16 février 2018 par Redac Web
A Afrîn, on ne se bat pas que pour battre les islamistes et les impérialistes turcs ; on se bat aussi pour un projet de société différent : le confédéralisme démocratique. Je voudrais l’examiner à travers plusieurs aspects… l’écologie, la démocratie directe, le féminisme…
Alternative libertaire reproduit les billets du blog Kurdistan-Autogestion-Révolution où, après Arthur Aberlin, engagé au sein des YPG, s’exprime à présent Damien Keller, engagé lui dans le Bataillon international de libération (IFB).
Au fil des semaines, il témoignera de la vie au sein de l’IFB, des débats qui s’y mènent et de l’évolution du processus révolutionnaire dans la Fédération démocratique de Syrie du Nord.
Canton de la Cizîrê, 15 février 2018
La bataille d’Afrîn continue, mais ce qui saute aux yeux, c’est qu’Erdoğan et ses sbires islamistes de l’Armée Syrienne Libre piétinent. En trois semaines d’offensive, ils n’ont quasiment pas réussi à pénétrer dans le canton, et les Forces Démocratiques Syriennes leur ont infligé des pertes non négligeables, en abattant des hélicoptères et des tanks. Si ça continue comme ça, ça commencera à ressembler à ce qu’a été l’Afghanistan pour l’URSS, ou le Vietnam pour les États-Unis.
Mais à quel prix ? De nombreuses et nombreux camarades paient tout cela de leur vie, sans parler des victimes civiles, et des destructions matérielles dans les villes et villages du canton d’Afrîn.
“Vive l’internationalisme des travailleurs/travailleuses. Vive l’internationalisme prolétarien” (kurmandji, puis turc).
En médaillon : des martyrs du Bataillon international de libération.
Comme je suis contraint de rester à l’arrière (voir mon précédent billet), je ne vais cependant pas me contenter de vous commenter la bataille d’Afrîn. Je voudrais commencer à publier quelques billets sur le processus révolutionnaire ici, au Rojava et dans la Fédération démocratique de le Syrie du Nord.
Le « confédéralisme démocratique » dont se revendique le PYD et ses organisations-sœurs dans les différentes régions du Kurdistan se veut un dépassement du marxisme-léninisme, qui intègre différents aspects : l’écologie, la démocratie directe, le féminisme…
Je voudrais les examiner un à un, et vous faire part d’observations critiques personnelles, ou résultant de mes discussions avec différent.es révolutionnaires, kurdes ou non.
L’écologie. C’est sans doute l’axe le moins travaillé actuellement dans la société civile du Rojava – et bien sûr cela s’explique par la situation de crise actuelle – alors que les besoins sont énormes.
Pour commencer, il faut avoir à l’esprit que le régime d’Hafez el-Assad avait procédé à une déforestation massive du Rojava afin d’en faire le grenier à blé de la Syrie. Ceci a entraîné une destruction de tout l’écosystème de la région. Il faudrait une politique d’ampleur et volontariste pour replanter des forêts entières. On n’en est évidemment pas là, alors que le Rojava est dans une situation économique très précaire – le service public de ramassage des ordures n’est même pas assuré partout, par exemple.
Un slogan incitant à laisser les rues propres : “Une culture de la propreté, une nation démocratique.”
Dans une rue de Tell Tamer (Girê Xurma).
Il faut ajouter à cela que les années de guerre ont entraîné une dissémination de munitions et de douilles dont les composants chimiques pollueront les sols pendant des décennies, comme on peut le voir en France où l’écosystème de certains départements porte encore les stigmates de la Première Guerre mondiale.
La question énergétique, enfin, est déterminante. D’un côté, la facilité d’accès au pétrole n’encourage pas la population à se passer de cette ressource, malgré les pénuries suite à l’interdiction des raffineries artisanales, beaucoup trop polluantes. D’un autre côté, le blocus imposé par la Turquie et son allié, le Kurdistan d’Irak, empêche l’importation de matériaux comme les panneaux solaire ou des systèmes de raffinage plus propres.
Enfin, les principes de l’écologie anticapitaliste, basées sur la production locale et autonome de l’énergie plutôt que sur la centralisation industrielle, ne sont malheureusement pas suffisamment travaillées dans nos propres organisations politiques, et trop peu partagées à l’international.
À suivre.
Damien Keller