La
Commune internationaliste du Rojava publie cet ouvrage pour présenter
son projet-chantier d’une société écologique. Des « structures
démocratiques non-étatiques, basées sur les conseils de quartier »,
développent en ce moment même des chantiers écologiques, soucieux de
construire de nouveaux rapports avec la nature.
« Inspiré et marqué par les idées
d’Abdullah Öcalan ainsi que par la lutte du mouvement de libération
kurde qui repose sur la libération des femmes, l’écologie et la
démocratie radicale, un mouvement révolutionnaire est en train de
s’organiser au Rojava pour mettre fin à la modernité capitaliste. » Une
académie a été créée pour permettre aux internationalistes de participer
aux structures locales.
Un chapitre présente le projet politique
d’écologie sociale qui propose d’autres rapports avec la nature, en
rupture avec la société capitaliste : « Une politique qui ne combat pas
seulement les symptômes, mais qui reconnaît que la crise écologique et
la crise sociétale sont étroitement liées. » L’histoire et le
développement de ce rapport, depuis la « société naturelle », composée
de petites communautés claniques qui considéraient la nature comme
quelque chose de vivant jusqu’à la « structure étatique-capitaliste »
actuelle, sont présentés et analysés pour « comprendre le présent » et
« construire l’avenir ». « En passant d’une coexistence libre et
écologique dans la société naturelle, fondée sur le respect, la
solidarité et l’altruisme, à une société construite sur la base des
hiérarchies, des classes et de la domination, les gens se sont aliénés
non seulement les uns aux autres, mais aussi de la nature. » L’État a
dissous « le système de connaissances développé autour de la guérison
naturelle par les herbes », fruit de milliers d’années d’un savoir
développé et transmis par les femmes, centralisé l’agriculture,
exproprié les terres paysannes, poussé à la migration vers les villes,
détruisant davantage la connaissance des processus écologiques et les
attachements à la nature. « La nature est devenue une matière inanimée
qui pouvait être travaillée, divisée, mesurée, examinée et contrôlée –
une ressource qui a tout au plus un prix, mais pas de vie. »
« L’exploitation de la nature et de l’humanité pour maximiser les
profits d’une poignée de personnes n’a pas de limite morale. Le statut
social est défini par le pouvoir et la richesse. L’égoïsme et la
cupidité sont devenus des vertus. » Alors que la stratégie de la
modernité capitaliste est de profiter de la crise écologique pour
justifier une nouvelle intensification de l’exploitation et de la
marchandisation de la nature, l’écologie sociale envisage au contraire
de restaurer un rapport équilibré entre la nature et l’humanité en
changeant de manière fondamentale les mentalités et les méthodes de
production. Il s’agit de fonder des « structures radicalement
démocratiques et construites en dehors du pouvoir de l’État » : « La
démocratie est l’antithèse de l’État. »
Alors que pendant des
millions d’années, les humains n’osaient prendre à la nature plus
qu’elle ne pouvait reconstituer, le capitalisme a altéré l’environnement
en soumettant l’accès aux ressources aux impératifs de l’accumulation
du capital. Alors que devaient advenir progrès et prospérité mondiale,
« la terrible pauvreté expérimentée par une grande partie de la
population mondiale, l’incapacité du système capitaliste à répondre aux
besoins vitaux des personnes et l’extraction incessante et irraisonnée
des ressources naturelles mettent à jour les mensonges qui gisent
derrière ces promesses ». Tandis que les gouvernements et les médias
diffusent des « images dystopiques de la catastrophe qui s’approche de
nous », l’humanité, en état de choc, se précipite vers l’abime. « Au
lieu d’espérer que les États du monde nous fournissent des solutions,
nous devons agir, la société civile doit agir. »
Jusqu’en 2012, le Rojava, région qui s’étend le long de la frontière turco-syrienne, était « en relation de dépendance coloniale avec le régime syrien d’Assad : exploitation maximale des ressources, taux élevé de productivité agricole, production destinée à l’exportation, monoculture et déforestation systématique. Sont présentés les défis écologiques que doit relever le Rojava : retour à un système à base d’engrais biologique, sortie des monocultures et réduction de la consommation d’eau, diversification agricole (lentilles, pois chiches et haricots représentent aujourd’hui 25% de la totalité des terres agricoles), plantation d’arbres (manguiers, vignes, agrumes), orientation de la production vers la consommation locale, agriculture urbaine pour accroitre l’autonomie et améliorer la sécurité alimentaire, séparation des eaux grises, et des eaux noires utilisées pour accroître la production agricole, décentralisation et approche écologique de l’énergie, compostage et recyclage, expansion des transports publics. Le but est de mettre en place un mode de production coopératif, écologique et décentralisé, en socialisant les actifs et les ressources, démocratisant l’économie.
La campagne « Make Rojava Green Again » se divise en trois volets :
Le
développement d’une conscience écologique et démocratique chez les
internationalistes au moyen de l’Académie qui doit les former selon les
principes de la démocratie radicale, de la libération des femmes et de
l’écologie. Ils travailleront ensuite dans les structures locales, y
organisant des cours.
Le reboisement des terrains de l’Académie avec
la plantation de 2 000 arbres, pommiers, pistachiers, grenadiers,
cerisiers, poiriers, figuiers et abricotiers, fertilisés par le
recyclage des eaux grises et des déchets organiques. Une pépinière est
également en construction, pour permettre dal plantation de 50 000
pousses.
La solidarité internationale est sollicitée par un appel à soutien financier aux projets écologiques.
Indispensable pour tous ceux qui croient qu’un autre monde est possible et aussi (surtout ?) pour ceux qui n’y croient pas. Utopie concrète en cours : Faisons reverdir le Rojava !
MAKE ROJAVA GREEN AGAIN
Commune internationaliste du Rojava
Avant-propos de Debbie Bookchin
146 pages – 8 euros
Éditions Atelier de création libertaire – Lyon – Mai 2019
http://www.atelierdecreationlibertaire.com/
Première édition : Dog Section Press – Londres – 2018
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