par Emmanuel Blanchard
13 novembre 2015
En juin dernier, pour la première fois un tribunal avait condamné l’État français pour des contrôles de police réalisés « en tenant compte de l’apparence physique et de l’appartenance, vraie ou supposée, à une ethnie ou une race ». En se pourvoyant en Cassation, après avoir refusé toute réforme en la matière, le gouvernement a donné un véritable blanc-seing aux forces de l’ordre : le contrôle au faciès, illégalisme routinier des forces de l’ordre, restera couvert par les autorités. Dix ans après les émeutes de 2005 est donc donné le signal que la reconnaissance politique demeure à conquérir par des mobilisation contre toutes les « cérémonies de dégradation » infligées par la police et autres appareils d’État.
« La police ne me voit pas, je la vois à peine (…) La petite carte où est écrit mon nom, je ne la porte pas sur moi, comme beaucoup d’habitants du centre. Je suis tellement sûr de mon nom que je n’ai pas besoin d’un pense-bête qui me le rappellerait (…) Personne ne m’a jamais demandé dans la rue de produire ma carte, la petite carte couleur France où est porté mon nom, mon image, mon adresse et la signature du préfet. À quoi servirait-il que je l’aie ? Je sais tout cela. »
Alexis Jenni, L’art français de la guerre, Gallimard, 2011, p. 185-189
Manifestants algériens, rue du Faubourg-Saint-Antoine, 1er mai 1952 (AFP).
Dès le début des années 1950, le MRAP, appuyé par la presse communiste et en particulier L’Humanité, menait campagne contre les « arrestations au faciès » dont étaient victimes les « Nord-Africains ». La « discrimination raciale » et le « racisme légal ou administratif » étaient dénoncés tandis qu’étaient revendiquées avec vigueur « l’égalité des droits » et les « garanties constitutionnelles ». Au même moment, les « Français musulmans d’Algérie [1] » les plus politisés défilaient dans les rues de Paris avec des banderoles « À bas le racisme policier » ou « Plus de chasses au faciès » [2]. Quelques années plus tard paraissait la première brochure destinée à armer en droit les soutiens des « travailleurs algériens » victimes de contrôles d’identité répétés ainsi que de conduites au poste souvent longues de plusieurs heures et loin d’être toujours exemptes de violences [3].
Tout au long de ces décennies, la thématique des contrôles au faciès a parfois été éclipsée par d’autres motifs de dénonciation des pratiques des forces de l’ordre en direction des étrangers ou de personnes considérées comme telles. Mais depuis le début des années 1980, et notamment à partir de la Marche pour l’égalité et contre le racisme de 1983, elle apparaît comme le principal fil rouge qui relie plusieurs générations de jeunes Français·e·s stigmatisé·e·s en raison de la racialisation des représentations et ainsi renvoyé·e·s à une identité supposée incertaine.
Par delà les différences de vécus, de revendications et de répertoires militants, le contentieux avec la police, et en particulier l’habitude des contrôles d’identité, forme une expérience commune potentiellement génératrice de modes de politisation spécifiques de la jeunesse « non blanche ». Cette « éducation civique un peu particulière » conduit ainsi nombre de parents à mettre en garde leurs jeunes adolescents contre leur exposition à ce type d’intrusions policières, ainsi qu’à leur inculquer le nécessaire affichage de leurs soumission en dépit des sentiments d’humiliation et d’injustice qui les étreint [4].
Inertie étatique
Quand elles ne font pas appel des rarissimes décisions de justice condamnant les contrôles au faciès, les plus hautes autorités s’attellent à minorer l’ampleur du phénomène. En la matière, la continuité de l’État est exemplaire. La position du gouvernement français exprimée en 2010 dans une réponse à l’ECRI [5] qui, depuis plusieurs années, mettait en cause l’action de la police nationale en matière de « profilage racial » est particulièrement symptomatique de ce déni :
« Les critères retenus par les policiers pour exercer leurs contrôles reposent sur une analyse raisonnée de la délinquance en fonction du lieu où les contrôles sont menés et du comportement le plus souvent observé chez les auteurs des types d’actes de délinquance de proximité les plus constatés localement. Contrairement à ce qui a été indiqué à l’ECRI, il y a lieu de souligner que l’apparence ethnique en tant que telle n’a aucun intérêt dans la lutte contre la délinquance et qu’elle n’intervient pas en conséquence dans la décision de contrôler telle ou telle personne [6] ».
Si les personnes désignées par la couleur de leur peau subissent des contrôles d’identité qui, en certains lieux, peuvent s’apparenter à un véritable harcèlement policier, ce serait tout simplement parce que leurs « comportements » et une « analyse raisonnée » les ciblent comme potentiellement délinquantes.
Ces propos relevaient d’une forme de cohérence politique sous le quinquennat de Nicolas Sarkozy, marqué par une volonté délibérée de transformer les étrangers et les plus fragiles des Français en véritables boucs émissaires. Mais depuis 2012, en dépit des promesses du candidat Hollande (son engagement n° 30/60 portait : « Je lutterai contre le “délit de faciès” dans les contrôles d’identité par une procédure respectueuse des citoyens [et les autres habitant·e·s de ce pays serait-on tenté d’ajouter ?] »), les prises de positions et la pratique n’ont guère évolué. La réforme visant à doter les policiers d’un numéro de matricule visible afin que le « public » puisse éventuellement les rendre « redevables » de leur action compte au nombre de « mesurettes » dénégatrices de l’ampleur d’un phénomène sapant la jeunesse et l’ensemble du corps social.
Des pratiques établies
Ces dernières années, l’accumulation des enquêtes aussi bien militantes que scientifiques a permis d’établir quantitativement l’ampleur des discriminations en matière de contrôle d’identité des piétons. Cette dernière précision est d’importance car, dans la France contemporaine, ce sont bien les automobilistes, en particulier dans les départements ruraux maillés par la gendarmerie, qui ont la probabilité la plus grande de se voir demander leurs papiers.
Les habitants de l’agglomération parisienne ont ainsi une probabilité 2,5 fois moindres d’être contrôlés au cours d’une année que ceux des communes rurales [7]. Mais près d’un tiers des premiers sont contrôlés comme piétons contre environ 15% des personnes s’étant vu demander leurs papiers dans des villes de moins de 100 000 habitants. Si l’on ajoute que ces contrôles des piétons se concentrent sur une population masculine, jeune et appartenant aux « minorités visibles », se dessine bien une expérience différentielle du rapport à la police : « Nous, quand on marche en ville et qu’on voit des flics, on se sent en insécurité. Il y a pourtant des gens qui grâce à la présence policière se sentent en sécurité [8] ».
Les données disponibles permettent de comprendre comment la police française érige une véritable « colour bar » dans son maillage péri-urbain. Que ce soit dans les endroits où ils sont nombreux (à proximité des gares RER, dans des quartiers populaires…) ou relativement rares (à la sortie du Thalys, dans les arrondissements cossus…), les hommes de couleur noire ou d’apparence arabe sont systématiquement surcontrôlés. En fonction de leurs âges et de leurs apparences vestimentaires, ils ont de deux à quinze fois plus de probabilités de se voir demander leurs papiers que d’autres fractions de la population (plus blanches, plus âgées, plus « respectables » dans leur apparence…) [9].
Avant d’aller plus loin, il convient de rappeler que l’immense majorité des personnes ne sont quasiment jamais contrôlées dans la rue, que ce soit au volant d’une voiture, ou à pieds. Ainsi, selon le sondage Opinon Way/Open Society précité, 90% des personnes interrogées en mars 2014 n’avaient pas été contrôlées au cours des 12 mois précédents. Parmi les 10% de personnes ayant eu affaire à ce type d’exigences policières, les hommes français sans ascendance étrangère avaient en moyenne été contrôlés trois fois dans l’année, quasiment exclusivement au volant de leur voiture. Pour les hommes contrôlés ayant des « ascendants originaires d’Afrique du Nord », la moyenne des vérifications d’identité montait à une dizaine, très souvent comme piétons [10]. Que ces résultats soient le fruit d’une observation sociologique, d’enquêtes par questionnaires ou d’une auto-déclaration dans le cadre d’un sondage, ils apparaissent massifs, confirmés par les enquêtes successives et recoupés par les rares données internationales disponibles sur le sujet.
Ainsi, même pour cette population relativement pribilégié·e· que forment les étudiant·e·s de premier cycle universitaire (loin d’être la principale « clientèle policière », bien plus constituée de jeunes moins diplômés), les hommes non-blancs ont une probabilité trois fois plus fortes que les hommes blancs d’être contrôlés systématiquement (auto-déclaration de plus de 30 contrôles). Cela même alors que leurs habitudes (moindre fréquence des sorties nocturnes, de la détention de stupéfiants…) devraient être moins susceptibles de déclencher des contrôles d’identité [11]. Selon l’ECRI, la France compte ainsi au nombre des pays où la question du profilage racial est indéniable. Surtout, elle émerge dans le groupe des États où les contrôles discriminatoires sont les plus nombreux, aux côtés de la Grèce (connue pour son harcèlement des demandeurs d’asile et une large xénophobie policière) et de la Hongrie (où les Roms sont traqués dès qu’ils s’aventurent hors de certains espaces « réservés »).
Dans le cas français, que les « jeunes de banlieue » soient dans la ligne de mire des forces de police n’est pas une surprise, en particulier pour les premiers intéressés : quand ils prennent la parole ou qu’elle leur est donnée [12], ils décrivent avec force détails et amertume la manière dont ils sont contrôlés, fouillés, palpés au pied de leur immeuble par des agents qui, le plus souvent, n’ignorent rien de leur identité. Le contrôle d’identité est ainsi une figure imposée, une épreuve récurrente que doivent surmonter au quotidien des centaines de milliers d’habitants de ce pays pour qui les agents de police apparaissent comme une force intrusive et humiliante, sinon violente.
À quoi servent les contrôles d’identité ?
La France est indéniablement un des pays européens où la souveraineté policière en matière de contrôle d’identité est la plus grande. Les pratiques sont très peu encadrées par le droit (les articles 78-1 à 78-6 du Code de procédure pénale) et les fréquentes réquisitions des procureurs leur laissent une grande marge de manœuvre. Le pouvoir discrétionnaire des forces de l’ordre est tout aussi étendu en matière de palpations : l’entrée en vigueur au 1er janvier d’un code de déontologie de la police nationale et de la gendarmerie nationale, relégué au livre IV de la partie réglementaire du code de la sécurité intérieure, n’est en rien venue limiter les prérogatives policières [13].
Cette véritable exception française ne laisse pas d’interroger les policiers européens, voire étatsuniens, amenés à découvrir les pratiques de leurs homologues français. Ils n’envient pourtant guère ce cadre peu contraignant, tant il leur apparaît que les résultats hexagonaux en matière de relations avec le public ou de taux d’élucidation sont loin d’être modèles. L’immense majorité des contrôles d’identité ne débouchent en effet sur aucune suites policières autres que les éventuels incidents créés par les contrôles eux-mêmes (refus d’obtempérer, outrages et violences à agents…). Les comparaisons disponibles montrent que le taux de détection des infractions n’est pas augmenté par une plus grande fréquence des contrôles d’identité.
Le seul résultat tangible mis en évidence par les enquêtes internationales est la corrélation inverse observée entre la fréquence des contrôles, en particulier ceux pratiqués selon le profil racial, et la confiance de la population envers l’institution policière [14] : cette dernière s’érode au fur et à mesure que les premiers augmentent. Cette corrélation est bien connue des policiers eux-mêmes, à tel point que certains dirigeants du principal syndicat de gardiens de la paix avaient accepté de participer à la campagne coordonnée par Open Society [15]. Il n’en reste pas moins que ni la hiérarchie, ni la base policière ne semblent prêtes à se priver d’un outil qui leur paraît bien souvent un moyen irremplaçable de faire peser leur emprise sur des populations considérées comme suspectes.
Le rappel physique de l’ordre politique
Le qualificatif de suspect ne doit pas être entendu au sens strictement policier du terme : il s’agit ici d’un doute proprement politique sur la légitimité de la présence ou de la condition juridique de certaines personnes. Le romancier Alexis Jenni l’exprime de façon particulièrement claire dans L’art français de la guerre, déjà cité en exergue de cet article :
« L’agent qui contrôle l’identité se moque bien du contenu, de déchiffrer l’écriture, de lire les noms : le contrôle d’identité est un enchaînement de gestes, toujours les mêmes (…) Il suit une logique circulaire : on vérifie l’identité de ceux dont on vérifie l’identité, et la vérification confirme que ceux-là dont on vérifie l’identité font bien partie de ceux dont on la vérifie. Le contrôle est un geste, une main sur l’épaule, le rappel physique de l’ordre ».
Il ne faudrait cependant pas croire que cette logique circulaire tournerait à vide et n’aurait d’autres sens que la légitimation policière. « Dans un pays comme la France, qui a au fil de l’évolution du droit de la nationalité, érigé la carte d’identité comme symbole fort de l’appartenance à la communauté nationale, le contrôle d’identité (…) mobilise le sentiment d’appartenance, la légitimité d’appartenance à la communauté nationale, et ce de manière publique puisque le contrôle est effectué devant les passants » rappellent Fabien Jobard et René Lévy [16].
Les contrôles d’identité ont ainsi une fonction, bien plus politique que strictement policière. Exiger de quelqu’un qu’il s’exécute suite à une injonction discrétionnaire et imposer qu’il justifie de son identité est une manière de nier l’évidence et la légitimité de sa présence et de sa condition. En empruntant au vocabulaire du sociologue Harold Garfinkel, nous sommes bien ici en présence de « cérémonies de dégradation [17] ».
Par le dispositif policier du contrôle, il s’agit de dévaloriser l’identité sociale et politique de personnes que les discriminations et les stigmatisations empêchent de pleinement faire valoir leurs droits. Ce que les jeunes contrôlés qualifient d’humiliation, de manque de respect et de défaut de reconnaissance s’ancre dans la longue histoire des relations entre la police française et certains « citoyens diminués ». Pendant la guerre d’indépendance algérienne, des policiers parisiens déchiraient régulièrement les papiers présentés par les « Français musulmans » qu’ils contrôlaient. Au-delà des conséquences pratiques générées par ces gestes (impossibilité de circuler, conduites au poste, voire internements administratifs…), il s’agissait avant tout de nier leur appartenance à une communauté française considérée comme simplement « de papiers », quand bien même elle était défendue militairement au sud de la Méditerranée.
Aujourd’hui, si les papiers exhibés sont plus rarement déchirés ou jetés [18], devoir les montrer, les voir scrutés, se faire palper, sont autant d’opérations qui obéissent à une logique similaire de doutes portés sur les identités attestées par les papiers, et en particulier la carte nationale d’identité.
Si le contexte politique et administratif a largement évolué depuis une soixantaine d’années, citoyenneté et nationalité restent toujours tout autant affaire de symbolique, de reconnaissance sociale et de cérémoniel politique que de délimitations juridiques. Les échelles de la citoyenneté sont ainsi constituées de multiples barreaux dont une partie seulement sont fondés en droit. Quand certains citoyens voient leur grandeur reconnue par une véritable « ingénierie des récompenses et des distinctions [19] », voire une moins avouable administration des faveurs, d’autres se voient rappeler quotidiennement à l’ordre social par une police en charge de cérémonies publiques de dégradation remettant la race au cœur des hiérarchies citoyennes.
P.-S.
Une première version de ce texte a été publiée dans Plein droit. La revue du Gisti, n° 103, 2014
Emmanuel Blanchard est l’auteur de La police parisienne et les Algériens (1944-1962).
Notes
[1] Hormis les étrangers, les habitants d’Algérie étaient alors tous de nationalité française. Mais, parmi eux, les « Français musulmans » restaient des « citoyens diminués » dont les droits restaient, légalement ou en pratique, amputés par la situation coloniale.
2] Emmanuel Blanchard, [La police parisienne et les Algériens, 1944-1962, Paris, Nouveau Monde éd., 2011 ; Jim House, Antiracism and antiracist discourse in France from 1900 to the présent day, Ph. D., Université de Leeds, 1997.
[3] Secours Populaire, Que pouvons-nous faire lorsqu’un travailleur algérien est arrêté ?, sans date. Cette brochure a été publiée dans le contexte de la guerre d’indépendance algérienne mais les contrôles et les arrestations dénoncés préexistaient à la situation de belligérance.
[4] En ouverture de son ouvrage sur l’ethnographie d’une Brigade anti-criminalité (BAC) en région parisienne, Didier Fassin rappelle, à partir de son expérience de père de famille : « Devoir apprendre à ses enfants la banalité de la discrimination et la docilité face à l’injustice : on ne saurait s’interroger trop sérieusement sur ce que signifie, dans une démocratie, une telle concession obligée à l’État de droit ». Didier Fassin, La Force de l’Ordre. Une anthropologie de la police des quartiers, Paris, Seuil, 2011, p. 26.
[5] Acronyme anglais de la Commission européenne contre le racisme et l’intolérance, une composante du Conseil de l’Europe.
[6] Rapport de l’ECRI sur la France, 2010, p. 59.
[7] D’après un sondage effectué par Opinion Way pour Open Society, HRW et Graines de France en février 2014, 15% des habitant·e·s de communes rurales avaient été contrôlé·e·s par la police ou la gendarme au cours l’année écoulée contre 6% des parisien·ne·s et banlieusard·e·s et 9% des personnes résidant dans d’autres villes de plus de 100 000 habitants. Résultats disponibles en ligne notamment sur le site de HRW.
[8] Témoignage de Lyes Kaouah, étudiant à Lyon, publié in L’égalité trahie. L’impact des contrôles au faciès, Open Society, 2013, disponible en ligne.
[9] Ces données sont extraites d’une enquête menée à Paris en 2008 et coordonnée par les sociologues Fabien Jobard et René Lévy. Ils en ont proposé de nombreux compte rendus et analyses notamment dans Plein Droit (n° 82, octobre 2009, article en ligne). Le rapport complet publié sous l’égide d’Open Justice (Police et minorités visibles. Les contrôles d’identité à Paris, 2009) est téléchargeable sur le site de la fondation.
[10] Il s’agit d’un ordre de grandeur car on touche là aux limites de l’échantillon et de la méthode choisis pour ce sondage. Parmi les personnes ayant des ascendants originaires d’Afrique du Nord et ayant été contrôlées au cours des douze derniers mois, le nombre moyen de contrôles déclarés est de 8,18. Mais cette moyenne amalgame hommes et femmes, alors que les premiers sont au moins deux fois plus contrôlés que les secondes.
[11] Cette enquête a été menée en 2012 par une équipe d’étudiant·e·s en sociologie de l’université Paris 8 : Nicolas Jounin et alii, « Le faciès du contrôle. Contrôles d’identité, apparence et modes de vie des étudiant(e)s en Île-de-France », Déviance et Société, vol. 39, n° 1, 2015, p. 3-29
[12] Tout au long des années 1990, le MIB (Mouvement de l’immigration et banlieues) a dénoncé les « contrôles au faciès », ainsi que « l’impunité » et la « hogra » (le mépris en arabe maghrébin) policières. Dans les années 2000, de nombreux sociologues (Manuel Boucher, Michel Kokoreff, Didier Lapeyronnie, Éric Marlière, Marwan Mohammed, Thomas Sauvadet…) ont publié de multiples extraits d’entretiens qui donnent à entendre comment la conflictualité avec la police s’ancre dans le quotidien de la violence symbolique et physique des contrôles d’identité.
[13] Article R. 534-16 : « Le contrôle d’identité se déroule sans qu’il soit porté atteinte à la dignité de la personne qui en fait l’objet. La palpation de sécurité est exclusivement une mesure de sûreté. Elle ne revêt pas un caractère systématique. Elle est réservée aux cas dans lesquels elle apparaît nécessaire à la garantie de la sécurité du policier ou du gendarme qui l’accomplit ou de celle d’autrui. Elle a pour finalité de vérifier que la personne contrôlée n’est pas porteuse d’un objet dangereux pour elle-même ou pour autrui. Chaque fois que les circonstances le permettent, la palpation de sécurité est pratiquée à l’abri du regard du public ».
[14] Agence des droits fondamentaux de l’Union européenne, Contrôles de police et minorités, 2010.
[15] Yannick Danio, alors délégué national du syndicat Unité SGP Police, est revenu à plusieurs reprises sur le sujet en 2011-2012 : « Une police qui a la population contre elle ne peut pas fonctionner. Ce n’est pas possible. Les contrôles à répétition sont contreproductifs. Nous, policiers, nous le disons, les spécialistes, les universitaires, ces personnes qui nous observent le disent. Ça n’a ni queue ni tête ! Nous avons besoin de renverser la vapeur pour ne permettre que des contrôles d’identité justifiés au lieu d’en faire à la pelle ». In L’égalité trahie. Op. cit, p. 6.
[16] Fabien Jobard, René Lévy, « Police, justice et discriminations raciales en France : état des savoirs », in Rapport annuel de la CNCDH, 2010, p. 182.
[17] Harold Garfinkel, « Conditions of successful degradation cérémonies », American Journal of Sociology, vol. 61, n° 5, 1956, p. 420-424.
[18] Des Roms, ou supposés tels, voient cependant parfois leurs papiers administratifs déchirés par les forces de l’ordre, ces « voies de fait » étant dénoncés par les intéressé et dans un certain nombre de rapports. Voir par exemple,
Romeurope, Les Roms à Toulouse, 2010.
[19] Olivier Ihl, Le mérite et la république. Essai sur la société des émules, Gallimard, 2007.
Commentaires récents