10 février 2020Stéphane Ortega
Soixante-huit jours. C’est la durée à ce jour de la mobilisation contre la réforme du système de retraite. Un des mouvement social les plus long et dense auquel ait été confronté un gouvernement depuis des décennies. Malgré une stratégie de pourrissement, les grèves se poursuivent : se repliant ici, se développant là, et tentant même un retour au premier plan à la RATP.
Contre toute attente, l’UNSA-RATP pôle traction a lancé jeudi 6 février un nouvel appel à la grève. Malgré 46 jours d’arrêt de travail entre le 5 décembre et le 20 janvier, en dépit de la répression et de fiches de paye réduites à peau de chagrin pour de nombreux agents, la première organisation syndicale de la RATP invite à un « lundi noir » le 17 février, jour du début de l’examen du projet de loi en séance à l’Assemblée nationale.
Depuis jeudi, les téléphones portables ont chauffé et l’appel est devenu unitaire vendredi soir. Un communiqué de presse signé par quatre syndicats de la RATP (UNSA pôle traction, SUD, FO, Solidaires) réclame le « retrait du projet de système de retraites par points » et demande aux agents de l’entreprise de « se mettre en grève le 17 février pour une journée morte dans les transports », et de se « mobiliser le 20 février pour participer à la manifestation et à toutes les actions interprofessionnelles ». Ce jour-là, l’intersyndicale nationale appelle à « une nouvelle journée de convergence de grèves et de manifestations » contre le projet du gouvernement.
De son côté, la CGT-RATP n’a pas rejoint l’appel unitaire à la grève du 17 février, préférant se concentrer sur celle interprofessionnelle trois jours plus tard. Pour autant, dans certains dépôts, ses militants ont déjà rallié cette date. Une situation qui n’est pas sans rappeler l’appel tardif de la seconde organisation syndicale de la régie à la grève du 5 décembre, considérée dans un premier temps comme corporatiste.
Les avocats ne désarment pas
Si le conflit dans les transports est sur le reflux depuis la fin du mois de janvier, il est au contraire toujours vivace dans les tribunaux. Les avocats sont en grève depuis le 6 janvier. Vendredi soir, l’assemblée générale du Conseil national des barreaux (CNB) a voté à l’unanimité des 70 délégués présents la poursuite du mouvement. Et ce, malgré les dernières propositions du gouvernement en fin de semaine.
Cependant, après 5 semaines de grève, les avocats dont les revenus sont les plus bas dans la profession commencent à faire leurs comptes. Or, ce sont justement ceux qui sont à la fois les plus mobilisés et les plus pénalisés par la grève notamment des permanences pénales (gardes à vue, droits des étrangers, mineurs). Ainsi, le CNB propose des formes d’actions multiples pour poursuivre la mobilisation sans appeler fermement à la grève dans les 164 barreaux de France. Lundi, de nombreuses assemblées générales sont prévues en région et chaque barreau définira ses modalités d’action.
Breaking news : le travail est pénible
Souvenons-nous : « Moi j’adore pas le mot de pénibilité, parce que ça donne le sentiment que le travail serait pénible ». Cette petite phrase prononcée par Emmanuel Macron le 3 octobre 2019 à Rodez pendant le débat lançant sa consultation sur la réforme des retraites résume à elle seule la vision du monde du travail de l’exécutif. Mais la volonté du gouvernement d’allonger les carrières pour bénéficier d’une retraite à taux plein est venue buter sur le réel : 69,7 % des ouvriers et 35,7 % des employés sont exposés à au moins un facteur de pénibilité selon la Dares.
Ainsi, depuis le 5 décembre, on ne compte plus les professions s’étant mobilisées avec en toile de fond la reconnaissance de la pénibilité de leur travail. Emblématique de la lutte contre une réforme imposée au forceps : la grève des danseurs de l’opéra de Paris, la plus longue de l’histoire de l’institution. Mais le début de l’année 2020 a vu entrer dans la grève de nouvelles professions exécutant des travaux pénibles et exprimant leur refus de travailler plus longtemps. À Marseille, un mois et demi après le 5 décembre, les éboueurs ont entamé un arrêt de travail le 23 janvier. Il a duré 15 jours. Depuis le 6 février, l’assemblée des grévistes l’a suspendu après que la préfecture ait pris un arrêté de réquisition. Même situation à Paris où le préfet a signé un arrêté de réquisition le 31 janvier en réponse à la grève dans les centres de traitement des déchets d’Île-de-France.
La pénibilité du travail était aussi au cœur des préoccupations des dockers ou des égoutiers en grève. Elle l’est encore dans de nombreuses entreprises dans le secteur privé avec régulièrement des arrêts de travail de 24 h les jours de mobilisation interprofessionnelle. Elle l’est aussi autour de la mobilisation des paramédicaux réclamant des moyens pour l’hôpital : les aides-soignantes perdront deux années de départ anticipé avec la réforme. Elles seront en grève avec l’ensemble des personnels de l’hôpital le 14 février.
À qui le tour ? Une prochaine journée de grève nationale interprofessionnelle est programmée le 20 février et certains syndicats rêvent d’un rebond de la mobilisation en mars. Même le patron de la CFDT Laurent Berger,empêtrée dans une conférence sur le financement qu’il a voulu, mais qui risque de confirmer des mesures d’âges, dit à propos de la grève, n’exclure aucune forme d’action. De quoi faire mentir la députée européenne LREM Nathalie Loiseau qui déclarait le 5 février qu’il n’y a plus de grève en France.
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