants religieux, certaines féministes, des syndicalistes droitiers, des néolibéraux. Ils ont adopté une feuille de route à minima, d’autant qu’il y avait un clivage entre les partisans de la constituante et ceux qui voulaient aller vers des élections présidentielles. Ils ont décidé ensemble d’appeler à un gouvernement d’union nationale et à la création d’une commission qui superviserait des élections transparentes. Cet appel n’aborde pas la question sociale, l’égalité entre les hommes et les femmes – ce qui a fait claquer la porte à des féministes – ou la séparation du religieux et du politique. Et cela pour ne pas mécontenter les plus conservateurs. Quelques jours après, il y a eu une autre réunion qui a constitué un « pôle démocratique ». Elle a regroupé des trotskistes (PST et PT), d’anciens staliniens (MDS et PLD), des sociaux-démocrates (FFS) et des courants plus droitiers comme le RCD ou l’UCP. Ils ont produit une plateforme qui apparaît plus progressiste, parce qu’elle soulève le principe de l’égalité hommes-femmes et la question sociale, mais cela reste dans l’ensemble réformiste, étatiste, avec une empreinte nationaliste, ce qui est assez courant en Algérie.
Des choses vont bouger cet été et à la rentrée. Les partis politiques veulent montrer qu’ils peuvent constituer une alternative raisonnable et rassurante pour les possédants et les partenaires internationaux de l’Etat algérien alors que ce sont des coquilles vides. Ce qui ne doit pas nous faire oublier leur capacité de nuisance et de parasitage. Leur crainte, c’est la crise. Ils ne veulent pas approfondir les contradictions du processus actuel et les dépasser dans une perspective réellement émancipatrice. Les démocrates ou la gauche de la gauche sont déjà en train d’offrir une alternative aux tenants du pouvoir. Ils sont déjà dans la négociation en sachant où veulent les mener l’armée et la bourgeoisie. En cela, ils désarment politiquement les individus qui sont prêts à aller de l’avant mais qui subissent encore leur influence directe ou indirecte. C’est pourquoi il ne faut pas lâcher la critique sur des bases claires, pour l’auto-organisation à la base et en dehors des appareils bureaucratiques. Quand on œuvre pour la transformation de la société et la destruction de toutes les formes de pouvoir, on ne peut pas se contenter des vieilles recettes politiciennes ou des mots d’ordre dépassés par la situation, comme la constituante.
Mais si l’on passe d’une société aussi répressive que celle gouvernée par le FLN depuis 1962 à une société vaguement démocratique avec des droits arrachés par un mouvement populaire, n’est-ce pas malgré tout un progrès important pour la société algérienne, et les Algériens eux-mêmes ?
Chaque conquête, chaque acquis, chaque pas en avant est déjà une victoire. Le fait que Bouteflika ne se soit pas présenté, que les élections ne se soient pas tenues en juillet, c’est déjà quelque chose d’extraordinaire. Le fait que des millions de personnes descendent dans la rue, occupent parfois des espaces, se regroupent sans être dispersées par la police est énorme, par rapport à la situation antérieure où régnait le désespoir. J’insiste là-dessus : les personnes qui aujourd’hui sont dans la rue, essayent d’intervenir, de s’exprimer, de se regrouper étaient parfois sur le départ, il y a encore quelques mois. Ils étaient prêts à quitter l’Algérie. Pour eux, c’était foutu, le peuple algérien ne valait pas la peine qu’on se batte pour lui s’il acceptait un cinquième mandat et l’humiliation permanente.
Mais avec ce mouvement, tout un pan de la société a manifesté pour la première fois. Et pas seulement des jeunes, également des pères et mères de famille. C’est en cela qu’il s’agit d’une phase d’apprentissage à l’échelle d’un pays. C’est aussi pourquoi nous sommes dans un processus révolutionnaire, ce qui signifie qu’on ne peut ignorer la contre-révolution. Depuis 1962, la société a changé, elle s’est largement urbanisée, il y a eu un développement du salariat féminin et de l’éducation des femmes. Aujourd’hui, la majorité des étudiants sont des étudiantes. Cela change énormément de choses même s’il y a toujours un rattrapage par les institutions autoritaires religieuses et patriarcales qui essayent de bloquer le mouvement réel de la société vers la liberté et l’émancipation. Les partis politiques, associations ou organisations de la gauche de la gauche reproduisent aussi les pratiques dénoncées chez le régime : autoritarisme, bureaucratie, censure, violence, machisme, sectarisme, etc. Si l’on ne fait pas de bilan de ce qu’a fait ou n’a pas fait la gauche algérienne, il n’y aura pas de progrès possible.
Alors, pour en revenir à la question, pourquoi se contenter de quelques acquis sachant qu’ils peuvent être très vite repris et détruits par le nouveau pouvoir, ou la nouvelle coalition, qui se mettront en place ? Ces forums de la société civile, en recherchant un consensus interclassiste où gauche et droite, laïques et religieux, féministes et machistes, se retrouvent tous ensemble, sont déjà en train de rogner sur le possible et le pensable, avec leurs plateformes insipides et minimales. Aujourd’hui, une nouvelle génération est prête à se libérer des fardeaux dont les générations précédentes n’ont pas réussi à se délester. La nouvelle génération est prête à aller plus loin que les générations précédentes et à bousculer tabous et entraves. C’est sur ces dynamiques-là, même si elles peuvent apparaître minoritaires ou confuses, qu’il faut s’appuyer pour pousser le processus le plus loin possible. Je suis optimiste, mais il ne faut pas se tromper dans les alliances, sur les perspectives et sur ce que l’on essaye de construire.
Avec un mouvement aussi massif et long, a-t-on pu observer des formes d’organisations nouvelles dans la population pour s’approprier la contestation ? Est-ce que comme en France avec le mouvement des gilets jaunes cela est compliqué ?
Il y a des comparaisons à faire avec les gilets jaunes, sauf qu’évidemment nous ne sommes pas au même niveau d’intensité et de présence massive dans les rues. Chaque comparaison nécessite de montrer les différences entre les dynamiques. Cependant, ils ont comme points communs une propension au dégagisme et une très grande méfiance vis-à-vis des organisations, voire de l’organisation. C’est un trait de notre époque lié au reflux du mouvement ouvrier et au désenchantement par rapport aux partis politiques ou aux syndicats. C’est une dynamique internationale. L’autre aspect c’est la focalisation sur les manifestations hebdomadaires, avec peu de perturbation du quotidien entre les manifestations, même s’il y a eu des grèves, et qu’il y en a encore, en Algérie comme en France.
Deux autres aspects qui à mon avis sont communs. Le sujet politique mis en avant est le peuple, avec tout ce que cela implique comme ambivalences. De l’interclassisme et du nationalisme qui s’expriment avec toutes les mythologies et les ambiguïtés autour des réminiscences de la Révolution française de 1789 ou de la révolution anticoloniale en Algérie. Le dernier aspect commun, c’est le rapport aux nouvelles technologies, aux réseaux sociaux et à Facebook, comme lieu du débat et d’organisation du mouvement au détriment des assemblées ou comités ayant une existence physique, ce qui est évidemment problématique.
En France, il y a eu les assemblées des assemblées. Y a-t-il des Commercy en Algérie ?
Pas encore à ma connaissance. Je pense que cela a été en partie parasité par l’attentisme suscité par ces forums de la société civile, et aujourd’hui, par ces opérations politiciennes du type « pôle démocratique ». Des personnes ont appelé à l’auto-organisation, mais il ne s’agit pas d’être incantatoire : ce n’est pas parce qu’on appelle à quelque chose que cela se fait. Donc il n’y a pas l’équivalent d’un Commercy, pas plus qu’il n’existe de mouvement libertaire ou autonome en Algérie. Des individus essayent de faire des choses à leur échelle, d’impulser des dynamiques, de relayer des initiatives, le but étant maintenant de franchir un cap pour peser sur la situation et s’appuyer sur ce que le mouvement fait de meilleur.
L’isolement et de la répression qui ont été ceux des militants la gauche de la gauche en Algérie depuis des décennies pèsent énormément. La gauche algérienne a surtout une culture léniniste et nationaliste. Cela a des incidences sur la manière d’analyser la situation et d’intervenir concrètement. Un travail critique doit être fait sur le plan théorique et pratique. Mais pour la majorité de la population laborieuse, il n’y a aucune illusion à se faire sur cette classe politique, y compris de gauche. L’auto-organisation à la base, sur les lieux de travail, de formation et de vie, constitue la clef de la suite du mouvement.
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