RETOUR AU 19e SIECLE ?
La formule a de plus en plus de succès vu les performances politiques du gouvernement sur le plan social et les régressions sociales actuelles et à venir. Elle n’est cependant pas exagérée.
Le monde actuel n’est plus celui du 19e siècle et en Histoire on ne revient pas en arrière, mais des similitudes existent ne serait-ce que parce que nous sommes toujours dans le même système économique avec les mêmes principes fondamentaux qui le régissent.
LE 19e SIÈCLE…
C’est le siècle de la montée en puissance du capitalisme, de l’émergence de ce que l’on appellera les nations industrialisées : France, « Allemagne », Angleterre, USA,… Ce système se développe à l’« état brut » : démantèlement des anciennes structures économiques de production, création d’entreprises « modernes », embauche massive de « force de travail » pour lequel le salaire octroyé n’est que le moyen de se reproduire. La possession de colonies démultiplie la puissance politique, et économique des empires coloniaux naissants tout en exacerbant leurs conflits.
Socialement les salariés sont au plus bas. Quasiment aucune protection sociale… c’est le règne du « patronat de droit divin ». Les luttes sociales qui se prolongent pendant prés de deux siècles vont aboutir au 20° siècle à une codification des rapports entre employeurs et salariés. Le rapport de force, quand il est favorable aux salariés, permet des avancées sociales conséquentes qui, à la fois améliorent leurs conditions de vie et de travail, mais permettent aussi au patronat d’éviter l’explosion sociale et, ce qu’ils redoutent par-dessus tout, la révolution sociale.
C’est l’époque, où le patronat « peut, et à intérêt, à se payer la paix sociale », donc faire des concessions et où le système capitaliste dans son ensemble, se résume à quelques nations qui détiennent toutes les ressources naturelles, les technologies,… ce qui ne les empêche, évidemment pas, de s’affronter militairement.
L’emploi n’est, de manière générale, pas un problème. Les entreprises ont besoin de force de travail et la trouvent sur place. Ainsi une sorte de consensus, conflictuel, mais stable, s’établit entre employeurs et salariés…constituant un tissu social que même les projets révolutionnaires ne déchireront pas. Entre réformistes et révolutionnaires, ce sont incontestablement les premiers qui ont eu le dernier mot.
… ET AUJOURD’HUI
Le 20e siècle n’a fait que permettre au Capital de développer son emprise sur le monde et ce, malgré les conflits sanglants entre nations industrialisées. La décolonisation qui a suivi la 2e Guerre Mondiale, si elle a affaibli les États-Nations industriels, n’a pas empêché le Capital, qui ne connaît pas les frontières, d’envahir l’ensemble de la planète. Le cocon protecteur de l’État-Nation ne lui étant plus indispensable pour son développement, le Capital s’est mondialisé, créant des structures économiques – les multinationales – finalement plus riches et plus puissantes que les Etats. La financiarisation de l’économie – faire de l’argent avec de l’argent – a, enfin, en grande partie supplanté le principe – faire de l’argent en produisant…. D’où la spéculation financière effrénée !
La mondialisation marchande a eu, et a, des répercussions considérables sur les notions de démocratie et de citoyenneté. On savait depuis le 19e siècle l’État-Nation en étroite liaison avec le Capital national,… mais aujourd’hui la mondialisation du capital relativise considérable les pouvoirs de L’Etat et par voie de conséquence ceux du citoyen. Les Etats défendent les intérêts du capital mondialisé et sont incapables d’atténuer les contradictions d’intérêts entre détenteurs du capital et salariés.
Le Capital, pas plus que l’Etat, ne peuvent garantir l’intégrité du lien social salarial basé sur le fait que chacun/ne trouve un travail pour vivre. Le marché du travail est mondialisé,… d’où les délocalisations, et le fait que la guerre des coûts de production (donc aussi des salaires), entre entreprises, fait rage sur le marché mondial. La politique économique qui consistait, dans le cadre d’un État-Nation, à réduire le chômage par la relance de la Demande, donc de la Production, n’est plus efficace dans un monde ouvert… la production peut se faire ailleurs, de même que la demande peut se faire à partir des importations.
Il reste donc la réduction des coûts pour accroître la compétitivité de l’entreprise en espérant – ce qui est loin d’être sûr – qu’elle embauchera… ce que l’on appelle la politique de l’Offre. Ainsi le patronat a raison – de son point de vue – quand il veut « toiletter » le Code du Travail. Autrement dit, il veut revenir à un marché du travail, débarrassé des garanties qui ont été imposées par les luttes des salariés. L’Etat, quelle que soit sa couleur politique, étant bien incapable de proposer une autre solution,… il suit la logique du MEDEF. CQFD.
On comprend dès lors l’analogie avec le 19e siècle. La grande différence, c’est qu’aujourd’hui, les marges de manœuvres de l’Etat n’existent plus,… de même que le Capital qui devait céder au rapport de force imposé par les salariés, peut aujourd’hui l’ignorer. Le mouvement ouvrier fort autrefois, est aujourd’hui affaibli par la mondialisation du capital qui a dispersé ses effectifs… on a assisté à l’éclatement de ce que l’on appelait la « classe ouvrière ». Les salariés atomisés ne constituent plus une force comme ce fut le cas dans le passé.
Il va falloir repenser une stratégie politique, ce dont sont actuellement incapables partis politiques (progressistes) et syndicats (aussi radicaux soient-ils !). Les vieux schémas de contestations et de changements sociaux ne marchent plus. Le vrai débat politique est là, et pas ailleurs, pas dans les institutions réelles ou supposées.
7 mars 2016 Patrick MIGNARD
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