Publié le 4 juillet 2016 |
Tours |
En décembre 2015, une intervention particulièrement violente de policiers dans le quartier du Beffroi était filmée par une habitante depuis une fenêtre. Intimidée par une convocation au commissariat, cette habitante avait préféré retirer la vidéo de Facebook, mais elle vient d’écoper d’un rappel à la loi. Communiqué du collectif D’ailleurs Nous Sommes d’Ici 37.
Fin décembre 2015, une jeune femme était auditionnée par le commissariat central de Tours pour la mise en ligne d’une vidéo témoignant partiellement d’une intervention policière violente survenue le 6 du même mois dans le quartier de l’Europe. [1]
Par la suite, le Directeur Départemental de la Sécurité Publique niait catégoriquement qu’une telle procédure ait eu lieu, déclarant le 28 mars sur les ondes de France Bleu Touraine : « On ne connaît pas cette femme, nous ne l’avons jamais convoquée et nous n’avons rien à reprocher à sa vidéo. » [2]
On se demande alors comment la jeune femme a pu se voir infliger un rappel à la loi le 12 avril dernier pour « faits d’injures publiques à l’encontre d’une personne dépositaire de l’autorité publique ». Ceci sans le respect du principe fondamental du contradictoire, alors que son avocate sollicitait un report en raison de son indisponibilité le jour-dit.
Un procès sans avocat, c’est tellement mieux ! Dans un huis-clos anxiogène, face à un représentant du Parquet rodé, outillé, tout puissant, une personne qui n’a rien à se reprocher finit par admettre une infraction dont l’élément matériel ne lui a pas même été indiqué dans l’acte de poursuite. Pas plus d’ailleurs que son élément légal. En violation de l’article 53 de la loi du 29 juillet 1881 qui stipule : « La citation précisera et qualifiera le fait incriminé, elle indiquera le texte de loi applicable à la poursuite… à peine de nullité ». La seule indication d’« injures publiques » dans la convocation, rend compte du degré profond de non-respect des règles protectrices de procédure pénale.
Il n’est pas anodin que le Délégué du Procureur signataire de cette convocation ait été Officier de Police Judiciaire dans notre ville, depuis le début des années 70 jusqu’à la fin des années 2000. Il ne s’agit pas de critiquer l’homme, mais bien de souligner une fois encore ce que nous dénonçons dans l’état d’urgence permanent, [3] à savoir le caractère exorbitant des pouvoirs du Parquet et l’institutionnalisation du contrôle de la police… par la police. Une absence de séparation des pouvoirs préjudiciable à tous, poison mortel de la démocratie.
Rappelons également qu’en matière pénale, l’accusation et la défense sont sur un pied d’inégalité flagrante. Le Parquet possède le dossier, et même, il le construit de manière non contradictoire (à l’exception des dossiers d’instruction qui ne représentent actuellement que 4% des affaires). Lorsque la Défense peut enfin en avoir connaissance, c’est souvent peu de temps avant l’audience, surtout dans les affaires considérées comme étant les plus simples.
Mesure alternative aux poursuites… ou pas, la mise en œuvre d’un rappel à la loi vient bel et bien sanctionner pénalement une infraction réputée dès lors constituée. Pour la personne à qui les faits délictueux sont imputés, le droit à une défense implique un droit d’accès préalable à son dossier pénal qui n’a pu ici être exercé.
L’accusation a joué la montre : vidéo-témoignage le 6 décembre 2015, convocation pour rappel à la loi le 22 mars 2016 et audience le 12 avril. Pas de confrontation, pourtant facile à organiser, avec le policier plaignant, dont l’identité n’apparaît d’ailleurs jamais : nous ne saurons pas si celui qui s’est estimé injurié est le même qui avait été filmé en train de frapper une personne au sol, ou bien un autre !
Les lenteurs de la justice ? Manifestement, pas pour tout le monde.
P.-S.
« Filmer la police c’est se protéger, protéger les autres et se défendre », comme le rappelle ce « petit guide juridique » du site Paris-Luttes.Info, références légales à l’appui : https://paris-luttes.info/filme-un-flic-sauve-une-vie-petit-5966
Notes
[1] Voir le communiqué de soutien de DNSI dénonçant ces faits : https://dnsi37.thefreecat.org/2016/03/convocations-apres-publication-dune-video-relative-a-une-intervention-policiere/
[2] Voir citation et extrait sonore sur le site de France Bleu Touraine : https://www.francebleu.fr/infos/faits-divers-justice/un-collectif-tourangeau-denonce-des-abus-policiers-sous-l-etat-d-urgence-1459148929
[3] Voir le communiqué du Collectif 37 Nous Ne Cèderons Pas contre l’état d’urgence, sur le site de La Rotative : https://larotative.info/abus-policiers-a-tours-sous-l-etat-1473.html
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