C’est à n’en plus finir. Voilà des mois (ou des années ?) qu’ils sont en campagne. Et une question taraude le bas peuple : dans ce barnum, avons-nous notre destin en main ? Bè, non. Tout le contraire.
Ma fille m’a demandé : « Papa, tu vas voter Macron ? » J’ai dit non. Scandalisée, elle a pointé son index droit sur son avant-bras gauche : « Tu crois que tu as une fille blanche, là ? [Elle est métisse] Si tu votes pas pour toi, vote pour moi, au moins. Sinon, la blonde va m’envoyer en Afrique ! » Je l’ai rassurée : « Si je vois qu’il y a le moindre risque, j’y vais. » Le dimanche à 18h, j’étais sur le site de la RTBF, qui donnait Macron largement gagnant. « Tu vois, ce CRON n’a pas eu besoin de ma voix. »
Mon devoir accompli, je suis monté voir OM-Nice dans un bar de La Plaine. En terrasse, je tombe sur une bande de copains et copines qui ont bu toute l’après-midi en angoissant sur les estimations de vote. Il y a là des abstentionnistes pur jus ; des abstentionnistes du 2e tour ; des qui ont voté Mélenchon au 1er tour histoire d’avoir un autre débat d’entre-deux tours que « xénophobie contre mondialisation » ; et même des électeurs de Macron pour faire barrage… Tout ce petit monde s’est entre-déchiré depuis quinze jours, d’accusations mutuelles en anathèmes : « Mouton ! » – « Irresponsable ! » – « Antifasciste d’isoloir ! » – « Vote blanc de petit Blanc ! », etc. Mais à cette heure-là, ce ne sont plus que rictus et mots tordus : comment se réjouir de la défaite de l’une sans avoir l’air de célébrer la victoire de l’autre ? Trop compliqué pour moi. Je me cale au comptoir, où l’ambiance est plus franche.
Le match commence. Soudain, on entend un cri sur le pas de la porte : « À bas le foot, vive la révolution ! » Ce qui ajoute un clivage de plus à la confusion ambiante. On nous fait la morale. Mais il est où, l’opium du peuple ? Chez ceux et celles qui commentent joyeusement les passements de jambes de Dimitri Payet ? Ou chez ceux et celles dont l’esprit s’est laissé plomber par la contrition démocratique ?
Voilà qui manquait de bienveillance, en tout cas. Qu’importe les options individuelles face à un processus électoral vicié : ce ne sont que dribbles, choix tactiques et illusions perdues dans un océan de solitudes. L’important, ce soir-là, c’était de gagner le match et de rester cool avec le voisin. Puisque, inévitablement, on sera amené à se retrouver dans les rues très bientôt. Là où ça se joue vraiment.
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