de : Nemo3637
jeudi 15 février 2018
I. Une opinion ordinaire…
Pépère – oui, évidemment j’ai changé son nom… – est un collègue de travail qui représente bien l’opinion de nombre de personnes de ce pays. Dès que l’on commence à « parler politique » il émet bien vite des avis péremptoires et imparables.
Le grand fléau à combattre, qui est à l’origine de nos malheurs, c’est l’ immigration massive qui s’est abattu sur la France. « Il n’y a pas que ça bien sûr » mais …tout vient de là ou presque. Même si dans sa petite ville de montagne il a du mal à en distinguer, les immigré sont partout.
L’explosion de l’immigration en Europe depuis deux ans n’est-elle pas indéniable ? Il n’y a qu’à aller à Calais… Et même si on lui dit que nombre d’immigrés, comme ceux de Calais, ne veulent pas s’établir en France, il est persuadé que notre pays accueille plus d’immigrés qu’ailleurs dans l’Union Européenne. La citoyenneté française serait accordée en masse « à n’importe qui ».
Quant aux aides, aux allocations versées aux immigrés, cela ne représente t-il pas une fortune soustraite à « notre bien public national » ? Si on lui que lesdits immigrés ne peuvent toucher le RSA, que l’aide à un immigré clandestin est pénalisée, il ne le croit pas. Qui vit sur des croyances et des impressions, trouve inutile l’énonciation de chiffres d’organismes ou d’instituts reconnus internationalement pourtant dignes de foi : de telles références ferait en effet partie d’un complot de politiciens et de gens intéressés !
L’immigration appauvrirait, participerait à l’attaque contre nos « valeurs de toujours ». Quand on lui demande à lui, Pépère, quelles sont ses références, cela l’énerve un peu. Il se réfugie derrière la dernière scène qu’il a vu au marché, avec ce « basané » qui baragouinait en cherchant de mauvaise grace sa monnaie dans sa poche.
Il rabache à nouveau une scène vue au journal télévisé à Calais. Quel bandes de s… tout de même ! Pour les dissuader de venir ne devrait-on pas organiser des expéditions punitives ? Comme les ratonnades des années 1960 ? Non, quand même..(Ah bon ?). ; il faut auparavant les trier, séparer les femmes et les enfants… Mais bon il faudrait quand même expulser tout ce monde. On lui dit que c’est impossible, compliqué, onéreux, que la France reconnaît le droit d’asile… Mais Pépère ne perd pas son bagoût raciste ; bombe la poitrine devant le comptoir où trône son verre de blanc, et se dit prêt à se porter volontaire « pour la France », à encourager nos forces de l’ordre en tous cas….
II. Quelques chiffres sur l’immigration en France
Avant d’entrer dans le vif du sujet , il convient de bien cerner les catégories de population et ce qui les différencie : étrangers, réfugiés, immigrés légaux, immigrés clandestins. C’est souvent en jonglant avec ces termes que l’on parvient à déformer complètement une réalité.
Ainsi en 2008 un tiers des immigrés provenaient de pays de l’Union Européenne , 38 % d’Europe. On compte ensuite 42,5 % d’immigrés originaires d’Afrique et du Maghreb, 14,2 % d’Asie et 5,3 % d’Amérique ou d’Océanie, selon l’Insee.
Le recensement de 2012 fait état d’une population totale de 65,2 millions d’habitants dont 61,2 millions de nationalité française et 4 millions d’étrangers. Les Français de naissance et les Français par acquisition parce que nés en France étaient alors 58,9 millions. Alors que 2,3 millions étaient Français par acquisition nés hors de France. Parmi les 4 millions d’étrangers, 3,4 millions étaient nés hors de France et 0,6 million nés dans le pays. Les 3,4 millions d’étrangers nés hors de France et les 2,3 millions de Français par acquisition nés hors de France constituent une population d’immigrés de 5,7 millions.
Les immigrés sont majoritairement originaires du Maghreb et de l’UE La colonisation et l’appel aux travailleurs immigrés dans les années 1960 explique en partie la forte part d’immigrés issus du Maghreb.
Selon la publication de BSI Economics de 2013, la population de la France était constituée à cette date, de 12 % d’étrangers, ce qui place le pays dans une moyenne basse, dépassée par le Royaume Uni, l’Allemagne (13%) ou la Suède (16%). En moyenne 85 000 migrants européens s’établissent chaque année en France. Selon l’OCDE, la France se situe ainsi au 17e rang des pays développés pour la part d’immigrés dans la population .
III. L’entrée clandestine des immigrés.
Il est évidemment difficile de comptabiliser les entrées d’étrangers en France et plus généralement dans l’Union Européenne. Ceux qui parle de « rétablir les frontières » se paye de mots face à un problème migratoire qui touche pratiquement tous les continents. Un flic tous les 5 mètres ? Une mitrailleuse tous les 50 mètres ? Les estimations les plus fiables sont données par l’agence Frontex, chargée de la « police » aux frontières européennes. Même si évidemment , selon les thèses de l’extrème-droite – celles que gobent régulièrement Pépère – cet organisme fait partie de la théorie du complot, tout comme l’INSEE, Frontex, etc.
Ainsi les entrées illégales ont certes augmenté en 2013. Mais elles sont restées inférieures à celles de 2011, de 2010, de 2009. Mais il est vrai qu’en 2014, les entrées illégales sur le sol européen ont connu un pic dépassant celui de 2011 lors des révolutions arabes. 68 589 migrants clandestins ont été recensés par les états membres de L’Union Européenne au cours du deuxième trimestre 2014, soit plus de trois fois qu’au premier trimestre. Comment chiffrer l’immigration clandestine ?
« S’il faut proposer un ordre de grandeur du nombre de migrants irréguliers vivant en France, mieux vaut le situer entre l’estimation haute tirée de l’AME (Aide médicale de l’État,) et l’estimation basse emprunté au modèle méditerranéen. La fourchette ainsi tracée va de 6 % à 10 % de la population immigré, autour d’un demi-million de personnes, moins de 1 % de la population du pays.
IV. La France n’est pas la destination préférée des immigrés.
Ainsi les chiffres publiés par Frontex pour 2014 montrent surtout une augmentation massive des demandes d’asile en Allemagne (+ 22 315 et en Suède (+ 20 130). Mais pour la France, c’est une diminution de – 11 600 demandes qu’il convient de constater. En août 2014, le ministère de l’intérieur expliquait cette situation au journal Le Monde par le fait que l’Hexagone était davantage « un pays de transit » vers d’autres destinations où les perspectives économiques sont jugées meilleures comme l’Allemagne, le Royaume Uni, la Suède.
Si, en 2015 , l’Europe était touchée par une nouvelle et brusque montée du nombre d’immigrés, la répartition était proportionnellement la même qu’auparavant.
« Attention aux chiffres sur l’augmentation « sans précédent » du nombre d’arrivées de personnes migrantes en situation irrégulière ! Les statistiques de Frontex sont très souvent citées dans les médias et par les hommes politiques, comme le chiffre de 710.000 entrées irrégulières entre janvier et septembre 2015. Or, la méthode de calcul de cette agence est très critiquable. Elle surévalue le nombre de personnes. Tout d’abord elle inclue celles qui peuvent prétendre à une protection internationale et qui n’ont souvent pas d’autre choix que de traverser « illégalement » la frontière pour aller demander l’asile en Europe, en raison du verrouillage de l’accès au territoire européen mis en place par l’UE et ses Etats. D’autre part, Frontex comptabilise parfois plusieurs fois les passages de frontière d’une même personne, confondant ainsi le nombre de passages de frontières avec celui des entrées effectives au sein de l’UE, comme elle le reconnaît à la fin de son communiqué de presse du 22 février 2016 » (Cimade, document repère « migrations internationales », version 23/01/2017 citant un communiqué de presse FRONTEX, 22 février 2016)
V. Perception de l’immigration.
Il y a les chiffres, des réalités globales et la perception des immigrés partagée par une large partie de la population française. Ce sentiment bien réel est trop souvent négligé par les analystes parce que jugé irrationnel. Mais il ne suffit pas de dire à ceux qui vivent dans des quartiers difficiles ou qui subissent des nuisances apparemment causées par des étrangers, qu’ils doivent sourire et tendre l’autre joue.
Remarquons tout d’abord que la concentration locale ou régionale d’immigrés fait effet de loupe déformante : ce qui se passe à Calais, dans la région parisienne, ou à Lampedusa en Italie, attire l’attention médiatique, conforte une image d’ensemble négative en donnant une impression d’un flux en hausse perpétuelle.
Une partie de l’immigration, maghrébine, musulmane, poserait aujourd’hui un problème nouveau. Pourtant l’immigration venant d’Afrique du nord n’est pas nouvelle, ayant été parfois encouragée par certaines entreprises française. La Guerre d’Algérie, pourtant sanglante, n’a pas empêché la poursuite d’une histoire commune par la langue et l’immigration. Mais jusque dans les années 1980 peu de personnes immigrées affichait des attitudes et des signes religieux contradictoires avec les principes de la république française.
Un terreau propice à la montée d’un fondamentalisme religieux s’est constitué. Mais il n’est pas né d’origine spontanée dans l’immigration de culture musulmane. Il s’agit d’une révolte d’une fraction de la jeunesse – dont l’origine n’est pas toujours musulmane ni maghrébine – manipulée par des réseaux intégristes. Les convertis justifient, tout comme l’extrème-droite , par des mythes et un retour à une culture idéalisée, des actions terroristes, visant les symboles du monde « occidental ». Cette stratégie de violences aboutit à mettre dans le même sac tous les immigrés musulmans devenus suspects. Ainsi se réalise l’objectif de confrontation des extrémistes.
Les fondamentalistes ont gagné du terrain dans la vie publique : harcèlement des femmes qui ne doivent plus se vêtir de jupe, généralisation de l’ usage du voile … Il est normal, dans un pays où les questions religieuses ont parfois provoquées de longues guerres civiles, où l’Église catholique a été combattue, où l’athéisme est une réalité historique, où la femme s’émancipe à travers un long combat, que l’on n’accepte pas certains accoutrements, certaines pratiques et attitudes, comme par exemple les gestes soutendant une volonté d’asservissement. . VI. Guerres et changement climatique causes des migrations internationales.
On chiffre à 244 millions le nombre de migrants à travers le monde. Mais dans plusieurs parties du monde, la migration s’effectue essentiellement entre pays du même continent. En 2015, 87 % des migrants internationaux vivant en Afrique, en étaient originaires, mais venant d’un autre pays . Les pourcentages correspondant étaient de 82% pour l’Asie, 66% pour l’Amérique latine et les Caraïbes, et 53% pour l’Europe.
En 2015, les deux tiers des migrants internationaux vivaient dans 20 pays seulement, tout d’abord aux Etats-Unis, qui accueillaient 19% de tous les migrants, suivis par l’Allemagne, la Russie, l’Arabie saoudite, le Royaume-Uni et les Emirats arabes unis.
Mais pourquoi tous ces migrants ? D’où viennent ceux qui arrivent en Europe ? Lorsque l’on prétend aller à la racine du mal, souvent on met en avant un développement nécessaire et particulièrement pour l’Afrique l’équipement électrique. Loin de dire qu’un tel projet est accessoire, force est de constater qu’un des principaux fléaux de ce continent est la guerre. Si la destruction suit l’édification on n’en finira jamais.
Evoquer le dérèglement climatique qui est lui aussi la résultante du développement capitaliste obligerait à un nouveau chapitre.
Mais voyons un peu ces réfugiés et la situation de leur pays d’origine. En 2001 les Etats-Unis interviennent massivement en Afghanistan pour en chasse Al Quaida. l’Allemagne, la France, l’Italie, l’Espagne, la Pologne et la Roumanie entre autres pays européenns les soutiennent. En 2003,contre Sadam Hussein, c’est le n en Irak, avec le soutien de ces mêmes pays européens. Même type d’intervention en Irak en 2003, qui verra beaucoup de pays européens embarqués dans la guerre menée contre le régime de Saddam Hussein. En 2011 la France, l’Italie, la Grande-Bretagne, l’Espagne et la Belgique soutiennent l’intervention militaire de l’OTAN en Lybie. L’objectif apparaît clairement comme étant l’élimination de Khadafi qui menaçait de relâcher les réfugiés détenus désirant traverser la Méditerranée.
La France intervient régulièrement en Afrique où elle dispose de plusieurs bases militaires. Sa dernière ingérence remonte à 2013 au Mali, à la demande du président malien de l’époque , devant la menace des groupes islamistes. Selon nombre d’observateurs internationaux, l’habituelle « lutte contre le terrorisme » cache des intérêts liés à l’exploitation de l’uranium.
Quant aux armes légères utilisées par les belligérants de par le monde, ils proviennent de Chine, d’Israël et d’une vingtaine de pays de l’OSCE, l’Organisation pour la Sécurité en Europe ( Etude réalisée en 2010 par le Réseau Afrique Europe Foi et Justice).
Et par conséquence, selon le rapport de l’Agence des Nations Unies pour les réfugiés (UNHCR) de 2015 ? plus de deux tiers des demandes d’asile ont été adressées aux 6 pays suivants : l’Allemagne, les États-Unis, la France, la Suède, la Turquie et l’Italie.
Comme une sorte de sinistre « retour à l’envoyeur » une grande partie des immigrés viennent de pays où les puissances militaires américaines et européennes sont intervenus….
La politique des états, comme la ,France, devient de plus en plus coercitives vis à vis des réfugiés, des demandeurs d’asile, même si nombre d’entre eux ne veuillent pas y résider. Cette coercition fera surtout la fortune de passeurs qui eux, dans ces conditions, existeront toujours
Il est impossible d’empêcher ce flux si l’on ne coupe pas à la racines les raisons de ces migrations : guerres et désastre climatique. Ces raisons il faut les chercher dans le développement du capitalisme qui provoque la destruction de la planète. En attendant, fidèle à la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme, tendons la main à tous ceux qui veulent, se déplacer, vivre de leur travail sans exploiter personne.
Principale sources : INSEE 2008, 2012 ,2014,2015,2016 .