Depuis des années, Naples offre deux visages : capitale culturelle au passé communiste et ouvrier, elle est aussi la ville de la Camorra, des petits boulots et de la contrefaçon. En contribuant à l’augmentation du chômage et à la disparition des emplois industriels, la crise économique a fait de la précarité et de la débrouille le lot d’un nombre croissant de ses habitants. Un avant-goût de ce qui pourrait survenir dans le reste de l’Europe ?
par Angelo Mastrandrea, avril 2013
Selon la légende, Osso, Mastrosso et Carcagnosso, chevaliers de Tolède affiliés à la loge maçonnique La Garduña, se sont réfugiés en 1400 sur une petite île de l’archipel des Egades, où ils ont jeté les fondements de trois mafias : la sicilienne Cosa Nostra, la Ndrangheta calabraise et la Camorra napolitaine (1). Une triade avec laquelle l’Italie du Sud n’en finit pas, depuis, de régler ses comptes.
On peut alors imaginer la stupeur qui a saisi l’intelligentsia napolitaine quand elle s’est rendu compte que l’œuvre d’art représentant un homme à cheval, commandée au sculpteur sud-africain William Kentridge et exposée à la sortie de la nouvelle station de métro Tolède, en plein centre-ville, était intitulée Le Cavalier de Tolède, autrement dit Carcagnosso, le fondateur de la Camorra, cet anti-Etat que le conseil municipal rosso-arancione (2), mené par l’ancien magistrat Luigi De Magistris, entend éradiquer.
Que la gaffe ait été le fruit de la légèreté, de l’ignorance ou d’un choix délibéré reste à déterminer. Mais l’affaire offre une métaphore parfaite des contradictions de Naples. D’un côté, la ville s’efforce de rafraîchir son charme de noble capitale en investissant dans le secteur public et dans la culture : le nouveau métro-musée rempli d’œuvres d’art, qui relie au centre-ville les banlieues les plus violentes d’Europe, peut être considéré comme le plus beau du continent (3). De l’autre, elle reste affligée de maux ataviques qui ressurgissent en permanence. Le meurtre d’un parrain sur une plage, l’été dernier, a déchaîné une guerre entre bandes criminelles pour le contrôle du marché de la drogue qui fait quotidiennement des morts et des blessés, souvent des gamins, dans la banlieue nord de Scampia. Et, avec un taux de chômage des jeunes évalué par l’Institut national de statistique (Istat) à 47 %, la situation sociale est toujours au bord de l’explosion. La suite
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