17 janvier 2018 Stéphane Ortega
La Grèce a adopté lundi 15 janvier une législation restreignant le droit de grève. Les députés de Syriza ont voté le texte malgré l’opposition des syndicats, une journée de grève vendredi 12 janvier et de nouveaux débrayages et manifestations le jour de l’examen de la loi au parlement.
« Les grèves ne sont ni abolies ni menacées par ce gouvernement », s’est défendu Alexis Tsipras, le Premier ministre grec issu de la gauche radicale élu en 2015. Pourtant, les faits sont têtus. Lundi soir, le parlement a adopté un nouveau paquet de mesures exigé par les créanciers du pays, par 154 pour et 141 contre. Parmi elles, une modification du droit de grève. Dorénavant, les syndicats devront avoir le vote de plus de 50 % de leurs membres à jour de cotisations dans une entreprise pour déclencher un arrêt de travail. Comme au Royaume-Uni.
En Grèce, le taux de syndicalisation est nettement plus important qu’en France. Il représente 25 % des salariés selon l’ Institutional characteristics of trade unions, wage setting, state intervention and social pacts (ICTWSS). Environ trois fois plus que dans l’hexagone. Par contre, l’implication réelle est faible selon Panos Angelopoulos, membre du collectif de solidarité des Grecs à Paris. Pour lui, plus le socle retenu pour se prononcer en faveur d’un mouvement est élargi aux salariés les moins impliqués, plus il sera difficile de lancer une grève. L’argument d’une loi en faveur de l’implication syndicale a même été mis en avant par le gouvernement. Un peu comme en France, les référendums d’entreprise de la loi El Khomri ont été présentés comme une avancée démocratique.
Mais cette communication peine à convaincre. Les syndicats revendicatifs considèrent que c’est une mise à mort du droit de grève. Plus largement, le parti de droite Nouvelle Démocratie devance Syriza de 10 points dans les sondages. Le résultat de la volte-face du Premier ministre après le référendum donnant la victoire au non au mémorandum en 2015, puis de son application à satisfaire les exigences des créanciers. Depuis les mesures d’austérité s’empilent et la confiance en Tsipras n’est plus de mise. Il est vrai que la moitié des retraités grecs vivent aujourd’hui au-dessous du seuil de pauvreté. Là aussi, les faits sont têtus.
Une arme contre les grèves générales ?
La Grèce a connu une cinquantaine de journées de grève générale depuis le début de la crise. Celles-ci seront dorénavant plus dures à lancer. Dans chaque entreprise, la régularité de la grève pourrait être contestée devant les tribunaux. « Si une grève est décidée au niveau local dans une entreprise, un service public ou un secteur, il sera très difficile de l’étendre au niveau national ou à une grève générale », explique Panos Angelopoulos. Les syndicats revendicatifs seront confrontés à de nouvelles difficultés, en plus du découragement des travailleurs grecs assommés par les mesures antisociales depuis sept ans. Ces syndicats pourraient aussi devoir réunir les suffrages des syndiqués des formations syndicales plus tempérées pour que la grève soit légale.
La Grèce a peut-être connu une de ses dernières grèves impliquant plusieurs secteurs en même temps le vendredi 12 janvier. Ce jour-là, les deux grands syndicats du public et du privé soutenaient le mouvement de protestation contre la restriction du droit de grève. Les transports, les hôpitaux et le port du Pirée étaient très touchés par la contestation et 9000 personnes manifestaient dans les rues d’Athènes selon les chiffres de la police. De nouveaux débrayages ont eu lieu lundi, jour du vote au parlement. Les transports de la capitale ont été fortement perturbés entraînant des embouteillages monstres et la manifestation dans le centre-ville s’est heurtée aux forces de l’ordre interdisant l’accès au parlement.
En vain. La majorité Syriza a adopté le texte. La Grèce rejoint ainsi l’Angleterre dans le carré de tête des pays européens s’étant dotés les législations les plus restrictives en matière de droit de grève. Au début des années 80, la Première ministre britannique Margaret Thatcher avait fait enregistrer une loi obligeant les syndicats à organiser à leurs frais un vote à bulletin secret avant de déclencher un arrêt de travail. Là aussi, le seuil de 50 % était requis. Sinon, les débrayages sont considérés comme illégaux et les travailleurs peuvent être licenciés. Depuis, plusieurs milliers de salariés ont perdu leur emploi, notamment chez Total en 2009 (900 grévistes licenciés), lors d’un arrêt de travail déclaré illégal.
Le nombre de grèves a été divisé par dix entre les années 70 et 80. En 2015, David Cameron a encore durci cette législation après des grèves importantes dans le secteur public. Mais promis, juré : les grèves ne sont « ni abolies ni menacées ».
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