Posté par 2ccr le 12 mars 2016
Quand les besoins des milieux populaires, les exigences de santé, de lutte contre la pollution et le réchauffement climatique, se rencontrent naturellement, autour d’une revendication simple…
Nul besoin de développer longuement la nécessité de diminuer la circulation automobile, responsable de plus d’un quart des gaz à effet de serre. Mais il est par exemple utile de rappeler que les particules fines (PM10 et PM 2,5) ont des effets sanitaires majeurs. Les plus fines (PM 2,5), regroupant les composés les plus toxiques et pénétrant plus profondément les voies respiratoires, seraient à elles seules pour l’Europe1 responsables d’une perte d’espérance de vie de 9 mois pour tous les habitants et de 386 000 décès prématurés. Une étude d’Air Parif2 de septembre 2011 indique que « Le trafic routier et en particulier l’échappement est la source majeure de PM 2,5. Il représente environ 50 % des concentrations mesurées. (…) Les véhicules diesel sont les principaux émetteurs de PM 2,5. » Ces données montrent l’importance d’une réduction radicale de la circulation automobile pour la santé.
Pour aller au travail, suivre des études, se distraire, tout simplement vivre, il faut pouvoir se déplacer facilement dans des villes et des agglomérations de plus en plus étendues. Pour se passer de la voiture, il faut que les transports en commun assurent un service au moins équivalent et soient attractifs. La gratuité est une de ces conditions d’attractivité qui peut permettre la quasi-suppression de la circulation automobile en ville. Les mesures ponctuelles, comme la gratuité lors des pics de pollution, ne peuvent changer l’organisation des déplacements réguliers de chacun, et ne changent rien aux effets quotidiens de la pollution atmosphérique.
Cette préoccupation essentielle rejoint celle des milieux populaires pour lesquels le prix des transports en commun est très lourd. Non seulement ces milieux sont souvent relégués dans de lointaines banlieues (dans lesquelles la pollution est pour diverses raisons plus importante que la moyenne), mais ils n’ont pas la possibilité de se déplacer librement. Car lorsqu’on paie, ce n’est pas la liberté. Et toutes les mesures sociales (gratuité pour les chômeurs, tarifs préférentiels pour les jeunes, etc.) ne sont pas des mesures pour donner une liberté, ce sont des mesures d’assistance, attribuées à celles et ceux qui peuvent prouver leur statut particulier. La gratuité doit être une gratuité d’émancipation, qui libère toute la circulation dans les villes.
Deux milliards d’euros…
Les opposants à la gratuité avancent deux arguments. Le premier est que tout a un coût, et donc que tout se paie. Mais les trottoirs, les jardins publics, l’école, ont eux aussi un coût… mais sont gratuits car la société a fait le choix à un moment précis de dire que ces services devaient être librement accessibles à toutes et tous. Faisons-le pour les transports, ce qui changerait la vie, comme le montrent les bilans des villes dans lesquelles elle est en place.
Le second est que cela coûterait trop cher. La Cour des comptes, pourtant très hostile à la gratuité, nous donne dans son rapport de 2015 des arguments. En 2012, les 9 milliards d’euros de dépenses pour les transports en commun étaient financés à 46 % par la taxe versement transport versée par les entreprises de plus de 11 salariés (9 jusqu’en décembre 2015, encore un frein du gouvernement aux transports en commun), à 35 % par les impôts locaux, et seulement à 17 % par les « recettes tarifaires ». C’est-à dire que la gratuité des transports en commun pour 27 millions d’utilisateurs coûterait aux environs de 2 milliards par an, sans compter les économies, par exemple en frais de santé.
Dans de nombreuses villes, existent des collectifs, groupes de militants qui agissent pour la gratuité des transports en commun, à l’initiative du collectif grenoblois, ils préparent une réunion nationale en mai 2016. Donnons-nous les moyens qu’elle permette une amplification des luttes pour la gratuité et les services publics. Car rien n’est plus alternatif au marché que la gratuité puisqu’elle instaure le fait que chacun vive non plus selon « ses moyens financiers », mais « selon ses besoins »…
Par la gratuité, inventons de nouveaux rapports sociaux, en rognant l’espace et la puissance du règne de l’argent, et du libéralisme.
Patrick Le Moal
« L’avenir appartient à ceux qui ont des ouvriers qui se lèvent tôt »… Dicton Gattazien
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