par Edith Wustefeld, Johan Verhoeven 31 août 2015
Pas de cours obligatoire, pas d’examens, pas de sanctions… Mais un véritable suivi de chaque élève afin qu’il découvre ses potentiels. En Argentine, à 500km au nord de Buenos Aires, l’école de La Cecilia propose depuis 23 ans de « faire l’école » autrement, avec la liberté et le respect de l’autre comme maîtres mots. Reportage vidéo extrait du webdocumentaire « Poder sin poder (pouvoir sans le pouvoir), l’autogestion au quotidien ».
Quand un parent vient inscrire son enfant à la Cecilia pour qu’il y fasse ses études secondaires, Gines del Castillo, fondateur et directeur officiel de l’école, est clair : « En théorie, votre enfant pourrait rester pendant ces cinq années sous un arbre et quand même ressortir avec son diplôme sous le bras… ». Gines est conscient qu’il n’y a pas grand risque que ce soit le cas. N’empêche que lorsqu’il raconte cela, lors d’un après-midi de cours, il fait grand soleil et presque tous les élèves sont dehors.
A la Cecilia, dès le secondaire, plus aucun cours n’est obligatoire. Le principe de base, c’est la liberté. « A partir de là, tout le reste se construit, explique Gines. On veut que les jeunes puissent vivre leur vie future en liberté, comme une décision personnelle. Mais pour qu’ils sortent libres de l’école, cela doit se pratiquer à l’école. »
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La Cecilia : video principale from Collectif Engrenages on Vimeo.->https://vimeo.com/127466838]
Les élèves ne sont pourtant pas livrés à eux-mêmes. Pour Gines, il s’agit de trouver le bon équilibre entre ne pas cloisonner et ne pas les abandonner non plus. Ainsi, les enseignants tiennent des feuilles de présence. Le but n’est pas de contrôler, mais plutôt d’avoir des informations utiles pour pouvoir aider. « Grâce aux présences, nous pouvons voir si un élève ne va à aucune activité et se poser la question : à quoi ne va-t-il pas où il irait peut-être si on lui proposait ? » La dynamique au sein de l’école est donc de sans cesse proposer.
« Ça ressemblait encore trop à une école »
Tous les matins, la journée commence par le quart d’heure de silence. Les chaussures restent dehors, tout le monde s’assoit ensemble dans la grande salle et le silence se fait. L’objectif ? S’arrêter quelques minutes, être au diapason chacun dans ses pensées… Jusqu’il y a peu, le silence était obligatoire. L’assemblée des élèves a décidé que ce ne serait plus le cas, mais a maintenu le principe de ce rassemblement. Gian Luca, 16 ans, explique : « Sinon on ne pourrait pas bien fonctionner, certains seraient complètement déconnectés. »
Au sein de l’école, la parole est très importante. Les conflits se résolvent en discutant, par petits ou grands groupes ; il existe des cours de connaissance de soi, où Gines discute avec un ou plusieurs élèves de différents sujets qui, directement ou indirectement, permettent aux jeunes d’y voir plus clair…
Ce qui est sûr, c’est que les idées ne manquent pas et que les valeurs – avec au premier rang la liberté et le respect de l’autre – sont le fil rouge de l’école. Ce qui n’empêche pas sa centaine d’élèves de partir de l’école avec un diplôme officiel, reconnu par l’État argentin. Par un heureux hasard ou un petit miracle, la Cecilia est en effet passée un jour entre les gouttes et a pu décrocher la reconnaissance officielle qui était pour les fondateurs une condition indispensable au maintien de l’école, afin qu’une fois dehors les élèves soient réellement libres de faire ce qu’ils veulent.
« Poder sin poder, l’autogestion au quotidien »
La présentation de cette initiative est extraite du webdocumentaire « Poder sin poder (pouvoir sans le pouvoir), l’autogestion au quotidien ». Ce webdoc présente douze initiatives qui cherchent à mettre en place un agir radicalement démocratique, un fonctionnement horizontal ou encore qui se revendiquent de l’autogestion, en Espagne, en Argentine et au Venezuela. Réalisé par deux Belges, Johan Verhoeven et Edith Wustefeld, le webdoc se base sur un voyage d’un an en Espagne et en Amérique latine entre 2012 et 2013, à la rencontre de plus d’une vingtaine d’initiatives autogérées. Les lieux présentés sont multiples : entreprises récupérées, coopératives, d’écoles, centres cultures, mouvements sociaux, villages… Mais tous ont en commun de fonctionner sans chefs et sans hiérarchie, en expérimentant d’autres manières de fonctionner ensemble.
L’idée du voyage est née en 2011, au moment des campements des indignés en Espagne. À la Puerta del Sol à Madrid, l’organisation horizontale des milliers de personnes qui participaient au mouvement du 15M achèvent de les convaincre. L’autogestion peut amener des réponses à certaines limites intrinsèques au système actuel. Les hommes et les femmes peuvent se réapproprier leurs vies, participer aux décisions qui les concernent, s’organiser ensemble pour s’attaquer aux problèmes qui les touchent.
Au même moment, ils entendent parler de Marinaleda, un petit village espagnol qui « résiste au capitalisme » (lire notre article). Le chemin est vite fait : s’il existe un lieu comme ça, il en existe certainement d’autres ! Sac au dos et caméra en main, ils partent à la découverte d’autres lieux autogérés afin de s’inspirer de leurs fonctionnements différents et montrer que de tels lieux existent et fonctionnent déjà.
Les facettes de l’autogestion présentées dans le webdocumentaire sont nombreuses. Il n’y a pas une recette, une réponse, mais beaucoup d’inspirations et de potentiel dans ces fonctionnements opposés au système hiérarchique omniprésent. Libre alors au visiteur de suivre le chemin qui l’intéresse dans ce documentaire transmedia organisé en cinq grands thèmes : culture, travail, résistance, éducation et autogestion.
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