de : COQS
mardi 8 mars 2016
La capacité du capitalisme à digérer à son profit toutes les formes d’organisation sociale, notamment l’organisation du travail, est certainement une des raisons de son succès. Elle n’a évidemment pas épargné les modes alternatifs de production ou de consommation qui ont pu être créé dans le but précis de se libérer de l’emprise capitaliste. Cela concerne les coopératives et les mutuelles, et plus récemment les amaps ou les communs. Qu’il s’agisse d’idées intéressantes et efficaces ne les a jamais empêché, au contraire, d’être intégrées au système, voire de l’être immédiatement dès qu’elles ont fait la preuve de leur efficacité. En d’autres termes, voir dans ces alternatives un vecteur de révolution, et même un frein à l’aliénation, est illusoire.
Pour autant, ces modes alternatifs conservent un intérêt majeur, c’est celui de nous montrer en pratique la possibilité de modes de production ou de consommation qui ne sont pas directement conçus comme des sous-produits de la division capitaliste du travail. Et s’il est évidemment ridicule de penser s’échapper du capitalisme grâce aux mutuelles ou aux amaps, celles-ci n’en restent pas moins des objets à regarder de près en tant que modes de fonctionnements possibles une fois que le salariat sera aboli (et non en tant que vecteurs de l’abolition du capitalisme). Il n’y a donc rien de scandaleux à les prendre en exemple expliquer dans notre propagande que l’abolition du salariat n’est pas seulement souhaitable, mais qu’on dispose dès aujourd’hui de modes de fonctionnement possibles et compréhensibles hors du cadre du salariat.
Car il est important de rappeler que notre but est bien l’abolition du salariat, et que c’est dans cette optique que doivent être resitués aussi bien les outils qui nous permettent d’imaginer comment en pratique fonctionnerait une autre société, que ceux que nous utilisons pour lutter aujourd’hui contre l’aliénation et l’oppression capitalistes. Pour prendre un exemple d’une actualité brûlante, cette perspective ne doit pas être absente de notre analyse ni de notre participation à la lutte qui s’ébauche contre la loi dite El Khomri. L’aspect le plus médiatisé de cette loi est sa mise en cause du Code du Travail. Or l’objet de ce code est de définir la longueur des chaînes qui lient les salariés à leur patron, chaînes que notre plus vif désir est de rompre. Fondamentalement, notre but est bien de brûler cette saloperie du code du travail, et non de le défendre.
Non ?
En fait, le mouvement syndical se trouve dans une situation symétrique de celle des « alternatives en action », avec le point commun de ne pas pouvoir se passer de perspectives révolutionnaires qu’il ne véhicule pas intrinsèquement. De fait, un des problèmes majeurs du mouvement syndical, si ce n’est son problème majeur de notre point de vue, est d’être englué depuis 35 ans dans ce qu’on appelle la défense des acquis ou de l’emploi. Depuis les années 80, on aurait du mal à citer une manif syndicale d’envergure qui ait eu un autre objet. Ce n’est pas un reproche, c’est la constatation triste du militant syndicaliste qui écrit ces lignes. Pire, le mouvement syndical est de plus en plus confronté à des concurrences corporatistes foncièrement réactionnaires face auxquelles il a du mal à se positionner. Il n’est pas exagéré de dire que l’action syndicale, au-delà des slogans, n’a aujourd’hui plus d’autre perspective que d’organiser l’esclavage salarié sur les bases les moins scandaleuses possibles. Elle est donc dans une situation assez comparable à ces pratiques en principe alternatives au système, mais que le système retourne à son profit.
Situation comparable, et diagnostic comparable également, à savoir pas plus que ces pratiques alternatives, le syndicalisme n’est à jeter aux orties faute de porter en lui des perspectives révolutionnaires. Les luttes syndicales restent et demeurent un des rares moyens de résister au rouleau compresseur, et ce n’est pas rien ; les alternatives constituent des échappatoires limitées, mais parfois réelles, au même rouleau compresseur, et ce n’est pas rien non plus. Elles ont, par rapport au syndicalisme l’inconvénient de contourner un problème que nous devrions affronter, et l’avantage d’esquisser des perspectives que le syndicalisme est aujourd’hui totalement incapable de formuler.
Il s’agit en fait de deux types outils dont nous devons reconnaître l’intérêt et les limites, mais qui en eux-mêmes ne nous dispenseront pas d’avoir une véritable réflexion sur la société que nous voulons, et sur le chemin, qui reste à inventer pour y arriver : la révolution sociale et libertaire, en quelque sorte.
COQS
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