20 novembre 2015
« 130 morts ! 350 blessés ! », « Du jamais vu en France ! ».
Ce 14 novembre, alors que j’émerge à peine d’une bonne nuit de sommeil, ces titres, repris en cœur par tous les médias, m’assomment et m’enserrent tout à la fois comme une camisole. Ils me sont envoyés par les journalistes sur ce même ton qu’ils emploient pour annoncer le nouveau record de tel athlète. Ils sont dans le sensationnel et ils s’y vautrent. Des mots définitifs sont lancés « C’est la guerre ! ».
En les entendant, je ne peux m’empêcher de penser à ces gens qui ont subi, qui subissent encore la guerre, avec ses bombes, ses immeubles qui s’effondrent, ses privations, ses arrestations arbitraires, ses exécutions sommaires et ses rafles incessantes qui mettent la peur au ventre et vous font vous enterrer dans la plus profonde des caves, pour fuir ses explosions qui vous pénètrent les entrailles et font trembler tout votre corps. Or, malgré l’horreur de ces attentats, il est évident que non, ce n’est pas la guerre !… et je ne peux m’empêcher de soupçonner ceux qui utilisent ces mots terribles d’y trouver un certain plaisir, comme si leur vie en devenait soudain moins banale, qu’enfin ils vivaient un moment épique, historique et que c’était grâce à eux que nous le vivions aussi, un peu… par procuration.
Insidieusement, ils distillent un sentiment de malaise, de peur, cette peur qui, malgré les déclarations sur le mode « même pas peur », s’installe dans l’esprit des gens et les prépare à accepter l’entrée en scène de l’État tout puissant. Tout ça dans une atmosphère qui pue le nationalisme et ses accents guerriers. Hollande et son gouvernement bombent le torse. Sous prétexte d’assurer notre sécurité, ils vont restreindre nos libertés en instaurant le régime policier qu’entraîne inévitablement l’état d’urgence, avec la bénédiction quasi unanime des parlementaires, du Front de Gauche au Front National, en passant par EELV.
C’est d’ailleurs sous ce même prétexte que, depuis des années, l’État nous impose des plans vigipirate et vote ou tente de voter des lois liberticides, dont la dernière en date sur le renseignement. Leur efficacité s’est surtout manifestée par une diminution des libertés car, pour ce qui est de notre sécurité, c’est une autre histoire…
Oui, ça a à voir avec l’Islam
Vous l’avez entendu, ou lu, comme moi: l’Islam, c’est la paix. D’ailleurs, c’est bien connu, toutes les religions prônent la paix, ne vivent que pour l’amitié entre les hommes (heu oui, les hommes, parce que les femmes…).
Historiquement, force est de constater que toutes ces religions d’amour ont la fâcheuse manie d’imposer leur loi par la violence dès qu’elles ont le pouvoir de le faire (inquisition, croisades, colonisation, procès en sorcellerie, guerres, persécution contre les athées, les « hérétiques », les « mécréants » et autres « infidèles », les autres religions, les libres penseurs, les révolutionnaires, et bien sûr les femmes. Alors, quand le très médiatique pape François déclare que « tuer au nom de Dieu est un blasphème1 » et que je songe aux millions de victimes de cette religion dont il est le chef, je me dis que l’hypocrisie a encore de beaux jours devant elle au pays des mystiques. Et l’hindouisme, souvent présenté comme le summum du pacifisme, n’échappe pas à la règle comme en témoigne la violence exercée en Inde par le gouvernement contre tout ceux qui ne respectent pas leur religion (églises brûlées, athées et libres-penseurs assassinés)2.
Force est donc de constater que partout où l’idéologie religieuse progresse, l’intolérance et le totalitarisme s’installent, étouffant les libertés.
Aujourd’hui, c’est l’Islam qui est la religion sur le devant de la scène, grâce à un de ses meilleurs représentants de commerce : Daesh. Car, quoi qu’on puisse en dire, cette organisation, qui sème la terreur partout où elle le peut, le fait au nom d’Allah et des principes de la religion musulmane… et pas au nom de l’écologie, de la lutte des classes ou de la recette de la barbe à papa.
Le principe de base de toute religion est qu’elle détient LA vérité. Cette vérité, ce dogme, n’est pas négociable, pas critiquable, car alors s’installerait le doute… et tout l’édifice s’écroulerait. C’est d’ailleurs à partir du moment où la religion chrétienne n’a plus pu étouffer la contestation anti-cléricale qu’elle a commencé à dépérir en Europe.
On peut toujours prétendre que la religion n’a rien à voir avec les attentats, il n’empêche que le but déclaré par ces milices mystiques est bien d’imposer la loi islamique. Et c’est d’ailleurs ce qu’ils font dans les régions qu’ils contrôlent. En janvier dernier, quelques beaux esprits tiers-mondistes avait affirmé que l’attentat contre Charlie-Hebdo était prévisible puisqu’il avait publié des caricatures (dessins) de Mahomet, sous-entendant que les dessinateurs assassinés l’avaient un peu cherché… faisant quasiment passer les bourreaux pour des victimes. Bon, l’attentat contre l’épicerie juive et les massacres perpétrés par Daesh sur d’autres musulmans les obligeaient à quelques acrobaties dialectiques périlleuses, mais ils n’en démordaient pas. Après les attentats du 13 novembre, ils se font plus discrets ou passent vite à un autre sujet, un peu penauds.
Plus islamiste que Daesh, tu meurs !
Non seulement ils veulent recréer le califat qui est la première forme politique de l’Islam, mais ils ne font qu’appliquer les préceptes (sourates3 ou hadiths4) de l’Islam à ses origines, c’est-à-dire il y a 14 siècles dans une période chaotique. Voici quelques perles de ces préceptes : « Faites la guerre à ceux qui ne croient point en Dieu ni au jour dernier, qui ne regardent point comme défendu ce que Dieu et son apôtre ont défendu, et à ceux d’entre les hommes qui ne professent pas la vraie religion » (IX,29), « Quand vous rencontrerez les infidèles, tuez-les jusqu’à en faire un grand carnage, et serrez les entraves des captifs que vous aurez faits » (XLVII, 4). Il n’y a pas lieu de s’étonner du sort réservé aux femmes au sein des territoires contrôlés par Daesh (le califat), en lisant des sourates comme « Les hommes sont supérieurs aux femmes à cause des qualités par lesquelles Dieu a élevé ceux-là au dessus de celles-ci, et parce que les hommes emploient leurs biens pour doter les femmes. Les femmes vertueuses sont obéissantes et soumises »(IV, 38) ou « Vous [les hommes] réprimanderez celles dont vous avez à craindre l’inobéissance; vous les relèguerez dans des lits à part, vous les battrez; mais aussitôt qu’elles vous obéissent, ne leur cherchez point querelle. Dieu est élevé et grand. »(IV, 38). On trouve aussi, dans les hadiths, des déclarations comme « Celui qui quitte la religion de l’islam, tuez-le. » (récit d’Ikrima, Bukhari LXXXIV 57) ou « Le messager d’Allah a dit : – J’ai été désigné pour combattre contre les hommes aussi longtemps qu’ils ne disent pas : il n’y a de dieu qu’Allah. » (récit d’Abu Huraira, Muslim I 29). Etc, etc. Fort heureusement, tous les musulmans n’adhèrent pas à ces préceptes, mais il est faux d’affirmer qu’il n’y a aucun lien entre Daesh et l’Islam et que Mahomet prônait la paix.
Pour les racistes comme pour les gauchistes, musulman=arabe
L’extrême droite se délecte de cette situation et essaye, avec plus ou moins de réussite, de distiller son idéologie xénophobe en tentant de faire croire que tous les arabes sont des musulmans, que tous les musulmans soutiennent Daesh et qu’en conséquence, tous les arabes sont des terroristes potentiels. Ce faisant, ils sont dans la même logique d’affrontement que Daesh.
Certains antiracistes tombent dans ce piège tendu par l’extrême droite. Ils s’interdisent de critiquer la religion musulmane5 et les dictatures religieuses se réclamant de l’Islam par crainte de passer pour des racistes. Confondant tout, leur discours assimile tous les arabes à la religion musulmane6. En pratiquant eux aussi l’amalgame musulman=arabe, non seulement ils font preuve d’ignorance, mais ils se placent sur le terrain de l’extrême droite, lui ouvrant ainsi un boulevard. Cette situation est d’ailleurs dénoncée par les arabes athées. Dans les pays où s’exerce au quotidien l’omniprésence de l’Islam, nombreux sont ceux qui ne se posent plus de questions sur l’aspect religieux de Daesh (voir l’éditorial du journal marocain Telquel au titre non équivoque « Oui, ça a à voir avec l’Islam »)
Ceux qui ont commis les massacres de janvier et de novembre ne sont ni des barbares ni des fous ni des incultes. Ce sont des mystiques qui vont jusqu’au bout de la logique religieuse et c’est sur ce terrain de la religion qu’il faut les combattre, aux côtés de tous ceux (et surtout celles) qui subissent la terreur qu’ils imposent dans les pays où ils sont dominants. Si nous avons réussi à nous libérer du joug chrétien, ce n’est pas pour en accepter un autre. Les musulmans, quant à eux, feraient bien de s’interroger sur les racines de ce qu’il est convenu d’appeler l’Islam radical, d’apprendre à ne plus considérer les non-musulmans comme des mécréants ou des infidèles, d’admettre que la religion est du domaine privé et que les femmes sont les égales des hommes.
Notes:
1) Place St Pierre, Rome, le 15 novembre 2015
2) L’inde est gouvernée par le BJP (Parti du peuple) d’où est issu le premier ministre Narendra Modi
3) Sourate = verset
4) Les hadiths sont des propos prêtés à Mahomet et rapportés par ses compagnons
5) Le 10 octobre 2015, à Brest, des antifascistes se sont opposés aux racistes d’extrême droite (qui entendait manifester contre l’imam Rachid Abou Houdeyfa). Au lieu de renvoyer dos à dos les deux totalitarismes que représentent l’extrême droite et l’Islam, ils ont choisi de n’en dénoncer qu’un. Citons quelques phrases de cet imam défendu par ces antifascistes: « Ceux qui chantent, le prophète a dit qu’ils seront engloutis sous la terre. Ils seront transformés en singes ou en porcs. », à propos de la masturbation:« Pour le Coran […] utiliser ses parties génitales, non pas avec son épouse ou ses esclaves, c’est un péché » et au salon musulman du Val d’Oise, pour inciter les musulmanes à porter le voile : « Si la femme sort sans honneur, qu’elle ne s’étonne pas que les hommes abusent de cette femme-là. ». Le plus triste, c’est que, parmi ces antifascistes, il y avait des anarchistes et des féministes.
6) En dehors des athées, les Coptes, les Maronites et les Animistes, par exemple, sont Arabes non musulmans. Les musulmans arabes forment une minorité chez les musulmans.
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