Communiqué de presse du Syndicat de la magistrature
Communiqués de presse, publié le 4 décembre 2015
Dimanche 29 novembre, nombreux sont ceux qui ont refusé le silence imposé par l’état d’urgence et l’interdiction quasi générale de manifester, estimant que les enjeux politiques, écologiques et sociaux méritent mieux qu’un débat d’officiels sous haute protection. Ils ont subi une répression policière immédiate : encerclement, gazage et garde à vues décidées sur la seule infraction à l’interdiction de manifester, pour la quasi totalité d’entre eux.
Consternation, mais pas surprise : de longue date, les outils destinés à étouffer le débat démocratique ont été progressivement installés.
Installés dans les esprits, d’abord, lorsqu’un rapport d’enquête parlementaire sur le maintien de l’ordre préconisait, le 21 mai 2015, l’introduction d’une interdiction administrative individuelle de manifester. Installés dans le droit, ensuite, lorsque la loi renseignement du 24 juillet 2015 entérinait une logique de surveillance des militants, au prétexte de la promotion des intérêts économiques de la France et de la prévention des violences collectives. Installés dans la pratique, enfin, en interdisant, autour de la COP 21, l’entrée en France à plus de 1000 personnes, parmi lesquelles des citoyens européens, en application de la loi du 13 novembre 2014.
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L’état d’urgence, décrété après les attentats meurtriers du 13 novembre 2015 et prorogé le 20 novembre, a encore accru la confusion et installé un nouveau rétrécissement de l’espace démocratique. La chaîne administrative, du ministère de l’intérieur aux préfets, confisque les libertés bien au delà de la lutte contre le terrorisme. Les perquisitions administratives tout comme les assignations à résidence estampillées COP 21 visent aussi les militants.
L’interdiction absolue de manifester vient parachever l’entreprise de confiscation du débat. Elle prend le prétexte commode de ne pas faire peser une charge supplémentaire sur les forces de l’ordre mais exclut les événements sportifs et commerciaux, marchés de Noël en tête.
Les manifestants pacifiques de la place de la République en ont fait les frais. Ils ont d’abord essuyé l’injonction paradoxale des forces de l’ordre qui ont ordonné la dispersion tout en bloquant l’ensemble des issues. Puis sont venues les interpellations en masse, après que le ministre de l’intérieur, endossant le costume de Procureur de la République, a annoncé fermeté et tolérance zéro. Trois cent dix sept personnes ont ainsi fait l’objet de notifications de garde à vue standardisées, d’un fichage systématique et d’une dispersion dans les commissariats de la région parisienne : un traitement industrialisé qui relève de la démonstration de force.
L’absurdité de l’opération n’a pourtant échappé à personne et la très grande majorité des gardes à vue a heureusement été levée, sans suite judiciaire à ce jour. Mais les arrestations de masse ne sont pas indolores. En faisant entrer des centaines de militants dans les fichiers de police, notamment des empreintes digitales, elle les pré-constitue comme suspects pour les 15 ans à venir, en violation des principes de nécessité, proportionnalité, non excessivité et non stigmatisation, rappelés par la Cour européenne des droits de l’Homme, qui a condamné la France sur ces motifs, en 2013 et en 2014, pour des fichages indus.
Les autorités doivent renoncer à interdire les manifestations et méditer sur les buts qu’une démocratie assigne au maintien de l’ordre : permettre aux citoyens l’exercice de la liberté d’expression et de manifestation ..2
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