18 juillet 2016 par AL Bruxelles
Tout d’abord, il faut comprendre que nous considérons que plus aucune amélioration importante de notre existence ne peut être espérée dans le cadre capitaliste et son régime politique, la démocratie parlementaire. L’Europe connaît quasiment sans discontinuité depuis 40 ans une crise économique et sociale. Cette crise structurelle ne pourra jamais être résolue par un volontarisme politique qui accepterait les cadres de ce système : État, économie marchande et propriété privée.
Selon nous, cette impossibilité explique les échecs de Syriza, les renoncements de Podemos et de toutes les initiatives qui veulent explicitement ou non se poser comme nouvelle « gauche radicale ». La plupart de ces initiatives partent du principe que la crise du capitalisme provient de la mauvaise répartition des richesses et qu’en rééquilibrant la balance on pourrait à la fois relancer l’économie et permettre aux gens de vivre mieux. Nous nous opposons à cette croyance de possibilité de gestion alternative de la crise. C’est une erreur fondamentale de croire que la part de la richesse engloutie par le capital n’est pas nécessaire à sa propre survie. La question d’une solution par une meilleure répartition des fruits de l’économie ne nous paraît donc pas possible.
Nous sommes la crise
Il faut comprendre les différentes réformes qui touchent actuellement l’Europe (on pense précisément ici, à la Belgique et à la France, mais ces réformes ont déjà eu lieu en Allemagne, Espagne ou Grèce) comme une nécessité pour le capitalisme de renouveler les sources de profit afin d’assurer sa survie.
Les classes dominantes semblent privilégier quatre voies :
1) Tout d’abord en intensifiant le travail, c’est-à-dire en essayant de détruire la rigidité organisationnelle qui l’empêche d’allouer la force de travail efficacement en interne des entreprises. C’est ce qu’on a coutume à appeler dans le langage managérial la flexibilisation du travail. En Belgique c’est clairement le sens de l’annualisation du temps de travail qui permettra au patronat de mieux employer la force qu’il paye.
2) Dans une moindre mesure, les capitalistes tentent de s’attaquer à la rémunération des travailleurs pour augmenter la part revenant au capital. Cependant ces attaques ne sont pas la composante principale de l’offensive actuelle et se font plutôt de manière indirecte : Les gestionnaires politiques préfèrent s’attaquer aux sursalaires (travail du dimanche, heures supplémentaires), au salaire collectif (salaire brut) ou aux rémunérations hors emploi (chômages, allocations CPAS, congés maladies) que le salaire direct des travailleur.euse.s. La raison d’une telle stratégie est double, d’une part, ne pas créer une crise (supplémentaire) de « sous-consommation » en attaquant le « pouvoir d’achat ». D’autre part, les politiciens savent qu’une diminution trop brutale du salaire poche serait trop visible et risquerait de provoquer un embrasement social.
3) Ce dernier élément d’attaque sur le salaire socialisé ou salaire indirecte se double d’un redéploiement de l’État capitaliste. Ce redéploiement se caractérise par une privatisation de certaines prérogatives de l’Etat. Les fonds ainsi dégagés par les privatisations sont réorientés vers le financement plus ou moins direct des profits capitalistes (aides aux entreprises, réductions fiscales, etc.). Les secteurs privatisés par l’État peuvent être absorbés par la sphère de l’économie privée, ce qui crée de nouvelles sources de valorisation pour le capital. Dans d’autres cas, le redéploiement se caractérise plutôt par une réorientation des prérogatives sociales de l’Etat transformées en outils répressifs chargés d’imposer la nouvelle discipline économique aux classes populaires (restriction de la protection sociale, contrôle et sanction des chômeurs, etc.) et les contraindre à l’emploi précaire. L’état social est devenu état punitif.
4) Cette transformation de l’économie capitaliste permet également le glissement d’une norme de l’emploi hérité de la période fordiste (CDI, plein temps) vers une nouvelle forme plus adaptée au capitalisme tardif (CDD ou Interim, temps partiel, etc.). Ces emplois précaires et flexibles sont bien évidemment beaucoup plus profitables aux patrons, ce qui permet souvent de dégager des profits rapides. L’existence de travailleurs-euses précaires permet en plus de faire pression vers le bas pour les emplois plus stables.
En ce sens, le refus de s’adapter à ces réformes qui visent à renouveler les sources du profit du capital tend à faire advenir la crise du système capitaliste. Cette crise est une brèche au cœur même de la forteresse du capital. Nous voulons l’approfondir et l’élargir, nous le clamons sans honte nous sommes la crise et la crise est notre politique. Nous voulons basculer d’une crise de fait à une crise volontaire.
Notre programme, bloquer le plan du capital
Notre unique programme est d’accentuer la crise du système en bloquant le plan néolibéral de transformation du capital par tous les moyens nécessaires, en bloquant toutes ses réformes et en approfondissant ses contradictions. En résumé si le capital veut flexibiliser le travail, une stratégie révolutionnaire est de rigidifier le plus possible celui-ci. Non pas que nous croyons que le CDI -comme norme d’emploi – ou plus de lois protégeant les salariés-es constituent une alternative anticapitaliste ou une voie vers le communisme libertaire. Mais parce que nous considérons avant toute chose, que ces luttes sont outil qui permet d’aggraver la crise du capital en mettant en échec les « réformes de travail » qui le revitalisent.
En augmentant les contradictions du capital, nous nous donnons le temps aussi de recomposer nos forces. La mutation permanente du capital ces 40 dernières années rend très difficile l’émergence d’un processus d’opposition conséquent. Une forme de valorisation à peine apparue, celle-ci fait place presque immédiatement à une autre, avant même qu’une analyse ou qu’une résistance puisse émerger. Face à ce constat, ralentir le rythme de réformes, nous laissera le temps de recomposer nos forces.
Le Peuple n’obtient que ce qu’il prend
Face à la misère et la pauvreté qui touchent toujours plus notre classe. Face à l’injustice de ce système qui fait de nous des précaires, nous ne pouvons fermer les yeux.
Nous n’attendons pas que les puissants daignèrent tourner leurs yeux vers nous ou tendre une oreille pour écouter nos peines. Nous ne revendiquons rien, nous prendrons ce qui nous revient. Non pour survivre mais pour vivre. D’une manière ou d’une autre, il s’agit de substituer une partie du monde au système marchand. Nourriture, vêtements, logements, savoirs, loisirs, transports, santé, etc., tout ce que la bourgeoisie nous refuse ou lui permet d’affirmer ses privilèges, nous le prendrons gratuitement, librement et le rendrons accessible à toutes et tous.
Nous sommes partisan-e-s de tout arracher à la bourgeoisie mais en attendant nous profiterons de chaque occasion pour diminuer les privilèges capitalistes.
Il faut, de là où nous sommes, participer à l’auto-organisation des exploité.e.s. Assemblées de travailleurs-euses ou de chomeurs-euses, de quartier, collectifs, syndicats, etc. Pourvu qu’ils concourent à l’autogestion et l’autonomie des luttes. Pourvus que les exploité.e.s puissent se fédérer et décider ensemble des conditions de lutte et des moyens d’action.
Contre la précarité du capitalisme néolibéral, nous n’attendons rien des patrons, des politiciens ou de quelques puissants, nous ne comptons que sur notre propre force pour réaliser notre émancipation.
Alternative Libertaire Bruxelles
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